Le couple Assimi Goïta-Choguel K. Maïga n’est pas au beau fixe. En témoignent les fausses notes répétitives entre les deux hommes. Toute chose qui risque de gripper la marche d’une transition déjà boiteuse.
Les relations entre Assimi Goïta, président de la Transition, et son Premier ministre Choguel Kokalla Maïga ne semblent pas être régies par une parfaite complicité, comme on l’aurait imaginé. Entre les deux patrons de l’Exécutif, la convergence de vues n’est pas au rendez-vous.
Même si ce n’est pas encore la grande confusion autour d’une feuille de route qui a du mal à être interprétée, selon qu’il s’agit du palais de Koulouba ou de la Primature, il est davantage connu que la cacophonie entre les deux instances suprêmes du pays a pris le pas sur certaines orientations définies à l’ordre de la transition.
Et cela, dès les premiers pas de cette nouvelle collaboration, où manifestement le colonel Assimi Goïta et son Premier ministre ont laissé clairement entendre, côté opinion, qu’ils n’ont pas forcément la même cadence, encore moins la même perception des dossiers chauds, devant constituer, dans le contexte actuel du pays, la priorité des priorités pour une équipe gouvernementale qui sait par avance que le temps n’est plus son meilleur allié.
Cet air de désordre manifeste, imputable au Premier ministre, qui fait un peu trop dans les effets d’annonce, n’est, pour le moment, que le reflet d’une difficile cohabitation entre les deux hommes, n’ayant pas les mêmes priorités face à la feuille de route de la transition.
En fait, ce n’est pas un hasard si le Parena, le parti de Tiébilé Dramé, dans un communiqué qu’il a rendu public la semaine dernière, a alerté sur les incohérences d’approche et de style entre les deux hommes qui risquent de gripper la machine institutionnelle au sommet de l’Etat.
Les faits sont têtus : d’abord, le président de la Transition, dans son adresse à ses concitoyens après la prestation de serment, en tant que chef d’Etat, a insisté sur le respect du délai de la transition, en ciblant l’application stricte des conclusions du DNI, la tenue d’élections crédibles et propres, dans le temps imparti. Et puis ce fut le tour au Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, dans le cadrage des priorités à l’adresse des membres de son équipe, d’étendre le champ d’application de la transition à des activités comme l’organisation prochaine des assises nationales et la révision de la constitution. Pire, il parle de l’application intelligente de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger, dont les citoyens cherchent toujours à comprendre ce qu’il veut dire par « application intelligente».
On l’aperçoit très clairement. En termes de casting des priorités annoncées, les deux hommes de l’Exécutif central de la transition ne sont pas forcément sur la même logique d’approche. Ce qui manifestement ne suscite pas un grand enthousiasme au sein de l’opinion publique qui sait par avance qu’une telle dichotomie n’est pas nécessairement le signe d’une parfaite collaboration qu’on a le droit d’attendre en pareille circonstance.
Si les choses se tiennent à l’état, et que le chef du gouvernement doit continuer à planifier les actions qu’il a déjà prescrites au compte de la transition, ne serait-ce que pour la révision de la constitution et l’organisation des assises nationales, le temps imparti pour ce genre de casting opérationnel ne saurait suffire pour le restant de la transition, d’autant que le consensus, souhaité et voulu pour en constituer le ciment, serait bien difficile à mettre sur pied pendant ce laps de temps.
On le voit, avec Choguel Maïga, qui n’hésite pas à étendre le champ d’application de la transition bien au-delà des limites fixées par le président de la transition, la nouvelle feuille de route de la transition, elle, est bien extensible à souhait, au point d’intriguer pas mal d’observateurs sur les intentions réelles du Premier ministre à bien vouloir achever, à temps convenu, comme cela lui a été demandé, le restant de la transition.
Rien ne se fait au hasard dans ce genre de timing et de casting sur les actions menées, constatent les analyses politiques, qui soutiennent clairement qu’une clarification de la feuille de route de la nouvelle transition est bien nécessaire à faire. Histoire de recadrer les choses et d’éviter des quiproquos fâcheux à la tête de l’Exécutif, au moment où les défis et les priorités se multiplient à la charge d’une transition qui n’a pas du tout besoin d’éparpiller ses efforts, compte tenu de la contrainte liée au facteur temps.
Le Premier ministre le sait d’autant mieux qu’il n’a aucune logique pour ce faire : il n’a aucun intérêt politique, ni réel ni actuel à se faire, en allant au contre-sens du président de la transition, le colonel Assimi Goïta, sur les grandes orientations de la transition, sauf à créer volontairement les conditions d’un blocage périlleux pour une fin apaisée de la transition, synonyme de retour du pays à une normalité constitutionnelle. Un scénario qui pourrait nous ramener à la case de départ.
Ce qui est le souhait de tout le monde, à commencer par les acteurs internationaux, qui estiment d’ailleurs à juste titre que certains chantiers cruciaux, comme la refondation de l’architecture institutionnelle du pays, émanent d’une autorité légitime, issues directement du peuple, et qui échappent, de ce fait, rien que par leur originalité politico-institutionnelle, au ressort limité de la transition.
Pour le cas du Mali, c’est connu que la révision de la constitution de 92 est emblématique : à plusieurs reprises, et par différents protagonistes politiques, depuis 2001 à ce jour, le processus de révision de la constitution a connu de grands bouleversements politiques. Compte tenu de ce facteur historique, on voit mal, et même très mal, comment la transition, sujette déjà à plusieurs contestations sociales et politiques, peut-elle réussir là où des régimes démocratiquement élus, légitimes y ont laissé des plumes d’autant plus que, pour elle, le facteur temps ne joue pas à sa faveur.
Autre goulot d’étranglement : l’organisation des assises nationales tant réclamée par le Premier ministre. Plusieurs observateurs neutres de la scène politique, là-dessus, ont alerté, en insistant sur sa non pertinence dans un contexte où les conclusions du DNI, prônées par le chef de la transition comme inclusives, peuvent valablement suffire. Sauf si par extraordinaire l’actuel locataire de la Primature a d’autres idées en tête, en annonçant pompeusement cette nouvelle trouvaille liée aux assises nationales.
Aussi, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, qui devrait s’inspirer de l’exemple du chef de l’Etat à réduire ses fonds de souveraineté, semble se préoccupé d’une balade de santé chez ses prédécesseurs. Plus de deux semaines après sa nomination, il esquive cette question de réduction des fonds alloués à la Primature comme attendu par le peuple. Histoire d’être en harmonie avec le président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta.
Dans tous les cas, les intentions, de part et d’autre, sont affichées pour une transition dont la durée de vie est claire pour tout le monde. En allant à l’encontre des orientations de la feuille de route, telles qu’elles sont annoncées par le chef de la transition, le Premier ministre, lui, est bien conscient qu’il sème, par-dessus tout, les germes d’une cacophonie inutile et ennuyeuse au sommet de l’Etat, dont les tourbillons peuvent bien lui coûter une sacrée chandelle.
Oumar KONATE
Source : La Preuve