MESURES. Pour tenter d’endiguer l’inflation persistante, le gouvernement ivoirien a détaillé le 9 mars son plan pour lutter contre la vie chère.
as de répit. Deux ans après l’apparition de la pandémie de Covi-19, le continent africain est de nouveau confronté à une crise majeure. Ce jeudi 10 mars, Kristalina Georgieva, la directrice générale du Fonds monétaire international, a averti que la guerre en Ukraine, qui intervient dans un contexte de reprise post-Covid-19, « menace d’anéantir une partie » des progrès réalisés sur le continent. « L’Afrique est particulièrement vulnérable aux impacts de la guerre en Ukraine par le biais de quatre canaux principaux : augmentation des prix des denrées alimentaires, hausse des prix des carburants, baisse des revenus du tourisme, et potentiellement plus de difficultés à accéder aux marchés de capitaux internationaux », a indiqué la directrice générale du FMI, à l’issue d’une rencontre organisée le 9 mars avec les ministres africains des Finances, les gouverneurs des banques centrales africaines et les représentants de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA).
Tous les rapports sont unanimes : la hausse des prix des denrées alimentaires a contribué à l’augmentation de l’inflation, notamment en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne.
Dans ce contexte, plusieurs États comme l’Algérie, le Sénégal et dernièrement la Côte d’Ivoire ont annoncé des mesures fortes pour préserver le pouvoir d’achat des populations. Pour la Côte d’Ivoire, plusieurs facteurs expliquent la cherté de la vie : la pandémie de Covid-19, les sanctions contre le Mali et la guerre en Ukraine.
Le plan du gouvernement pour lutter contre la vie chère
Mais Abidjan compte bien mettre le paquet pour relever le défi. Au total, le pays prévoit une enveloppe de plus de 80 millions d’euros. Déjà neuf mesures ont été annoncées le 4 mars, par le ministre du Commerce et de l’Industrie, Souleymane Diarrassouba, au journal de 20 heures sur la chaîne publique nationale. Ainsi, le gouvernement a instauré une subvention partielle des prix des produits pétroliers, notamment le gasoil, pour éviter l’impact sur le coût de la vie, pour un montant d’environ 55 milliards de francs CFA.
Parmi les mesures urgentes, l’État annonce le plafonnement sur une période de trois mois des prix de l’huile de palme raffinée, du sucre, du lait, du riz, de la tomate concentrée, de la viande de bœuf et des pâtes alimentaires. Il est également question de l’élargissement de la liste des produits de grande consommation et services, dont les prix sont réglementés. C’était l’une des requêtes des associations de consommateurs alors que la liste des biens dont les prix sont contrôlés était inchangée depuis 1997. Comment le gouvernement compte-t-il s’y prendre ? Le ministre a beaucoup insisté sur la notion de concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, afin de donner une plus grande place à l’information entourant l’augmentation des prix des denrées de grande consommation durant cette période.
Autre mesure phare : Abidjan veut aussi soumettre à autorisation les exportations de produits vivriers de grande consommation, tels la banane plantain, le manioc et ses dérivés (attiéké, placali, etc.), l’igname ainsi que le riz local. Objectif : favoriser le marché intérieur. Les acteurs de ce secteur essentiel à l’économie ivoirienne recevront un appui financier, a promis l’État. Revenant sur la hausse des prix des denrées de première nécessité, Souleymane Diarrassouba a expliqué que l’analyse des facteurs explicatifs de la hausse constatée sur ces denrées, variable en amplitude d’un produit à un autre et entre Abidjan et l’intérieur du pays, a permis de constater qu’elle résulte d’une combinaison de facteurs exogènes et endogènes. S’agissant des facteurs externes, les coûts du transport maritime ont fortement augmenté, en particulier du fait des conteneurs (coût multiplié de 3 à 7 dans certains cas) et des assurances. Par ailleurs, les prix du pétrole brut ont doublé en six mois, pour franchir la barre des cent dollars à fin février, début mars 2022.
Sur le plan interne, le ministre du Commerce et de l’Industrie a noté que la faible pluviométrie ainsi que le retard des pluies ont entrainé une perturbation du calendrier agricole, impliquant une insuffisance de l’offre des produits vivriers locaux. Enfin, a révélé Souleymane Diarrassouba, les défis liés à la sécurité dans le Sahel ont engendré des distorsions sur l’offre de protéines animales et de certains légumes. En fait, le ministre fait allusion aux sanctions imposées début janvier par le Cedeao au Mali, un maillon important du marché du bétail-viande.
Le FMI prêt à apporter de nouvelles aides
« Un recalibrage des politiques semble inévitable dans de nombreux pays », a commenté Kristalina Georgieva, la directrice du FMI. « En ce moment difficile, le fonds est prêt à aider les pays africains à réduire le coût de tout ajustement politique nécessaire grâce à des conseils politiques, au développement des capacités et à des prêts. Les récentes réformes de la boîte à outils de prêt du Fonds offrent une plus grande flexibilité pour aider à répondre aux besoins de financement » a-t-elle souligné.
La pandémie de coronavirus a déjà fait fortement augmenter les prix en Côte d’Ivoire, en 2021, et l’État était intervenu. Aujourd’hui, d’après la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), la rapidité de la hausse des prix dans la zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) qui comprend les huit pays ayant en partage le franc CFA est principalement liée aux produits alimentaires. Dans cet espace, l’inflation est passée de 6 % en décembre 2021 à 6,5 % en janvier 2022. Et la Côte d’Ivoire semble plutôt épargnée avec un taux estimé à 5,6 % comparé à ses voisins du Mali (8,7 %), du Bénin (7,9 %) ou encore du Togo (7,5 %).