Alexandre Boudet est né en 1991, dans une famille où la méritocratie par le travail s’imposait comme une valeur cardinale. Les grands-parents du jeune homme étaient originaires de Saint-André de Cubzac, une petite commune située au nord de Bordeaux. Avec un grand-père tonnelier, un autre engagé dans l’armée , ce sont les parents d’Alexandre qui lui prodigueront le goût des études.
A l’âge de 4 ans, il perd brutalement son père archéologue d’un accident cardiaque. La mère de famille, expert-comptable, éduque alors ses deux fils dans une certaine rigueur. Alexandre suit toute sa scolarité dans l’établissement privé de Saint-Joseph à Toulouse. Il se souvient d’une enfance studieuse, sans rêve de gloire, mais avec un attrait naissant pour le continent africain. « Enfant, je voulais être archéologue comme mon père. J’ai d’ailleurs réalisé plusieurs chantiers de fouilles archéologiques au Lycée. Peu à peu, mes envies ont évolué. Néanmoins, mon intérêt pour l’international s’est renforcé au fil des années », explique-t-il.
Lycéen, il découvre la littérature et nourrit un intérêt particulier pour les écrivains voyageurs comme le Français Jean-Christophe Ruffin (Prix Goncourt 2011 pour Rouge Brésil, élu à l’Académie française en 2008, ancien président d’Action contre la Faim et ex-ambassadeur de France au Sénégal et en Gambie) ou le Franco-libanais Amin Maalouf (Prix Goncourt en 1993 pour Le Rocher de Tanios, et élu à l’Académie française en 2011).
Son baccalauréat scientifique en poche, il s’inscrit simultanément à la Faculté et en classe préparatoire à Toulouse avec l’ambition d’intégrer l’École nationale supérieure (ENS) en Economie et Gestion. Il manque de peu son concours d’entrée à l’ENS, mais obtient ses deux premières années de licence en Economie et Gestion. Il prend alors la décision de quitter l’Occitanie pour rejoindre Paris.
Une formation supérieure sous le signe de l’International
« Je suis arrivé à Paris avec l’intention d’obtenir un Magistère en Economie à l’Université de Paris-La Sorbonne. J’ai dû faire un prêt pour financer ma scolarité ». Il obtient son diplôme, mais estime que sa formation est beaucoup trop théorique. Le jeune homme a l’ambition de travailler sur des sujets bien plus concrets, orientés vers la recherche de solutions pour réduire les inégalités.
Il rejoint l’Université de Paris-Dauphine dans l’idée d’obtenir un Master en Affaires internationales, orienté sur les questions relatives aux matières premières. « Nous avions la chance de suivre les cours de professeurs prestigieux comme Philippe Chalmin (économiste libéral français, à l’origine fondateur du Cercle Cyclope, expert en matières premières, NDLR), ou encore El Mouhoub Mouhoud (spécialiste reconnu de la mondialisation et actuel président de l’Université Paris-Dauphine, NDLR). J’avais 20 ans et j’ai tout de suite aimé Paris pour son effervescence culturelle, la richesse des rencontres et des enseignements que je recevais », explique-t-il rétrospectivement. Entre ses sorties culturelles et la poursuite de ses études, Alexandre s’adapte rapidement à la vie parisienne.
Premiers pas africains dans le township de Kibera
Dès sa première année à l’Université de Paris-Dauphine, il réalise un stage à l’étranger et choisit le Kenya. « Je me suis retrouvé pendant 4 mois au Kenya. Je vivais dans la périphérie de Nairobi et je travaillais pour le compte d’un établissement de microfinance où le turn-over était la norme. La plupart de mes clients se trouvaient à Kibera (l’un des plus grands bidonvilles du continent, NDLR)».
Durant la semaine, le jeune homme emprunte les taxis publics (matatu) et part à la rencontre des mauvais payeurs résidant dans le bidonville. Les week-ends, il découvre le pays d’Out of Africa et sillonne le Kenya, du célèbre parc Massai Mara à la cité balnéaire de Diani Beach, sur la côte de l’Océan Indien. « J‘ai tout de suite été dans mon élément ! Là-bas, la débrouille était presque institutionnalisée. Chez les Anglo-saxons : tout va très vite ! Cette expérience m’a également permis de développer des compétences et de favoriser mon autonomie », explique-t-il.
