La Cédéao reste ferme avec Bamako. Réunis ce dimanche 12 décembre, les chefs d’État de l’organisation ouest-africaine exigent que les élections présidentielle et législatives qui doivent marquer le retour à l’ordre constitutionnel, se tiennent le 27 février prochain, comme prévu. Ils menacent le Mali de nouvelles sanctions, tout en accordant un délai supplémentaire aux autorités de transition.
La fermeté, dans le statu quo. La Cédéao n’a pas imposé de nouvelles sanctions contre le Mali – elles étaient pourtant sur la table – mais elle renouvelle sa menace. L’organisation ouest-africaine donne jusqu’à la fin du mois aux autorités pour faire la preuve de « progrès tangibles » dans « la préparation » des élections. Sans quoi, des sanctions additionnelles seront imposées, dès le 1er janvier prochain.
Depuis le mois dernier, les membres des autorités de transition sont déjà visés par un gel des avoirs et une interdiction de voyager. Le prochain palier concernerait, cette fois, l’ensemble du pays, avec des sanctions économiques et financières, comme celles qui avaient été adoptées, juste après le coup d’État d’août 2020, et qui avaient fortement ralenti, pendant près de deux mois, les échanges commerciaux du Mali.
La date du 27 février ne sera pas tenue
Une menace sérieuse donc, mais qui laisse aussi l’espace pour une tentative de conciliation. Car elle permet, de justesse, aux autorités de transition de poursuivre sur le rythme qu’elles avaient prévu et de ne préciser le chronogramme électoral qu’à l’issue des Assises nationales de la refondation qui ont débuté samedi et qui doivent s’achever le 30 décembre, soit l’avant-veille du dernier jour de l’ultimatum posé par la Cédéao.
Impossible de prédire le chronogramme qui sera effectivement élaboré au cours des Assises mais il est déjà acquis que la date du 27 février ne sera pas tenue. Cependant, en accordant ce délai supplémentaire aux autorités de Transition, la Cédéao joue donc à la fois la fermeté et l’ouverture.
Un calendrier provisoire raisonnable
Ainsi, la Cédéao reste ferme avec les autorités maliennes de transition car elle exige la tenue des élections le 27 février prochain comme prévu. Mais alors que les autorités ont déjà annoncé qu’il y aurait un report, la Cédéao leur donne un délai supplémentaire, avant – éventuellement – de durcir les sanctions. Comment le comprendre ? RFI a posé la question à Brema Ely Dicko, sociologue spécialiste de la politique malienne à l’Université de Bamako.
Brema Ely Dicko: Il faut comprendre que la fermeté de la Cédéao s’inscrit dans une logique de respect du calendrier initialement convenu entre les autorités maliennes et la Cédéao. Ce sont les Maliens qui avaient pris l’engagement de tenir les élections à cette date-là. C’est vrai qu’il y a eu différentes contraintes, mais la Cédéao se voit obligée de rester ferme pour que les Maliens eux-mêmes proposent un calendrier dans un délai raisonnable. D’autant plus que, ce qui se passe au Mali peut avoir des échos en Guinée, voire dans d’autres pays de la Cédéao.
RFI: Pensez-vous qu’un consensus peut encore être trouvé, avec éventuellement un report des élections de courte durée, ou est-ce qu’on va au clash entre Bamako et la Cédéao ?
À mon avis il n’y aura pas de clash. Un clash n’arrangerait ni la Cédéao, ni les autorités maliennes. De part et d’autre, il y a quand même une certaine volonté de trouver un compromis. Le président Assimi Goïta a envoyé un courrier le 9 décembre à la Cédéao pour s’engager lui-même à fournir un calendrier. Donc, c’est quand même une marque de considération vis-à-vis de la Cédéao.
De l’autre côté, la Cédéao entend bien ce message-là mais a le devoir de rester ferme, en tenant compte de toutes les menaces géopolitiques qui sont là. Aussi, je pense qu’on trouvera un compromis, d’autant plus que les Assises nationales de la refondation ont été lancées. Donc, si les autorités maliennes sont toujours sur la même lancée, elles seront obligées de proposer un calendrier, ne serait-ce que provisoire, début janvier.
Et un calendrier provisoire raisonnable, à quoi cela pourrait-il ressembler ?
[Rires] Il faut être clair. Des réformes sont nécessaires, notamment du système électoral. Ces réformes ne peuvent pas se faire sans un consensus avec la classe politique et c’est vrai que certains partis politiques boudent les Assises nationales. Il faut donc compter minimum trois mois, voire six mois. Moi, je pense que ces élections ne pourront pas se tenir avant le mois de juin.
Selon vous, le président Assimi Goita serait-il prêt à imposer un allongement plus important de la durée de transition ? Ses partisans réclament souvent deux ans de plus.
Bon, faire encore deux ans, ce serait trop prétentieux, de mon point de vue, et ce serait trop dommage. Ce qu’on ne peut pas faire en dix-huit mois, je ne vois pas à quoi servirait d’ajouter encore deux ans.
La menace de nouvelles sanctions de la Cédéao peut-elle infléchir les autorités maliennes de transition ?
Pas forcément. Vous savez, le Mali aussi observe. La Guinée a pris ses positions et pour le moment, la Cédéao adopte un discours de fermeté mais n’est pas encore passé à la vitesse supérieure. Donc, je ne suis pas sûr que ce soit cette pression-là qui fasse infléchir les autorités maliennes.
Source: RFI