La menace djihadiste semble s’étendre sur toute l’étendue du territoire national. Jusqu’ici, seules Régions du Nord et du Centre étaient affectées. Mais maintenant après les Régions de Mopti et de Ségou, c’est celles de Sikasso et de Kayes qui se trouvent maintenant sous la menace des djihadistes. Tous les signes et signaux qui ont prévalu dans le Centre du pays se dessinent peu à peu à Sikasso et à Kayes. A savoir, la présence des groupes djihadistes. Il appartient aux Autorités « d’ouvrir grandement les yeux », de faire la bonne lecture des événements et d’anticiper.
Le Mali traverse une crise d’insécurité d’une gravité sans précédent. Depuis 2015 avec l’apparition des groupes terroristes, groupuscules et milices armés, c’est la montée de l’insécurité
En effet, convaincus que le Centre (Mopti) est définitivement conquis ainsi qu’une partie de Ségou, les groupes djihadistes étendent leurs tentacules vers le Sud ; précisément dans la Région de Sikasso où l’on signale depuis un long moment la présence des djihadistes dans plusieurs endroits. D’où la multiplication d’attaques contre les Représentants de l’Etat (Agents de l’Administration et les forces armées et de sécurité).
Le lundi 15 mars 2021, vers les14H, les djihadistes ont incendié les locaux de la Mairie de Koumbia, localité située dans le Cercle de Yorosso. Plus loin, dans la même journée, huit (8) Agents de santé ont été enlevés par des présumés djihadistes dans les enceintes de la Mairie de Tiéré, dans la nouvelle Région de Koutiala (si vous voulez : toutes les deux localités sont de la Région de Sikasso).
Aussi, un civil a été tué et un autre grièvement blessé dans l’attaque du poste frontalier de Hèrèmakono, situé à une trentaine de kilomètres de la ville de Sikasso, tard dans la nuit du lundi 1er mars 2021, par des Hommes armés circulant à bord de motos. Les Assaillants ont brûlé le bâtiment de la Douane ainsi que 16 véhicules dont trois appartenant à des Douaniers en service. Au niveau du poste de la Gendarmerie, trois autres véhicules ont été calcinés ainsi que le Bureau.
15 jours après, des attaques simultanées ont eu lieu dans deux autres localités différentes. Selon des sources locales, le Maire de la Commune de Koumbia a échappé de justesse à un enlèvement lors de cette attaque. Ce qui a poussé les présumés djihadistes à incendier les locaux de la municipalité.
En réalité, cette propagation des attaques vers le Sud résulte d’une stratégie initiée depuis 2014 par Ansar Dine afin de réduire la pression de la Communauté internationale sur la Région de Kidal et s’est traduit par l’ouverture du front au Centre (Katiba du Macina), Ansar Dine a tenté d’étirer la « ligne de front » djihadiste jusque dans le Sud, en particulier dans la Région de Sikasso, centre stratégique pour les groupes djihadistes.
Les germes d’une rébellion partent toujours d’un constat de l’impuissance des pouvoirs publics doublé du ras-le-bol des populations locales. Alors, les Autorités de la transition doivent prendre des mesures idoines avant que cela ne soit trop tard.
En début février 2021, le Directeur de la DGSE, Bernard Emié, dévoilait une vidéo, lors d’un comité exécutif du Ministère français de la Défense consacré au contre-terrorisme, recueillie un an plus tôt par des sources de l’Agence de renseignements français sur laquelle on distingue les Chefs d’Al-Qaida au Sahel. Le patron de la DGSE affirme que c’est lors de cette réunion qu’ils ont conçu leur projet d’expansion vers les pays du Golfe de Guinée.
Les frontières Mali et Burkina Faso ne seraient-elles pas une passerelle pour les groupes terroristes afin d’atteindre leurs nouvelles cibles ? Puisque Bernard Emié a laissé entendre dans cette rare sortie que « pour desserrer l’étau dans lequel ils sont pris et pour s’étendre vers le Sud, les terroristes financent déjà des Hommes qui se dissimulent en Côte-d’Ivoire ou au Bénin ».
Kayes aussi dans le viseur
Kayes est la première Région administrative du Mali. C’était aussi une des dernières Régions encore épargnées par les attaques terroristes. Mais, le 10 février 2021, un poste de Gendarmerie a été attaqué dans la ville de Diéma par des individus armés puis le jeudi 9 avril 2021. Au moins un Gendarme avait alors perdu la vie. Depuis lors les attaques se multiplient. La dernière en date remonte au mardi 28 septembre dernier où un convoi minier a été attaqué entre Sebabougou et Kwala, à 188 kilomètres de Bamako. Bilan : cinq Gendarmes tués dans l’attaque, la troisième qui touchait un convoi minier dans la zone.
Ces attaques ne sont pas une surprise. En effet, le Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM), né en 2017, est dans une logique d’expansion vers l’Extrême ouest du pays. La stratégie du Groupe consiste à parler aux populations locales, mais aussi à installer des Bases en dehors de la forêt de Wagadou pour assurer la formation militaire des nouvelles recrues.
Comme on voit, la Katiba Macina du GSIM a décidé de dicter sa loi tout le long de l’Ouest, jusqu’à la frontière avec le Sénégal. Le 4 août 2020, la Brigade territoriale de Sandaré (Cercle de Nioro du Sahel) a été attaquée par quatre individus armés, six selon d’autres sources. Deux Gendarmes ont été grièvement blessés au cours de cette attaque. Les Assaillants ont détruit un pick-up et une moto appartenant à la Gendarmerie avant de se fondre dans la nature. Le même groupe a participé, le 3 septembre 2020, à l’embuscade de Guiré qui a coûté la vie à 10 soldats maliens. Selon un Administrateur civil local, des Hommes à bord de moto circulaient dans la zone et faisaient des prêches à Dilly, Moroudia et Guiré.
Toutes ces activités qui deviennent récurrentes depuis quelques mois militent en faveur d’une installation de noyaux solides dans les Régions de Kayes et de Koulikoro, loin de l’épicentre de l’insurrection jihadiste.
Aussi, la multiplication de ces attaques et l’ouverture de nouveaux fronts s’explique par plusieurs manières qui ne sont d’ailleurs pas exclusives. Tout d’abord, il est possible que ces changements répondent à des considérations stratégiques. Les groupes terroristes opérant dans le Nord cherchent à détourner l’attention de l’Armée malienne et des forces internationales de cette Région afin de mieux se réorganiser ou poursuivre leurs trafics.
Mémé Sanogo
Source: L’Aube