Le premier ministre israélien est mis en cause pour des faits de «corruption», de «fraude» et d’«abus de confiance».
Correspondant à Jérusalem
Benyamin Nétanyahou prédisait que les soupçons de corruption formulés à son encontre accoucheraient d’une souris. Arrivée au terme d’une enquête qui durait depuis plus d’un an, la police israélienne a néanmoins recommandé, mardi, son inculpation pour «corruption», «fraude» et «abus de confiance» dans deux dossiers distincts. Le premier ministre, son épouse et leur fils sont notamment soupçonnés de s’être fait offrir du champagne, des cigares, des bijoux et des vêtements pour un montant total évalué à un million de shekels (250.000 euros). Il appartient désormais au procureur général Avichai Mandelblit de valider, ou non, l’analyse des policiers.
Benyamin Nétanyahou s’est empressé de balayer leurs accusations et a promis de «continuer à gouverner Israël avec responsabilité et loyauté». «Tout ce que je fais, je le fais pour le bien de l’Etat – et pas pour des cigares», a-t-il martelé. Mais plusieurs voix, dont celle de l’ancien premier ministre travailliste Ehud Barak, l’ont appelé à se mettre en retrait jusqu’à son éventuel procès.
L’«affaire 1000», qui porte principalement sur les libéralités consenties par le producteur de cinéma Arnon Milchan, était depuis plusieurs mois présentée comme la plus embarrassante. En contrepartie de cadeaux qu’il n’hésitait à l’occasion pas à solliciter, le premier ministre est soupçonné d’avoir appuyé l’adoption d’une loi accordant une réduction d’impôts aux ressortissants israéliens qui, à l’instar du magnat d’Hollywood, envisagent de rentrer au pays après un séjour à l’étranger. Le centriste Yaïr Lapid, qui était alors ministre des Finances et que l’on présente aujourd’hui comme l’un des principaux candidats à la succession de Benyamin Nétanyahou, a témoigné en ce sens.
Contre-feu
Selon les enquêteurs, le premier ministre serait intervenu auprès de dirigeants américains en vue d’obtenir une extension de visa au bénéfice d’Arnon Milchan. Il aurait aussi défendu ses intérêts en empêchant le naufrage de la dixième chaîne de télévision, dont le producteur était actionnaire, ainsi qu’en facilitant son rapprochement avec un industriel indien. La police, contrairement à ce que pronostiquaient ces derniers jours les médias israéliens, préconise également d’engager des poursuites dans l’«affaire 2000». Celle-ci porte sur des tractations secrètes entre Benyamin Nétanyahou et le patron de presse Arnon Mozes. Propriétaire du quotidien Yedioth Ahronoth, celui-ci est depuis longtemps la bête noire du premier ministre.
A en croire un enregistrement pirate tombé entre les mains des enquêteurs, Nétanyahou aurait promis de faire voter une loi limitant la distribution gratuite du journal rival, Israel Hayom, dont le lancement en 2008 avait torpillé les ventes du Yedioth, en contrepartie d’un traitement plus favorable. «Si on tombe d’accord, lui aurait à l’époque répondu Mozes, je ferai tout mon possible pour que tu restes à ce poste aussi longtemps que tu le souhaites.» Le premier ministre, pour sa défense, plaide que le projet de texte a été enterré.
Avant même de connaître les conclusions des enquêteurs, Nétanyahou et son entourage ont allumé un contre-feu en accusant la police de chercher à le renverser. «Ces conclusions n’ont aucune valeur juridique dans un pays démocratique», a affirmé le premier ministre, que rien n’oblige à démissionner. Mais mardi soir, dès que les recommandations ont été rendues publiques, les spéculations sur son avenir politique ont redoublé. Et les regards se sont tournés vers le ministre centriste Moshe Kahlon, que les analystes israéliens présentent à la fois comme la clé de voûte et le maillon faible de la coalition gouvernementale.
Source: Le Figaro