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Kidal: Le temps des négociations.

Apres la visite mouvementée du PM à Kidal le weekend dernier la situation s’est relativement tendue au Mali, cela a débouché sur des affrontements ou l’armée malienne a été repoussée.

Il faudra faire le bilan de ces événements sur le long terme, mais à court terme on peut dire que c’est un fiasco total qui a coûté en vies humaines, a mis en péril les bataillons formés par l’EUTM et nous avons perdu nos positions à Kidal. La population est en panique au nord, les banques ont fermé à Gao, des administrateurs ont fui Tombouctou, Bourem et 4000 personnes ont quitté Kidal (Selon des chiffres de la Minusma).

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Nul intérêt à se lancer dans une polémique, sur la série de décisions catastrophiques qui nous ont conduit à ce qui semble être un retour au point de départ, il est plus intéressant de réfléchir à une solution de sortie de crise, et le premier pas a été franchi, dans la mesure où tout le monde reconnait la nécessité du dialogue et de manière sincère cette fois.

Cela peut avoir l’air dérisoire, mais reconnaitre le dialogue comme solution de sortie de crise et de manière sincère c’est une partie du chemin qui a été parcouru, on a déjà vu des négociations ou chaque partie avouait vouloir négocier, mais continuait à faire la guerre sur le terrain.

Pour aller aux négociations il faut connaitre ceux avec qui l’on discute, il faut comprendre et voir la subtilité des liens entres les différents mouvements armés. On sait qu’il y a des liens entre le Mnla, Le HCUA, le MAA, le Mujao, Aqmi. Les liens sont de plusieurs sortent selon que l’on parle d’un groupe ou d’un autre.

Chaque groupe a sa dynamique propre, et en leur sein il existe parfois des dizaines de tendances basées sur des liens le plus souvent tribaux, à la Sécurité d’état par exemple il avait répertorié en 2006 plus de 30 factions rebelles avec parfois des intérêts divergents, sans pour autant qu’ils se divisent.  C’est tordu je sais mais quand on a le même ennemi on met de côté les différences.

On a souvent critiqué la Sécurité d’état comme étant la grande absente dans cette crise, comme étant plus apte à espionner les politiciens que les groupes terroristes. Mais une chose est sure, c’est qu’elle connait les mouvements armés au Nord, elle sait qui se bat avec qui, elle connait les liens, les tendances, et ce parce que depuis la fin des années 90, sous l’impulsion de l’actuel Ministre de la défense, elle dispose de sources d’informations nombreuses au nord, au sein des tribus et des groupes.

Le problème se situe au niveau politique car au final se sont les politiques qui prennent les décisions sur la base des rapports des services de sécurité, mais la politique étant ce qu’elle est les intérêts électoraux prennent souvent le dessus sur le bon sens. Un exemple l’ancien PR ATT a ignoré de nombreux rapports alarmant sur la situation au nord.

Pour ce qui est des négociations, Le Mnla est un mouvement qui depuis juin 2012 est en perte de vitesse militaire mais dispose de puissant relais en France et dans les médias. Son combat s’est basé sur une double arnaque, tout d’abord un soi-disant soutien des populations du nord, et une capacité imaginaire à pouvoir combattre Aqmi, on a vu ce que cela a donné.

En réalité c’est un mouvement faible mais qui dans chaque combat contre le gouvernement malien a su compter sur des alliés puissants et notamment le HCUA, anciennement AnsarDine, qui lui aussi a pu compter sur ses liens avec les terroristes d’Aqmi.

Il est important de saisir  les liens entre ces mouvements, pour Aqmi, il s’agit de profiter de la respectabilité offerte par la communauté internationale au Mnla pour pouvoir continuer ses activités, Aqmi a besoin du mnla et du HCUA pour avoir une implantation locale.

Comme cela a été souligné par leur émir dans un document envoyé aux djihadistes pendant l’occupation, il explique qu’il est important de mettre en avant les groupes locaux, pendant qu’eux tirent les ficelles en arrière. L’émir avait même condamné la rupture des liens entre AnsarDine et le Mnla lors de la création de la fantomatique République islamique de l’Azawad.

Comprenez que le but pour ces djihadistes est la création d’un califat, et pour y arriver l’ancrage local est primordial, voilà pourquoi Droukdel recommandait d’appliquer la charia progressivement et de travailler main dans la main avec le Mnla pour ne pas choquer la population locale.

Les rebelles eux savent qu’ils sont les plus faibles, ils sont encore plus conscients que les maliens eux même, que la conquête des 3 régions du nord leur aurait été difficile sans l’appui des groupes islamistes et djihadistes.

