« Les tentatives de révision constitutionnelle en 2000 et 2011 étaient des révisions de confort mais celle d’aujourd’hui est devenue une exigence compte tenue de la situation politique du pays et une exigence de la communauté internationale », c’est ce que le ministre des droits de l’homme et de la réforme de l’Etat, Me Kassoum Tapo a déclaré hier jeudi 1er juin 2017 dans la salle Modibo Keïta de l’Assemblée nationale, lors de l’adoption du projet de loi portant révision de la constitution du 25 février 1992. Les travaux étaient présidés par le président du parlement malien, l’honorable Issaka Sidibé, en présence de nombreuses autres personnalités. Au total, il y a eu 123 amendements dont 80 pour l’Assemblée nationale et 43 pour le président du groupe parlementaire Vigilance Républicaine et démocratique (VRD), Mody N’Diaye. L’amendement 30 de l’hémicycle précise que les maliens établis à l’extérieur élisent leurs députés. Le même amendement souligne que tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat. L’amendement 41 de Mody N’Diaye indique que le président de la République peut être destitué en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. Lors des séances d’écoute, les pouvoirs du Président de la République ont été jugés exorbitants par les personnalités.
« La Constitution a révélé des lacunes et insuffisances qu’il convient de corriger. La crise sécuritaire et institutionnelle de 2012 a également fragilisé les institutions de la 3ème République. Le présent projet de loi portant révision de la Constitution n’entraine nullement un changement de République. Mais, il renverse la hiérarchie des normes constitutionnelles en créant de nouvelles institutions de la République notamment le Sénat et la Cour des Comptes.
Cette révision permet surtout de prendre en charge des engagements pris par l’Etat malien contenus dans l’Accord pour la paix issu du processus d’Alger», c’est par ces mots que le rapporteur de la Commission des Lois Constitutionnelles, de la Législation, de la Justice, des Droits de l’Homme et des Institutions de la République, Sékou Fantamadi Traoré a commencé son allocution.
Avant d’ajouter que le projet de loi portant révision de la Constitution du 25 février 1992 comprend 140 articles qui sont répartis entre 16 titres. 17 articles modificatifs ont été proposés. Les institutions de la République sont : le Président de la République ; le Gouvernement ; l’Assemblée nationale ; le Sénat ; la Cour Constitutionnelle ; la Cour Suprême ; la Cour des Comptes ; le Conseil économique, social, culturel et environnemental. Le troisième article modificatif du projet de texte précise que le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct et au scrutin majoritaire à deux tours. Personne ne peut exercer plus de deux mandats. Les candidats aux fonctions de Président de la République doivent être de nationalité malienne et jouissant de tous leurs droits civiques et politiques.
« En cas d’empêchement temporaire du Président de la République de remplir ses fonctions, ses pouvoirs sont provisoirement exercés par le Premier ministre. Mais en cas de vacance du poste de Président de la République, pour quelque cause que ce soit, ou d’empêchement absolu définitif constaté par la Cour Constitutionnelle saisie conjointement par le Président du Sénat, le Président de l’Assemblée nationale et le Premier ministre, les fonctions du Président de la République sont exercées par le président du Sénat », a déclaré le rapporteur.
‘’… Il faut réduire les pouvoirs du Président de la République…’’
Lors des séances d’écoute tenues dans la Commission des lois et les auditions citoyennes organisées dans les capitales régionales, la Commission des Lois Constitutionnelles, de la Législation, de la Justice, des Droits de l’Homme et des Institutions de la République dit avoir entendu environ 400 personnes ressources comprenant l’ensemble des composantes de la société malienne.
Aux dires du rapporteur de la commission saisi au fonds, les avis sont divers et variés sur les questions essentielles, notamment l’initiative de réviser la Constitution du 25 février 1992, la référence à la Charte de Kuru Kan Fuga et aux Conventions de Paris et de Marrakech issues des COP 21 et COP 22, la nationalité des candidats aux fonctions de Président de la République, la prestation de serment du Président de la République élu devant la Cour constitutionnelle, l’officialisation des langues nationales, la détermination de la politique de la Nation par le Président de la République, la suppression de la Haute Cour de justice comme institution de la République, l’érection de la section des Comptes de la Cour suprême en Cour des Comptes, la régulation des médias, l’institution d’un parlement bicaméral ou à deux chambres, l’octroi au parlement de la mission d’évaluation des politiques publiques.
