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La junte au Mali : le maître des horloges

Faut-il rire ou pleurer ?

 

Au lendemain des Assises nationales pour la refondation du Mali, le président de la Transition, Assimi Goïta, illustre l’absurde avec brio : « Le peuple malien, déclare-t-il, vient de montrer sa grande maturité à la face du monde entier. C’est pourquoi ce 30 décembre 2021 restera gravé dans l’histoire contemporaine de notre pays ». Ce jour-là, en effet, les participants aux conférences organisées par la junte ont recommandé la prolongation de la Transition, pour six mois au moins, et, deux jours plus tard, aux membres de la CEDEAO, le ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a déclaré, au nom du gouvernement, être favorable à un allongement de cinq ans de cette période exceptionnelle. Mais cette décision, qui donne de l’espoir à une bonne partie du peuple, est-elle légitime ?  La lecture de la Charte ne laisse pas de doute quant à son caractère inique, d’autant que les arguments a priori louables utilisés pour soutenir le report d’élections libres ne sont que des prétextes (I). La posture de la junte au pouvoir s’apparente à un déni de démocratie (II).

 

Une prolongation de la Transition illégale

L’article 22 de la Charte dispose que « la durée de la Transition est fixée à dix-huit (18) mois à compter de la date d’investiture du président de la Transition ». Donc, d’après ce texte, les élections devraient avoir lieu en février 2022. Par conséquent, la proposition émanant des Assises est contraire à la loi, et plus encore celle du gouvernement. Pour sortir de cette impasse juridique, seule la révision de la Charte est possible. Or, aucune difficulté à cela, étant donné que son article 21 prévoit que « l’initiative de la révision […] appartient concurremment au président de la Transition et au tiers (1/3) des membres du Conseil national de Transition. Le projet ou la proposition de révision est adopté à la majorité des 4/5e des membres du Conseil national de Transition. Le président de la Transition procède à la promulgation de l’acte de révision ». Assimi Goïta a ainsi trouvé un moyen de légitimer sa présence un peu plus longue à la tête du Mali : il ne fait que répondre aux attentes de pseudo-représentants qui ont passé quatre jours, fin décembre 2021, à palabrer sur l’avenir du Mali, au mépris des contestations nationales et internationales. Par ailleurs, les partisans de la prolongation du régime avancent trois arguments pour justifier le report des élections : la nécessité de sécuriser le territoire national, l’application de l’accord issu du processus d’Alger et la nécessaire élaboration d’une nouvelle Constitution. En réalité, le président de la Transition, Assimi Goïta et ses commandes veulent un mandat de cinq ans sans passer par la case élection. Mais la crainte de subir une nouvelle période d’instabilité ne doit pas motiver l’ajournement de l’expression des citoyens dans les urnes. Ces arguments ne sont que des prétextes qui prouvent le déni de démocratie.

Un déni de démocratie

La prolongation voulue par le gouvernement était prévisible, car la junte avait annoncé, le 23 août 2020, sa volonté « de faire une transition de trois ans pour revoir les fondements de l’État malien », donc le problème de l’insécurité. Ainsi, elle se servait de l’incapacité de l’État à contrôler de vastes zones de son territoire, dans le Nord et dans le Centre, là où le Président Keïta avait montré son inefficacité pendant six ans, pour se maintenir le plus longtemps possible. De plus, bien avant le début des travaux des Assises nationales, les autorités avaient parlé d’une éventuelle impossibilité d’organiser les élections dans le délai constitutionnel. N’était-ce pas, alors, refuser au peuple, par anticipation, son droit à s’exprimer ? Dès lors, à qui s’en prendre ? Aux colonels, bien sûr, présents à tous les échelons du pouvoir, mais aux anciens membres du Comité national pour le Salut du Peuple (CNSP), parce qu’ils ont préparé ce qui se trame actuellement : la constitutionnalisation d’un régime militaire pour une durée allant de six mois à cinq ans. La dictature est réglée comme une horloge.

Balla CISSÉ, docteur en droit public de l’Université Sorbonne-Paris-Nord ; diplômé en Administration électorale de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et avocat au Barreau de Paris.

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