«Il y a toujours eu des accords, mais ils ne sont pas appliqués parce qu’il n’y a jamais eu un règlement profond des crises ». Par ces mots, au cours de l’entretien exclusif qu’elle vient de nous accorder, la présidente des femmes du MNLA, non moins actuelle 1ère vice-présidente de la Commission Vérité, justice et réconciliation (CVJR) prône un « engagement fort » des autorités, des mouvements signataires et de la communauté internationale pour « une mise en œuvre totale et diligente» de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger. Discours que celle qui estime que le Mali a frôlé le génocide entre 2012 et 2013 développera lors du prochain forum de Kidal.
Née le 20 mai 1962 à Zouerat, dans le cercle de Goundam (région de Tombouctou), originaire de Kidal, Nina Oualet Intallou est la fille de Intallou Ag Ekawel, gendarme à la retraite, infirmier major de son état, qui a été tué, « écrasé par un char de l’armée malienne à 80 km de Gossi, sur la route de Rharous, avec 12 membres de sa communauté et enterré dans une fosse commune en 1992 ». Un drame comme tant d’autres dans la zone et ailleurs au Mali, sur lequel la lumière n’a jamais été faite. Une tragédie qui va marquer à vie cette dame, licenciée en droit public et chef d’entreprise. Une vie mouvementée avec une soif de justice, car, pour elle, « le Mali venait entre 2012-2013, de frôler le génocide. Le pays est revenu de très loin ! ».
Après avoir séjourné comme chef d’entreprises en Côte d’Ivoire pendant quelques années, Nina Oualet Intallou, de retour au Mali, va intégrer le parti politique ADEMA-PASJ au niveau de sa région de Kidal où elle sera élue maire de la commune de l’Adrar des Ifoghas en 1999. Le poids des traditions et les querelles de leadership ne lui ont pas permis d’exercer sa fonction de maire, plusieurs personnalités étant intervenues pour son retrait de la mairie pour le Haut conseil des collectivités territoriales, dont elle est membre jusqu’à la survenance des événements de 2012.
Nina va se réfugier, avec des membres de sa communauté, à Nouackchott, en Mauritanie, comme responsable politique du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA).
Comme causes essentielles de ces crises récurrentes au Nord du Mali, l’actuelle 1ère vice-présidente de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) relève « une série d’injustices et de manques de réparations » depuis les événements douloureux de la période des indépendances, de 1963 à nos jours. « Il y a toujours eu des accords, mais ils ne sont pas appliqués parce qu’il n’y a jamais eu un règlement profond des crises. Il y a un manque d’équité et de justice dans les mécanismes de mise en œuvre de ces accords. La déclaration des indépendances s’est mal passée, car il y a eu une mauvaise explication de la situation après le départ des colons. Ce qui a provoqué la rébellion de 1963 qui a été matée : il y a eu des civils tués, des puits empoisonnés, des femmes torturées et violées… ». Et d’ajouter que la rébellion de 1990 avec les accords dits de (Tamanrasset en 1992), qui n’ont pas été appliqués dans leur intégralité, a « rajouté au manque de justice car les bourreaux courent toujours et n’ont jamais été jugés ».
A la question de savoir comment elle a vécu les événements de 2012, elle évoquera des témoignages sur des « amalgames » par exemple, les saccages de domiciles de l’ex-ministre Zakiatou Oualet Halatine, de Dr Elmehdi Ag Hamady, qui a une clinique et une pharmacie à Kati et plusieurs autres cas à Bamako.
Quel était son rôle parmi les siens du MNLA en Mauritanie ? Elle parlera de « conseils et assistance » en tant que responsable politique. « J’intervenais surtout auprès des organisations humanitaires pour qu’elles s’occupent de nous comme réfugiés».
Dans le processus de sortie de crise et de réconciliation, Nina Oualet Intallou assure qu’elle mettra tout en œuvre, en tant que 1ère vice-présidente de la CVJR, pour aider à « établir la vérité, à dire à qui de droit les causes profondes de cette crise ». « Tant qu’il n’y a pas de vérité et de justice, nous n’aurions rien fait. Vous savez, on n’était proche d’un génocide au Mali. Nous sommes revenus de très loin ! », soupire-t-elle.
Avant de plaider pour un engagement fort de tous les acteurs, l’Etat malien à travers le gouvernement, les mouvements signataires de l’Accord dont elle est membre, la société civile, les partis politiques et la communauté internationale pour que le pays sorte définitivement de cette spirale de crises. « J’insiste sur la mise en œuvre totale de l’Accord que nous avons tous signé. Et que la justice soit faite pour tous. Que tous ceux qui ont commis des crimes répondent de leurs actes pour que nous allions au pardon et à la réconciliation », a-t-elle conclu.