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La grande lessive expiatoire n’a pas eu lieu

À chaque prétendu changement de régime au Mali, ce qui change vraiment ce sont quelques têtes parmi les personnalités les plus en vue, tout le reste demeure en place. Ceux qui sont tapis dans les appareils d’Etat et qui sont les exécuteurs au quotidien des basses œuvres de tous les régimes restent en place : ce sont eux que l’on appelle les grands commis de l’État.

 

Les premiers grands commis de l’État malien étaient les anciens petits commis de l’administration coloniale ; et l’indépendance du Mali a tout simplement signifié, pour eux, remplacer le blanc pour jouir du pouvoir sur le dos des Maliens. Remplacer le blanc dans les logements que le blanc occupait, remplacer le blanc dans les véhicules qui le transportaient, remplacer le blanc dans les privilèges qu’il s’accordait.

La figure même du commis traître à la cause africaine était incarnée par l’interprète. Façade entre deux mondes, ils ont utilisé leur rôle de portier pour s’enrichir et comprendre que l’instruction permettrait à leurs rejetons d’occuper les meilleures places dans les appareils d’État et les dominer. Relisez attentivement Wangrin de AH Bah pour vous en convaincre.

Dans les milieux des historiens spécialisés sur le Mali, c’est un fait connu que la classe bureaucratique malienne à l’origine est issue des strates subalternes de la société (anciens captifs, captifs et autres cadets sociaux). Cette classe était davantage en quête d’affirmation sociale que de construction d’un projet national basé sur les valeurs maliennes authentiques. L’échelle de ces valeurs leur interdisait tout accès au pouvoir d’où leur recours à une idéologie hors sol : le socialisme malien.

Ainsi donc, pour berner les autres couches sociales, ces anciens petits commis ont nommé leur idéologie socialisme. Et c’était au nom du socialisme que la bureaucratie s’est érigée en classe dominante en faisant de l’État le premier acteur économique, le premier employeur, en écartant les autres acteurs du commerce extérieur et d’une grande partie du commerce intérieur. Six ans de cette gestion et le Mali s’est retrouvé en cessation de paiement en 1966.

Le régime de l’US-RDA, toute honte bue, a été obligé de renégocier avec la France des accords de coopération monétaire. Mais le mal était déjà fait, deux ans plus tard, l’US-RDA fut balayé du pouvoir sous les applaudissements des populations. Cependant, ce que la majorité de mes contemporains ignorent, c’est qu’à l’exception de quelques patriotes, qui en ont fait les frais dans les geôles du CMLN, Ibrahim Ly, par exemple, la grande majorité des cadres de l’US-RDA et de l’administration malienne s’est vite ralliée aux mutins à tel point que dans le premier gouvernement dirigé par Yoro Diakité, figuraient trois anciens ministres, sur les quatorze que comptait le dernier gouvernement de Modibo Keïta.

Après le renversement du régime de l’US-RDA, il eut certes des changements dont les plus importants furent la cooptation/création de milieux d’affaires et un assouplissement des relations avec les cultes. Mais la nature profonde de la bureaucratie n’a pas changé.

Au contraire, elle s’est renforcée en intégrant les nouveaux arrivants à sa logique prédatrice au point que, désormais, il fut acquis que le meilleur ascenseur social est l’accession à un emploi public, de préférence dans les services financiers de l’État ou dans la superstructure administrative.

C’est de cette tradition bureaucratique que le nouveau Premier ministre est issu. Il est l’archétype même du cadre qui s’est abreuvé à toutes les sources et qui est prêt à servir n’importe quel maître, fut-il traître à la nation. De hautes responsabilités assumées sous Moussa Traoré, comme sous AOK puis ATT. Il fait partie de cette cohorte de cadres qui ont rapidement retourné leur veste après le 26 mars pour adhérer en masse à la cause de l’ADEMA dont ils ont senti les plus grandes chances de s’accaparer du pouvoir.

L’une des raisons de la première scission de l’ADEMA provient du différend politique relatif à l’intégration/la cooptation des anciens de l’UDPM. Ceux qui ont opté pour phagocyter l’UDPM ont gagné et les promesses de Kokadjè moururent en même temps. Au cœur de l’ADEMA, il y avait la pourriture de l’UDPM. C’est pour cela que la troisième République ne pouvait être qu’une République corrompue et traître à la nation.

La nomination de Ouane revient à affirmer également qu’il n’y a pas de cadres au Mali en dehors des mêmes cercles sociaux au Mali. Ouane est issu d’une famille bien introduite dans les milieux politico-administratifs du pays. Avec lui, ce sera également l’éternelle présence de la famille dans la gestion du pays. C’est la prime à l’obséquiosité et à la flagornerie ; c’est un message envoyé à tous ceux qui n’ont jamais eu le courage de s’opposer, même de protester tout simplement. Tant que vous êtes avec le prince du jour, vous rebondirez toujours sur vos pieds.

Ouane c’est le remplacement et non le changement. On est reparti pour un autre tour de manège jusqu’au prochain arrêt. La bureaucratie corrompue peut dormir tranquille ; il n’y aura aucun mouvement d’ampleur l’obligeant à cracher les deniers publics dont elle se gave goulûment. Tout au plus, quelques sous-fifres qu’on exhibera pour endormir comme d’habitude le peuple malien.

La grande lessive expiatoire des péchés commis contre les finances publiques de notre pays attendra encore.

  • BAGAYOGO

Nouvelle Libération

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