Professeur de philosophie et d’esthétique à l’Ecole supérieure d’art et design de Saint-Etienne (France), Kader Mokaddem se trouve actuellement à Assinie dans le cadre de la 2e édition du Festival des Arts de la Rue d’Assinie (Fara). Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder, le Professeur Mokaddem nous parle, entre autres, de sa vision de l’art africain, du rôle des nouvelles technologies dans le domaine de l’art ainsi que du Fara. Entretien !
Aujourd’hui-Mali : Peut-on connaitre la raison de votre présence en Côte d’Ivoire et surtout à Assinie ?
Kader Mokaddem : Je suis là en tant qu’invité du Festival des Arts de la Rue d’Assinie (Fara) et la Fondation “La Maison de l’artiste” basée à Assainie en Côte d’Ivoire pour une conférence le jeudi 16 novembre prochain, sur ce qu’apporte l’art au monde. Le Fara est un festival qui regroupe des artistes trans générationnels africains et européens avec l’idée de rapprocher l’art des habitants, de la population. Je prends cette invitation comme une ouverture sur l’Afrique que je ne connais pas assez. Je suis venu également pour échanger avec les artistes de la résidence du Fara et découvrir l’univers artistique africain. Je suis impressionné par l’énergie des artistes pour développer leur travail, la manière dont ils collaborent malgré leurs nationalités différentes. Ma présence en Côte d’ivoire est associée à cet évènement, mais aussi à un désir d’avoir un regard décalé par rapport à ce que j’ai en France où je travaille.
Que pensez-vous de l’initiative du Fara ?
Ce qui est dans un premier temps intéressant dans le Fara, c’est sa diversité avec des artistes venus de différents horizons. C’est un enjeu à la fois humain, politique, avec le problème d’émigration et la question se pose différemment pour l’art dans un monde où les frontières n’existent plus. Le Fara affirme que l’art est commun, qu’il traverse les frontières, accepte les différences et construit un horizon commun pour l’humain. Le Fara est une initiative qui a cette volonté de dépasser l’individualité nationale et nationaliste de l’art et souhaite créer un espace où les artistes peuvent se rencontrer, se fédérer et travailler en commun. Il y a durant tout le festival une sorte de communauté qui se crée et cela est un moment fort du Fara.
Quel regard portez-vous sur l’art africain aujourd’hui ?
Contrairement à l’Europe, la division peintre, sculpteurs designers, cinéastes, entre autres, est moins forte en Afrique et je crois que c’est une richesse pour les Africains. Les artistes africains sont plus attentifs à ce que le monde leur propose comme outils ou comme matériaux. Cette attention au monde est une vraie richesse pour l’art. Or, en Europe, on porte plutôt l’attention sur la démarche singulière et individuelle, au chemin que construit un artiste. En Afrique, on est plus attentif au chemin que construit l’art et à la manière dont les artistes s’intègrent à ce chemin et ce même si les artistes gardent leur personnalité, leur caractère et signature. Ils ont un projet commun donc cette ouverture sur le medium et sur les outils. Je vois également une vitalité, un désir de faire indépendamment des réseaux économiques et des réseaux de galeries. On sent que les artistes ont vraiment envie de faire. Des réseaux de galeries sont en train de se développer et qui pourront aider au développement de l’art. Mais il faut aussi des réseaux institutionnels comme des musés d’art qui peuvent nourrir cette énergie qui est en attente chez les artistes et chez les éventuels spectateurs.
Quel peut être selon vous l’impact des nouvelles technologies dans le domaine de l’art ?
Il y a différents registres, mais dans un premier temps je crois que les nouvelles technologies constituent un moyen de communication entre les artistes. Par exemple, la découverte de la plupart des artistes par les organisateurs du Fara a été faite à travers les réseaux sociaux donc des rencontres virtuelles avant d’être physiques. Les réseaux sociaux permettent aujourd’hui aux artistes de pouvoir présenter leurs œuvres aux différents publics car, il ne faut pas l’oublier, les artistes créent pour les autres. Je pense que les nouvelles technologies constituent une belle opportunité pour les artistes de nos jours.
Réalisé par Youssouf KONE, envoyé spécial à Assinie
Source: Aujourd’hui-Mali