Plus tard, Alexandre fera un stage d’un semestre au siège des Nations unies à New York, affecté au département des opérations de maintien de la paix (République démocratique du Congo et République centrafricaine). « La mission était passionnante. Fin 2014, la mission Sangaris (opération militaire de l’armée française conduite en République centrafricaine du 5 décembre 2013 au 31 octobre 2016, NDLR) laissait place à la MINUSCA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique, NDLR). Par ailleurs, la RDC était la plus grosse opération de maintien de la paix de l’ONU. Le stage était passionnant et sur mon temps libre, je découvrais toutes les richesses de New York », se souvient-il.
« Cette expérience était très riche, cependant, vivre des années dans une forêt d’immeubles ne me tentait guère », admet-il a posteriori. Après son année de césure, il effectue un stage à MEDEF International avant de repartir pour un court voyage en Afrique (Mozambique et Afrique du Sud) qui finalisera sa formation supérieure. C’est sûr : Alexandre choisira l’Afrique !
Directeur Afrique de Thomson Broadcast à 30 ans !
« J’ai réalisé ma première expérience professionnelle aux côtés de Benoît Chervalier (président de one2five Advisory, une banque d’affaires et de conseil centrée sur les financements à caractère souverain des pays émergents, NDLR) avant d’être rappelé par Philippe Gautier, le directeur général de MEDEF international, pour gérer les activités de l’organisation, en Afrique australe, en Afrique de l’Est et dans l’Océan indien », explique-t-il.
Entre 2017 et 2021, il multiplie les missions en Afrique, organise les déplacements d’opérateurs privés français sur le continent et de représentants institutionnels africains en France. Il se tisse un solide réseau et s’attèle au dossier de la renégociation des Accords de Cotonou. Son poste est hétéroclite, il travaille dans tous secteurs d’activités et dans plus d’une vingtaine de pays africains.
« Au bout d’un moment, j’ai cherché à sortir de cette fonction généraliste pour pouvoir suivre des projets dans leur intégralité. Pour ce faire, il m’a fallu rejoindre le privé. J’ai donc candidaté à un poste de responsable Afrique au sein de Thomson Broadcast. Pour moi : rejoindre une entreprise française avec 100 % de capitaux africains, c’était l’idéal ! », explique-t-il.
Aujourd’hui, Alexandre Boudet accompagne des États africains dans leur transition numérique. Il multiplie les déplacements au long cours, développe le portefeuille de l’entreprise, prépare les dossiers de financement et entretient les relations auprès des institutions africaines. A 32 ans seulement, Alexandre coordonne avec les équipes de Thomson, de grands projets d’infrastructures numériques, parle aux décideurs nationaux et aux bailleurs internationaux, et suit enfin ses dossiers sur le long terme.
« L’image de l’Afrique en France est tronquée »
Récemment nommé Young Leader, promotion 2023 de la French African Foundation (FAF), Alexandre entend bien profiter de cette opportunité pour renforcer son réseau sur le continent africain. « Je vois cette nomination comme une opportunité d’améliorer la relation entre la France et les pays africains. Trop souvent l’image de l’Afrique en France est tronquée. De la même façon, la France fait aujourd’hui l’objet d’un traitement aléatoire dans un certain nombre de régions africaines. Il est important de battre en brèche les convictions surannées qui ne collent pas avec les réalités du terrain », explique-t-il.
Pour Alexandre, la relation entre la France est l’Afrique est indispensable pour que l’Hexagone maintienne sa position de puissance internationale. Il est convaincu que « la France restera une puissance grâce à l’Afrique ».
Pour le Toulousain, le sentiment anti-français ne reflète pas les réalités qu’il rencontre en Afrique. « Pour les dix plus importantes puissances africaines que sont notamment l’Afrique du Sud, le Nigéria, l’Égypte ou l’Angola, le sentiment anti-français n’existe pas ! Du reste, les entreprises françaises sont très compétitives et leur expertise est toujours aussi courue sur le continent », précise-t-il.
Pour Alexandre, l’Afrique est néanmoins à un tournant de son histoire. « Au lendemain des indépendances dans les années 1960, les pays africains choisissaient leurs partenaires sans vraiment les choisir… Après la Guerre froide, ils ont choisi de tourner le dos aux anciennes puissances coloniales pour s’orienter vers de nouveaux acteurs comme les Chinois, les Indiens ou les Turcs. Aujourd’hui, l’Afrique a le choix de ses partenaires et nous assistons à une sorte de rééquilibrage. Il n’y a plus de choix par défaut, c’est pourquoi la France doit proposer une nouvelle stratégie », avertit le jeune qui compte bien, par ses fonctions, contribuer à la réécriture d’un nouveau narratif entre la France et les pays africains.
Source : La Tribune