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La bouée involontaire d’IBK à l’Opposition et à l’Intelligentsia

Il ne suffit pas d’une interview dans Jeune Afrique pour redorer l’image très écornée du président de la République du Mali. Nous aimerions d’ailleurs savoir d’où est venue la mauvaise inspiration de cette tout aussi mauvaise communication payée à coups de millions de francs CFA, extorqués de la besace de la Princesse, qui renfloue régulièrement les Fonds secrets ou de souveraineté (qu’importe…) du Chef de l’Etat.

 

Au regard de l’inopportunité de l’interview (qui n’aborde aucun problème, aucun aspect de notre très complexe crise que le Malien ordinaire ne connaisse déjà) et de la facture très discutable des réponses aux questions de notre excellent confrère François Soudan, l’initiative ne peut être qu’IBKienne.

Outre que la marge de manœuvre de la Cellule de Communication de la Présidence ne va pas au-delà de l’attribution (ostracisée) des invitations à la presse nationale et de la rédaction des communiqués, l’égo surdimensionné du locataire (fictif) de Koulouba ne souffre aucun partage de certaines de ses prérogatives, notamment en ce qui concerne le modelage de son image.

Pour ceux de nos compatriotes qui ne l’ont pas encore compris, Ibrahima Boubacar Kéïta a des rêves d’éternité même si, pour les besoins de ses homélies politiciennes, il ne reconnait cette qualité qu’à Allah SWT.

L’exégèse, même superficielle, de la longue entrevue (aux allures de foire aux confidences)  entre le Premier des Maliens (concédons-lui ce statut) et le Directeur de la rédaction de l’hebdomadaire parisien à vocation africaine, laisse entrevoir son ambition aussi effrénée qu’utopique de marquer l’histoire moderne de notre pays.

Alors que tout va quasiment à vau-l’eau (pour reprendre l’expression chère à un autre bienfaiteur de la République, employée à une époque où le pays avait encore de la dignité), que la contestation de sa gouvernance ne faiblit pas, notre cher Président nous promet encore le bonheur et la prospérité.

La rhétorique présidentielle, très peu au goût des Maliens et inutilement provocatrice, a suscité des réactions bien senties et fort à propos, de la part, notamment, de l’opposition, destinataire des piques du président de la République. La répartie-boomerang de Me Demba Traoré, communicant de l’Union pour la République et la Démocratie, a sans nul doute fait son effet, soulignant tout le paradoxe de l’attitude  d’un chef d’Etat, héraut  du dialogue national devant relancer notre penchant naturel pour le Vivre Ensemble.

De quoi ajouter à l’embarras du Triumvirat, chargé de la mise en œuvre dudit dialogue et qui pourrait se trouver en butte à un durcissement de posture d’une large frange de l’opinion nationale, partisane de l’Opposition, rendue circonspecte par la duperie dont IBK a fait montre dans la mise en place du Gouvernement de Mission.

Retombée dans une forme de léthargie, après la mobilisation déstabilisatrice du 5 mai dernier, ébranlant jusqu’aux fondations du régime qui a été contraint de se séparer de son premier ministre, l’Opposition pourrait être tentée de se saisir du dérapage du président de la République pour rebondir et reprendre un peu d’initiative.

L’avocat-communicateur de l’URD apparait comme un animateur crédible d’une classe politique devenue aphone après la transhumance  remarquée de son ténor.

En attendant d’avoir le fin mot du passage de Tiéblé Dramé à l’adversaire (présenté sous le vocable trompeur de Gouvernement de Mission), l’Opposition, qui a également perdu, avec le décès de Mody Ndiaye, son porte-voix le plus pugnace au sein de l’hémicycle, doit retrouver un thème remobilisateur susceptible de lui redonner de la crédibilité.

Au lieu de s’enfermer dans un refus obtus de participation au dialogue politique en préparation et à la définition des réformes dont tout le monde dit qu’elles sont nécessaires, au risque de se marginaliser, elle devrait surmonter ses problèmes d’égo, reconstituer une plateforme d’actions politiques et sociales, dont les thèmes fondateurs sont légion, à l’image de la crise multiforme dans laquelle le pays barbote depuis bientôt une décennie.

L’épreuve, exacerbée par la gouvernance très décriée des différents gouvernements d’Ibrahima Boubacar Kéïta, a produit comme un effet cathartique sur la frange la plus critique de la population malienne, en l’occurrence, les Intellectuels.

Il s’est notamment traduit par une abondante réflexion pour une compréhension large des ressorts psycho-sociaux, économiques et politiques de la crise et sur les voies et moyens susceptibles de nous conduire vers le bout du tunnel.

Le mouvement s’est particulièrement accentué depuis deux semaines, qui virent L’Indépendant sacrifier certains papiers d’information pour faire face aux exigences de la préférence à lui accordée par les différents auteurs.

Successivement, les esprits analytiques et critiques de Dr. Ousmane SY, du Pr. Issa NDiaye, de Mamadou Lamine Siby et du Pr. Iba Ndiaye nous ont ouvert des boulevards de compréhension et des pistes de résolution de la crise cauchemardesque et déshumanisante créée par nos propres insuffisances et entretenue par un faisceau d’intérêts sordides.

Mais telle est la magie d’une crise, plus elle s’enracine, plus grande est la résilience populaire, plus forte est la lumière intellectuelle projetée sur elle.

Le Mali aura donc tout à gagner au change.

koumate3@gmail.com

Source: l’Indépendant

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