La disparition d’un conjoint bouleverse la cellule familiale et la fragilise. Au Mali, les femmes se marient très jeunes avec des hommes beaucoup plus âgés. De ce fait, de nombreuses femmes se retrouvent veuves jeunes : 5 % des femmes de l’échantillon de l’enquête démographique de la santé (EDS), âgées, donc de 49 ans tout au plus, sont ou ont été veuves.
Dans notre société, à dominance musulmane, la femme porte le deuil durant une période de 4 mois et 10 jours. Pendant cette période, la liberté de la femme reste assez restreinte sur plusieurs plans. Elle ne peut pas manger pendant quelques jours, hormis des aliments liquides. Durant la période de veuvage, elle ne portera qu’un seul habit de couleur bleue, elle ne mettra aucune parure sur elle, pas de boucle d’oreille, pas de collier ni maquillage. Elle doit rester enfermée dans une chambre en compagnie d’une femme âgée, veuve aussi, qui doit « veiller » sur elle.
Certaines exigences sont moins respectées au pied de la lettre, comme le fait de ne pas sortir durant les 4 mois et 10jours, le délai de la viduité. C’est ce qu’a fait comprendre Mme Keita Fatoumata Maiga, une veuve depuis 2009. A ses dires, dans nos sociétés traditionnelles, cette pratique était encore plus dure envers les femmes. « Cette période est observée pour savoir si la femme est oui ou non enceinte du mari défunt. Il était défendu de s’asseoir sur la même natte qu’une veuve, et une femme, qui n’avait pas perdu son mari, n’était pas autorisée à lui remettre quelque chose main à main ; elle devrait la laisser par terre auprès d’elle. En plus, la veuve n’était pas autorisée à partager son plat avec toutes celles n’ayant pas perdu leur mari, comme elle ».
Pour beaucoup de femmes, le calvaire commence dès la fin de la période de veuvage. C’est ainsi que les veuves font face à de nombreuses discriminations et des contraintes dans de nombreux pays. Et, dans la société malienne, le choc du veuvage persiste après un remariage et est transmis aux enfants, probablement plus aux filles. Ce qui suggère une transmission intergénérationnelle de la pauvreté engendrée par le veuvage.
En outre, les droits des femmes, par exemple l’accès à la terre, sont acquis par le mari, mais sont perdus si ce dernier décède. Pouvant difficilement rester seules, les veuves se remarient, souvent dans des conditions pires, notamment au sein d’une union polygame à un rang inférieur – et souvent avec un statut inférieur.
Par ailleurs, il est établi que les femmes maliennes ont en moyenne 7 enfants. La perte du père peut aussi être traumatique pour ces derniers. Bien que les enfants restent sous la responsabilité de leur mère, seulement certains résideront avec elle. Certains de ces enfants résideront dans la famille de leur père, tandis que d’autres encore peuvent être rejetés par le nouveau mari et iront s’installer chez d’autres relations. Sans compter que certaines veuves ont du mal à avoir un nouveau mari.
Et Oumou Dicko, une veuve de témoigner : « Je suis veuve depuis 2011 et mère de 5 enfants. Depuis le décès de mon mari, ma famille m’a dépossédé de tout : l’argent, les terres, bref tout ce que mon mari possédait et qui me revenait de droit ont été arrachés par ses frères, ensuite ils m’ont chassé de la maison. Mes enfants étaient tous très petits pour réclamer leur droit. J’ai souffert jusqu’à ce que même aujourd’hui en parlant, j’ai des larmes aux yeux. Et jusque-là, je suis toujours célibataire, car mon mari a affronté une très longue maladie, avant de mourir ; ce qui fait que les hommes ont peur de me prendre comme épouse » se désole-t-elle.
Mama KEITA (stagiaire)
Source : Mali Horizon