Les militaires putschistes ont quasiment verrouillé le jeu au sein des institutions de transition, dont le choix de certains membres suscite la désapprobation d’une partie des Maliens qui, pour certains, se sentent trahis par l’armée.
La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a dépêché de nouveau une mission à Bamako où le processus de transition bat de l’aile sur fond de chasse aux opposants au rôle controversé et monopolistique de la junte, à l’origine du putsch du 18 août dernier contre l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK).
Le déplacement de cette mission, dirigée par l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan, cache mal en effet l’inquiétude grandissante de la Cédéao, face à la situation politique que vit le Mali, lui aussi membre de cette organisation ouest-africaine.
Elle intervient peu après les cent jours de la prestation de serment du président Bah N’Daw et de son vice-président Assimi Goîta (chef de la junte). Selon les médias, la mission de la Cédéao va “s’intéresser de près à la situation politique locale” qui prête à beaucoup d’inquiétude, après la série d’arrestations et d’inculpations de figures politiques et médiatiques, très critiques vis-à-vis des autorités de transition, accusées de préparer un “coup d’État”.
L’ancien Premier ministre dans le gouvernement d’IBK, Boubou Cissé, fait également partie des personnalités que les autorités de transition cherchent à arrêter, mais il est introuvable, ses avocats disant qu’il n’est pas en fuite mais qu’il est dans un “endroit sûr à Bamako”.
Cependant tout le monde ignore ce qui lui est reproché exactement, à lui et aux autres personnalités inculpées pour “tentatives d’atteinte à la sûreté de l’État” et de “putsch” contre une autorité de transition, dominée par les militaires à tous les niveaux, alors que le chef de la junte s’était engagé à remettre le pouvoir au civil.
La prédominance de l’armée dans le jeu politique, durant cette phase de transition, risque, en effet, de saper le processus en cours pour un retour véritable à un pouvoir civil à Bamako, où beaucoup de Maliens qui ont manifesté contre IBK durant des semaines et salué son éviction, se disent trahis par l’institution militaire. Et la situation sécuritaire n’est pas pour faciliter une transition politique fragile dans l’un des pays les plus pauvres et les plus instables du Sahel.
Depuis trois ans, les violences terroristes et intercommunautaires ont causé d’immenses retards dans la mise en œuvre de l’accord de paix entre les autorités maliennes et les ex-rebelles, cosignataires de ce texte issu du processus d’Alger.
Cela sans compter les retards pris dans la lutte contre la pauvreté et les autres problèmes liés au développement, alimentant ainsi le climat de colère contre le gouvernement qui a abouti à la chute d’IBK, après un vaste mouvement de contestation mené par la coalition de l’opposition, réunie au sein du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques de l’influent imam Mahmoud Dicko.
Bien qu’affaiblie par certaines divisions, cette coalition aurait de quoi mobiliser la rue, n’étaient les risques élevés de contamination au coronavirus.Autrement dit, sans la pression de la Cédéao et des autres membres de la communauté internationale, la rue pourrait de nouveau gronder à Bamako, en signe de contestation contre les militaires au sommet du pouvoir de transition.
Lyès MENACER
Source: liberte-algerie.com