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La BDM-sa à un tournant crucial de son évolution : Le pacte d’actionnariat annoncé pour ce 11 avril fait la part belle à la BMCE (Maroc) et met le Mali à la portion congrue

Il confine les cadres de l’établissement à des fonctions subalternes, voire dévalorisantes. Du côté des actionnaires privés et petits porteurs, c’est la frustration.

Mamadou Igor Diarra president directeur general pdg boa ministre economie finance

On l’a vu venir au détour de la réunion extraordinaire du Conseil d’administration du 18 mars dernier, arrachée à la hussarde par le ministre de l’Economie et des finances, Mamadou Igor Diarra.  Trois mois après sa nomination à ce poste, il a enjoint au PDG de la BDM-sa, Abdoulaye Daffé, de convoquer cette session afin que les administrateurs prennent connaissance d’un pacte d’actionnaires qui, une fois adopté en assemblée générale, modifiera la gouvernance de l’établissement et imprimera à celui-ci de nouvelles règles de fonctionnement.

En réponse, Daffé informera le ministre des finances que la session ordinaire du Conseil d’administration de la banque, qui s’est tenue en décembre 2014, a déjà commandité une étude auprès d’un cabinet mondialement réputé, en l’occurrence Eurogroupe, afin de dessiner le mode de gouvernance qui sied à la BDM-sa devenue, depuis janvier 2015, un groupe bancaire, avec l’ouverture des filiales ivoirienne (BDU-CI) et burkinabé (BDU-BF) venues s’ajouter à la BDU-GB (Guinée Bissau). Et d’ajouter qu’une session extraordinaire pour discuter de ce sujet lui parait inopportune tant que l’étude demandée à Eurogroupe n’est pas disponible.

Mamadou Igor Diarra passera outre. Il fera convoquer la session qui lui tenait à cœur par la CCIM et la fera présider par Daffé, à son corps défendant. Le pacte des actionnaires distribué aux actionnaires, rendez-vous a été pris pour le 11 avril prochain pour en discuter et éventuellement l’adopter en assemblée générale des actionnaires.

Le document, d’une douzaine de pages, a été élaboré à la mi-février dernier sur la base des préoccupations de l’Etat du Mali et de la Banque marocaine du commerce extérieur (BMCE Bank).

Les préoccupations de l’Etat du Mali se résument à obtenir trois sièges au Conseil (au lieu de deux actuellement) la séparation des fonctions de président du Conseil d’administration et de Directeur Général et la prérogative de pourvoir ces deux postes.

Quant aux préoccupations de la BMCE, elles sont bien plus nombreuses et infiniment substantielles. La Banque marocaine fait jeu égal avec l’Etat en s’octroyant, elle aussi, trois administrateurs contre un pour la BOAD, un pour la CCIM, un pour les actionnaires privés. Deux administrateurs siègent sous le label indépendant.

La BMCE s’attribue également un des deux postes de Directeur Général adjoint, l’autre revenant à l’Etat. Plus intéressant pour elle, cinq comités seront créés, sur lesquels le Conseil d’administration va s’appuyer pour exercer sa mission : un comité d’audit et de contrôle interne (CACI), un comité des Grands Engagements, un comité des Risques, un comité Stratégique, un comité des Ressources humaines.

Chacun de ces comités est composé de trois membres nommés par le Conseil d’administration  » en raison de leur compétence en rapport avec les fonctions du comité « . Un représentant de l’Etat et un représentant de la BMCE siègeront au sein des comités CACI, Risques et Stratégique mais le comité des Grands Engagements sera présidé par un représentant de la BMCE Bank. Et c’est là le cœur du dispositif proposé.

L’article 4.2 relatif à l’octroi de crédits stipule que «  les parties s’assurent que la politique d’octroi des crédits par la BDM-sa est conforme aux règles applicables à la BMCE. Le Comité des Grands Engagements approuvera les crédits supérieurs à un seuil à déterminer annuellement en Conseil d’administration « .

C’est clair comme l’eau de roche. La BDM-sa fonctionnera désormais comme une banque exclusivement marocaine, selon les règles définies et les conditions voulues et fixées par la partie marocaine qui seule jugera de l’intérêt et de l’opportunité de financer telle opération commerciale ou tel projet de développement. La perte par le Mali de sa capacité à maîtriser la politique de crédits applicable au sein de sa principale banque, celle qui participe le plus au fonctionnement de son économie, est assurément grave et inquiétante.

Le rôle prépondérant dévolu au comité des Grands Engagements, qui déterminera et approuvera le montant des crédits à allouer, vide de leur substance les postes de président du Conseil d’administration, de directeur général et, bien sûr, de directeur général adjoint gracieusement offerts (ou cédés) au Mali comme pour lui jeter de la poudre aux yeux.

Les autres comités n’auront qu’un rôle consultatif. Toutefois la BMCE aura un œil sur la nomination et la révocation des responsables Risques et de Contrôle général eu égard à l’extrême sensibilité de ces postes.

Ajoutons-y que la BMCE compte souscrire des actions dans les capitaux des nouvelles banques que la BDM-sa vient de créer à Abidjan et Ouagadougou. Ce qui va renforcer davantage sa présence dans les structures de gestion et les instances de décision au détriment de la partie malienne.

Cette mainmise du groupe marocain sur tous les compartiments et les ressources de la BDM-sa se fera au détriment des cadres maliens dont la plupart seront réduits à des rôles de lampistes.

C’est cette perspective qui a conduit Dr Ousmane Bah, le représentant des actionnaires privés et petits porteurs (y compris le personnel de la BDM-sa) à adresser à Mohamed Agoumi, administrateur à la BDM-sa pour la BMCE-Bank, de sérieuses réserves sur ce pacte d’actionnariat.

Celles-ci se rapportent au mutisme observé par le document sur la répartition du portefeuille d’actions laissé par la BCEAO après son retrait de la BDM-sa, sur l’étude commanditée auprès de Eurogroupe pour proposer un mode de gouvernance au groupe BDM-sa qui vient d’être constitué. Quant aux attributions de postes et de responsabilités en faveur de la BMCE-Bank, elles sont jugées « exorbitantes« , de nature à « augmenter fortement les charges de gestion  » et à « infantiliser les cadres maliens« .

» Ces implications seraient exorbitantes et iraient même au-delà de la filiation et prendraient les prérogatives de la banque, des cadres nationaux, de la BCEAO, de la Commission Bancaire. Ces pouvoirs seraient même plus étendus qu’au moment où la BMCE (Banque d’Etat) gérait la BDM-sa  »  lit-on dans la correspondance envoyée par Dr Bah à M.Agoumi.

Et de rappeler qu’à cette époque (1989) la structure du capital de la banque se présentait ainsi : Etat malien 20%, BCEAO 20 %, BOAD 20 %, BMCE + autres banques 17 %, secteur privé malien 23%.

Vingt ans après, à la date du 31 mars 2015, la part de la BMCE-Bank est passée à 27,38%. Et elle veut prendre l’entièreté de la banque sous son contrôle. Avec la complicité de cadres félons, prêts à sacrifier l’intérêt national pour assouvir des rancœurs personnelles au demeurant injustifiées.

 

Saouti HAIDARA

 

Source: L’Indépendant

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