Selon Sékou F Traoré, l’initiative de réviser la Constitution du 25 février 1992 a été reconnue pertinente par toutes les personnes ressources entendues au cours des travaux en Commission y compris les auditions citoyennes compte tenu du contexte sécuritaire et politique du Mali. Mais, poursuit-il, il a été surtout déploré un manque de dialogue et de débat populaire devant précéder l’élaboration du projet de texte de révision. Des interrogations sur le niveau réel de contrôle par l’Etat de l’intégrité du territoire national, la possibilité d’organiser le référendum sur l’ensemble du territoire national ont été soulevées. Aux dires du rapporteur, en cas de candidature aux élections présidentielles, que les binationaux ne peuvent déposer leurs dossiers de candidature qu’après avoir renoncé à leur seconde nationalité.
« Les pouvoirs du Président de la République ont été jugés exorbitants par les personnalités ayant participé aux séances d’audition. Des personnes auditionnées surtout dans les capitales régionales trouvent qu’il faut réduire les pouvoirs du Président de la République en faveur d’autres institutions constitutionnelles en vue de mettre fin à ce qu’elles considèrent comme une présidentialisation progressive du régime », a-t-il dit. Il a rappelé que la suppression de la Haute Cour de Justice comme institution de la République a fait l’objet de débats houleux lors des séances d’écoute.
123 amendements pour une constitution de 140 articles
D’autres personnes ressources écoutées pensent que l’existence de la Haute Cour de Justice comme institution est une nécessité impérieuse pour tout Etat de droit parce qu’elle est l’expression d’une volonté politique assumée. La haute Cour de Justice doit rester comme « une épée de Damoclès » au-dessus des têtes des chefs d’institution.
Selon la commission, plusieurs personnes entendues sont sceptiques quant à la pertinence d’instituer un parlement bicaméral formé de l’Assemblée nationale et d’un Sénat. Selon elles, la création d’un Sénat risque d’allonger et de complexifier la procédure législative. Elles trouvent également l’initiative coûteuse avec l’alignement des émoluments des éventuels sénateurs sur ceux des députés, de l’extension aux nouveaux membres du parlement du régime de pensions des députés et de la mise en place au sein de la nouvelle assemblée d’une administration plus étoffée.
Ainsi, la Commission des Lois recommande au Gouvernement de la République du Mali : l’approfondissement de l’enseignement des langues nationales ; traduire les lois en langues nationales ; l’élaboration d’un statut du juge des comptes ; la dotation du Conseil supérieur de la magistrature d’une administration et d’un règlement intérieur ; la relecture de la loi relative aux associations ; l’enseignement de la Charte de Kuru Kan Fuga dans nos écoles et universités ; la tenue des élections relatives au référendum sur l’ensemble du territoire national et la participation effective de tous les maliens ; le découplage des élections référendaires des élections des conseils régionaux ; la vulgarisation de la Constitution.
Au total, il y a eu 123 amendements dont 80 pour l’Assemblée nationale et 43 pour le président du groupe parlementaire Vigilance Républicaine et démocratique (VRD), Mody N’Diaye. L’amendement 30 de l’hémicycle précise que les maliens établis à l’extérieur élisent leurs députés. Le même amendement souligne que tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat. L’amendement 41 de Mody N’Diaye indique que le président de la République peut être destitué en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat.
Le même amendement souligne que la destitution est prononcée par le parlement et emporte l’inéligibilité du président de la République. Mody N’Diaye, dans ses amendements, a souhaité l’interdiction de toute révision de la constitution sans le référendum. Pour sa part, le président de l’hémicycle, Issaka Sidibé a fait savoir que le président de la République a initié cette révision constitutionnelle non pas pour lui-même mais pour le peuple Malien. Quant à Me Tapo, qui défendait ledit projet de loi, les tentatives de révision constitutionnelle en 2000 et 2011 étaient des révisions de confort mais celle d’aujourd’hui est devenue une exigence compte tenue de la situation politique du pays et une exigence de la communauté internationale.
Au moment où nous mettions cet article sous presse aux environs de 22 heures, les travaux d’adoption du projet de loi de révision constitutionnelle étaient suspendus et n’avaient pas encore repris. Les tractations étaient toujours en cours entre les acteurs. Le parlement et le gouvernement avaient du mal à accorder leurs violons autours des amendements. Nous vous donnerons tous les détails dans nos prochaines parutions.
Par Le Républicain