Selon plusieurs informations en provenance de sources concordantes, Iyad Ag Ghali, le gourou du mouvement jihadiste Ansar Eddine, serait de retour dans la ville de Kidal. A lire l’hebdomadaire malien « Le Guido », le chef rebelle et terroriste envisage de faire appliquer à Kidal la charia, la loi islamique, pendant tout le mois de ramadan.
Cette information tombe au moment où le conseil de sécurité prolonge d’un an le mandat de la mission multidimensionnelle intégrée des nations unies pour la stabilisation du Mali (Minusma) et entend boucler et déployer les effectifs prévus à cet effet, soit 11 200 militaires et plus de 1400 policiers. Elle tombe également au moment où le médiateur de la Cédéao dans la crise malienne, le président burkinabé, entreprend une visite de deux jours au Mali pour tenter de reprendre pied dans le dossier malien. Elle tombe surtout quelques jours avant une réunion de concertation, en Algérie, entre différents groupes armés terroristes qui contrôlent le septentrion malien, et avant la reprise du dialogue inter-malien prévu à Alger entre ces groupes armés et le gouvernement malien.
Et si cette information s’avérait, il serait plus que nécessaire de s’interroger sur certains contours de la situation dans le nord du Mali, sur l’attitude de certains partenaires du Mali. Depuis l’intervention de la force française Serval, en janvier 2013, la ville de Kidal est sous le contrôle des éléments du Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla) et de certains de ses dissidents revenus des rangs d’Ansar Eddine pour créer d’abord le Mouvement islamique de l’Azawad (MIA) puis le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (Hcua), une succursale de blanchiment de déchets islamistes. Aux côtés de ces groupes terroristes touareg : les forces françaises et les troupes de la Minusma, notamment l’armée tchadienne qui aidait la force Serval dans la traque et le nettoyage des dernières poches de résistance des groupes jihadistes, s’étaient données pour mandat de lutter contre le terrorisme international et le banditisme transfrontalier qu’incarnaient des mouvements islamistes comme le Mujao, Aqmi et Ansar Eddine. Si, donc le Mnla et consorts avaient été blanchis puis exclus de ce cercle restreint de terroristes, ce n’était pas cas du mouvement d’Iyad Ag Ghali. Ansar Eddine étant classé groupe terroriste, son gourou, faisait l’objet de mandat d’arrêt international, poursuivi à la fois par la France et les Etats-Unis.
Drapeaux lugubres des jihadistes
Au début, les groupes terroristes touareg avaient interdit l’accès de la ville de Kidal, leur capitale, aux forces armées et de sécurité régulières et à l’administration, avant de daigner y cantonner un petit contingent de militaires maliens et une partie de l’administration dont le gouverneur de région, des préfets et sous-préfets. Persuadés qu’ils ne pouvaient contrôler seuls cette partie du territoire national après le départ des forces françaises, les terroristes touareg ont favorisé l’installation de leurs homologues arabes du MAA (Mouvement arabe de l’Azawad) avec lesquels ils ont néanmoins eu des escarmouches pour le contrôle de certaines localités du nord et facilité le retour de leurs frères islamistes. Néanmoins, ces derniers étaient moins visibles aux alentours de la ville de Kidal, le chef d’Ansar Eddine faisant la navette entre la Mauritanie, l’Algérie et les localités maliennes de Ménaka et de Tinzaouatène.
A partir du 21 mai dernier, après la visite du Premier ministre qui a dégénéré en un affrontement entre groupes armés terroristes et militaires loyalistes, tous ces groupes seront visibles dans la ville de Kidal débarrassée de l’armée malienne mise en déroute. Selon de nombreux habitants de la ville, les drapeaux noirs des jihadistes y ont flotté pendant et après les combats entre armée régulière et la conjonction de groupes armés terroristes. Devant le regard indifférent des forces françaises et des troupes onusiennes censées lutter contre le terrorisme islamiste. Que s’est-il donc passé ?
Selon toute vraisemblance, la France, qui n’a jamais renoncé à faire doter les régions du nord malien d’un statut spécial, s’est également rendue compte que ses amis touareg ne feraient pas le poids, après le départ de leurs troupes, face aux forces armées et de sécurité. Le Mnla et consorts ont donc besoin de soutien. Iyad Ag Ghali s’impose presque naturellement : il est touareg de surcroit issu de la grande notabilité des Ifoghas, il a su placer des hommes de confiance dans les groupes armés terroristes qui sont en odeur de sainteté auprès de certaines communautés internationales, il dispose toujours d’importants moyens humains, matériels et logistiques, il connait le Sahara mieux que ces pantins du Mnla et consorts qui ont passé une grande partie de leur vie à l’extérieur comme mercenaires.
Un Iyad plus précieux et utile que le Mnla
Mais surtout, le gourou d’Ansar Eddine a participé aux transactions entre des officieux français et les ravisseurs des otages français enlevés au Niger. Au passage, il aurait perçu une substantielle commission. Or si les travailleurs de la société française Areva ont été libérés, un otage français demeure encore entre les mains des jihadistes, en plus de plusieurs français qui se sont enrôlés sous la bannière islamiste et que la France espère récupérer et blanchir. De plus, les Français, quoi qu’ils en disent, ont bel et bien vocation à s’incruster dans le Sahel. Les modalités de cette installation-intervention seront bientôt signées dans un accord de coopération militaire avec les autorités maliennes, et dans ce cas ils n’ont certainement pas envie d’avoir dans le dos un ancien chef rebelle reconverti en terreur islamiste à qui on prête une importante armada et des moyens colossaux issus de la traite des Blancs et de divers trafics. Iyad Ag Ghali est donc un homme précieux aux yeux de certains. Seulement l’homme se contentera-t-il de joeur les supplétifs ou les larbins de service comme le font les pouilleux du Mnla et consorts ? Rien n’est moins sûr, le gourou rêve d’un leadership total dans un contexte où les populations de tout le nord les préfèrent, lui et sa charia, aux terroristes du Mnla et consorts.
Cheick TANDINA