Au sein du mnla plusieurs factions s’affrontent, les premières pensent qui faut rompre tous liens avec les djihadistes, se concentrer sur les objectifs (Autonomie notamment) d’autres sont plus radicales, ne veulent que l’indépendance, une chose les rassemble, en cas d’attaque de l’armée malienne ils sont prêts à s’allier à leurs amis encombrants pour nous combattre, c’est une question de survie pour le mouvement. Sans oublier les différentes alliances ethniques et régionales ! On ne le dira jamais assez, les Touaregs de Tombouctou par exemple non pas la même vision que ceux de Kidal, idem pour ceux de Gao, une logique géographique toute simple. Ils n’ont pas les mêmes problèmes !

Enfin il y a une division entre ceux qui ont fait plus de 20 ans au service de Kadhafi et qui se sont retrouvés au mali et les locaux qui comprennent mieux les liens qui régissent les rapports entre communautés au Nord.

Pour ceux qui est du HCUA c’est un mouvement à la croisée des chemins qui aurait officiellement rompu les liens avec Aqmi, mais tout comme le Mnla est un mouvement traversé par plusieurs courants. Une partie souhaite se détacher des djihadistes et entrer dans un dialogue national, l’autre est complètement imbriquée dans l’islamisme radical et ne souhaite pas rompre les liens de manière profonde.

Les équilibres sont fragiles, les alliances changent au gré des évènements, et par-dessus tout cela il y a un combat de chefs pour le leadership de la communauté Touareg, notamment celle de Kidal. Certains se sentant plus légitimes que d’autres à devenir les chefs suprêmes de la communauté.

Quant au MAA j’avoue que c’est un mouvement assez énigmatique un temps supposément associé au Mujao il a pris ses distances, mais on a du mal à connaitre leurs aspirations. Ce que l’on sait c’est qu’il y a 2 factions une de Ramadan et l’autre de El Oumarany, et n’hésitent pas par moment à s’affronter, aussi bien lors de négociations que sur le terrain. Avec la aussi les premiers proches du Mnla et les seconds plus autonomes, réputés proches du Mujao…  Il y a là aussi des rivalités historiques entres les tribus arabes de Tombouctou et celle  de la région de Gao. Chacun des groupes est motivé par sa survie et a tendance à s’allier au plus fort. En réalité on peut classer le MAA comme un ensemble de milices tribales, et non comme un réel mouvement possédant une plateforme politique sérieuse.

On ne peut que brosser de manière assez rapide les liens entre les groupes, sinon il faudrait écrire tout un livre sur le sujet, mais déjà avec ces quelques lignes on peut comprendre la difficulté à laquelle on doit faire face, et l’immense travail qu’il nous faut accomplir.

Il faut tout d’abord  arriver à unir les groupes afin qu’ils produisent des revendications communes, ce qui implique que chaque groupe doit mettre en accord les tendances, qui la composent voyez la tache….

Une fois cela fait il faudra aussi pour le gouvernement avoir une ligne directrice savoir ce qui est possible, ce qui n’est pas possible, or c’est là qu’entre en jeu la politique. Quand on se fait élire en faisant miroiter au peuple que l’on pourra régler de manière ferme la situation sans rien céder, on a tendance à freiner des 4 fers, voilà pourquoi 8 mois plus tard on n’a fait que multiplier les commissions de réconciliation, les rencontres sans lendemain, à cause de calculs politiciens.

Bien évidemment le préalable à tout dialogue est le désarmement et le cantonnement des groupes armés, et pour cela chaque partie doit fournir des garanties, faire des concessions. Aujourd’hui on ne sait même pas sur quoi on va discuter.

L’important étant d’arriver à isoler de manière définitive les djihadistes, de les exclure du jeu. Pour cela il faut récupérer les groupes, les mettre sous le giron nationale, ça passera par des concessions. Il faut absolument isoler les djihadistes, car leur stratégie principale aujourd’hui comme hier est d’infiltrée la société et tant qu’il y aura du désordre ils en profiteront.

Croire que c’est Serval ou la Minusma qui vont régler les problèmes du Mali est illusoire, les français sont focalisés sur la lutte contre les djihadistes et la Minusma on ne va pas se mentir le cœur de son métier c’est l’aide humanitaire et faire la police le temps que l’armée soit capable de remplir sa mission de sécurisation ce qui prendra des années.

Ni Serval ni Minusma n’ont la connaissance sociologique que nous avons du nord, ils ont tout au plus une vision superficielle des liens, il appartient donc au Mali d’établir sa stratégie de sortie de crise en fonction de cela, encore faut-il procéder à une analyse sérieuse de la situation, et de sérieux nous en manquons cruellement en ce moment. Nous parlons plus que nous n’agissons comme souvent. Il faut garder en mémoire, que les individus et les groupes qui négocient  jouent leur survie, et parfois une survie personnelle, que certains entendent jouer un rôle local important, il ne faut pas oublier non plus que le Mali joue sa survie, je ne suis pas convaincu que l’on puisse résister à d’autres crises de la sorte dans un avenir proche et notamment les populations locales.

Négocier c’est faire des concessions.

Par Askiamohamed

SourceAskiamohamed

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