Koko Dembélé, artiste musicien continue de trôner fièrement sur les grands podiums et ce n’est pas pour rien. Son eternel combat pour les plus faibles fait de lui non seulement un reggeaman hors paire, mais aussi et surtout un repère pour la nouvelle génération. A 43 ans de carrière, ce vieux combattant n’a pas varié. Sa détermination à se faire entendre et à faire vibrer le cœur de la jeunesse constitue pour lui l’essentiel. Dans l’interview qu’il a bien voulu nous accorder, Mamadou Dembélé affectueusement appelé Koko Dembélé nous parle non seulement de sa riche carrière, mais aussi nous révèle son ressenti sur les maux de nos sociétés. Lisez plutôt !
La dépêche : Tout d’abord, qui êtes-vous Monsieur Dembélé ?
Koko Dembélé :
Je suis Koko Mamadou Dembélé dit IGOFREY. Mon nom d’artiste est Koko Dembélé.
Vous avez parlez tout à l’heure de IGOFREY. Comment est venu ce nom ?
En effet, c’est depuis mes années d’école à Bandiagara dans la région de Mopti que j’ai choisi ce nom. A l’époque, nous étions très attachés à l’actualité et, entre copains on s’attribuait des surnoms. Certains se faisaient appelés Jony, Jimmy… moi j’ai choisi Igofrey. Igofrey était un artiste français qui m’a beaucoup impressionné.
Donc depuis les bancs vous avez opté pour la musique ?
Oui, on peut le dire comme ça. La musique pour moi est un héritage familial. J’ai trouvé mes parents faire de la musique traditionnelle mais à cause de mes études je n’ai pas eu suffisant de temps de la pratiquer avec eux. C’est un peu plus tard que j’ai commencé a joué de la guitare tout seul car j’avais déjà le rythme dans le sang. Quand à ma carrière musicale, je l’ai commencé avec le célèbre orchestre dogon ” Kanaga de Mopti ” sous la direction de Sorry Bamba.
Parlez nous du début de votre carrière musicale
Comme je l’ai déjà dis, mon parcours d’artiste a commencé avec l’orchestre « Kanaga » que je suivais depuis les années 1974. C’est en 1976 que j’ai été confirmé en devenant le guitariste titulaire de l’orchestre. J’aime le dire chaque fois que l’occasion se présente, je suis un enfant de biennale artistique où j’ai pu parfaire ma formation musicale de 1976 à 1982 avec bien sûr l’orchestre dogon « Kanaga ». C’est ce qui explique d’ailleurs mon amour pour la musique dogon. En plus du dogon je chante en peul, bozo, bomou, bamanakan.
Justement parlant du dogon, comment arrivez vous à parler aussi bien le « Dogosso » en tout cas dans vos chansons ?
J’ai appris a parlé dogon quand j’étais élève à Bandiagara dans la famille Tolo. Certes je ne suis pas dogon de naissance mais je le suis d’adoption.
Vous êtes issu d’une famille qui fait de la musique traditionnelle, pourquoi avez-vous opté pour le reggae ?
J’ai embrassé le reggae parce que j’étais un enfant du « ghetto » et jusqu’à présent je me considère comme tel. Le reggae est une musique qui provient du ghetto et constitue une arme contre l’exclusion et l’oppression. A travers cette musique, je défends la cause des hommes, femmes et enfants aux situations précaires, privés le plus souvent de leurs droits élémentaires. Déjà au « kanaga », j’interprétais les musiques reggae des devanciers comme Bob Marley, Burning Spear et Jimmy Cliff qui ont été ma source d’inspiration. La logique voudrait peut être que je perpétue la musique traditionnelle que j’ai héritée des parents mais comme je viens de le dire, en tant qu’ enfant du ghetto, je me devais de conscientiser les jeunes du ghetto qu’on rencontre un peu partout dans nos sociétés.
Quels sont les messages que vous véhiculez à travers votre musique?
Mon message est simple. D’abord je parle de la situation précaire dans les ghettos. Voyez-vous comment les jeunes risquent leur vie pour rejoindre l’Europe ? Ils sont victimes de l’esclavage et beaucoup d’autres actes inhumains à cause de la mauvaise politique de nos autorités. Les jeunes risquent leur vie parce qu’ils n’ont pas eu de bases solides. C’est pourquoi je dis souvent que notre génération a été sacrifiée. Les politiques nous chantent en longueur de journée que « l’avenir c’est la jeunesse » mais la réalité c’est qu’elle a déjà été sacrifiée. Et puisque qu’elle est sacrifiée, elle est prête à tout pour rejoindre l’autre bout du monde même si c’est au prix de leur vie. C’est pourquoi vous la voyez se révolter en longueur de journée. Nos jeunes sont mécontents parce qu’ils sont laissés à eux mêmes. Voilà donc mon message de tous les jours.
Vous voulez donc dire que les autorités ont un peu failli à ce niveau?
Non, non du tout ! Pas un peu. Elles ont failli. Si on s’était occupé un tout petit peu des jeunes, ils n’allaient pas aller se noyer dans la mer en voulant rejoindre l’Europe. C’est la déception qui pousse les jeunes à sacrifier leur vie. (Soupir) Vraiment ça ne va pas.
Avez-vous reçu des distinctions de la part de votre pays le Mali ?
Quelle distinction (un peu déçu) ? Je ne suis pas le seul, aucune personne de ma génération. C’est vrai que j’ai commencé avant beaucoup d’entre eux mais nos efforts ne sont pas reconnus. Tout compte fait je suis reggae man les distinctions m’importent peu mais j’ai l’habitude d’avoir une médaille d’argent (l’air songeur) de l’Etat malien. Bon vous voulez quoi ? C’est la vie !
Quels sont vos attentes des autorités et de la jeune génération ?
Vous savez, il y’a un mouvement de révolte qui a commencé un peu partout à travers l’Afrique. Comme je le disais, nous sommes habitués à dire la jeunesse c’est l’avenir mais moi, je dis la jeunesse, c’est maintenant. Il est grand temps qu’elle se lève pour prendre son destin en main. Quant aux autorités, je leur dirais de prendre soin de la jeunesse sinon, ils sont entrain de préparer une bombe à retardement. Une jeunesse désœuvrée est une proie facile si ce n’est pas déjà le cas avec le terrorisme.
Un dernier mot ?
Je demande à la jeunesse de mener le combat de la liberté mais pas dans la violence. Elle doit œuvrer pour une Afrique unie et une monnaie unique.
Aux autorités, je vais me répéter, prenez soins des jeunes, soyez attentifs à leurs revendications.
Propos recueillis par Amadingué Sagara
La Dépêche