C’est une évidence. Le projet de loi portant institution de la police territoriale soumis à l’examen du Conseil national de la Transition met la charrue avant les bœufs. Car cette disposition prévue par l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger du février 2015, n’est nullement une prérogative de l’Etat central mais plutôt de la région dotée d’une Assemblée Régionale élue au suffrage universel direct.
Sur la demande du Premier ministre, le Président de la Transition a par décret convoqué le Conseil national de la Transition en session extraordinaire le vendredi 4 février et jours suivants.
Selon le décret de convocation du Président de la Transition, l’ordre du jour de cette session extraordinaire porte sur l’examen des projets de loi, entre autres, y figure celui relatif à l’institution de la police territoriale en République du Mali.
Signé en mars 2015 à Bamako, l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale au Mali issu du processus d’Alger, prévoit également l’avènement de la police territoriale au Mali par région.
En effet, à son titre 2 : questions politiques et institutionnelles et au chapitre 4 : répartition des pouvoirs et compétences, l’Accord pour la paix et la réconciliation donne la possibilité à chaque région d’entreprendre des initiatives de développement et de libre administration sous le contrôle de l’Etat central.
«Les régions sont compétentes, dans un cadre général préalablement défini par voie législative et réglementaire, dans les matières ci-après: a) plan et programme de développement économique, social et culturel ; b) aménagement du territoire ; c) création et gestion des équipements collectifs et des services sociaux de base (éducation de base et formation professionnelle, santé, environnement, culture, infrastructures routières et de communication relevant du domaine régional, énergie, hydraulique et assainissement) ; d) agriculture, élevage, pêche, gestion forestière, transports, commerce, industries, artisanat, tourisme, transports interrégionaux ; e) budgets et comptes administratifs régionaux ; f) établissement et application d’impôts et de recettes propres sur la base de paramètres déterminés par l’Etat ; g) institutions de redevances ; h) acceptation et refus de dons, subventions et legs; i) octroi de subventions; j) prises de participation; k) coopération décentralisée et jumelage; l) police territoriale et protection civile », précise l’article 8 de l’Accord de paix au Mali, issu du processus d’Alger.
Alors, il faut rappeler que le projet de loi portant institution de la police territoriale soumis aux membres du CNT semble brûler des étapes de la mise en œuvre de l’Accord.
Au chapitre 3 de l’Accord : cadre institutionnel et réorganisation territoriale et à son article 6, il est dit ceci : « Les Parties conviennent de mettre en place une architecture institutionnelle permettant aux populations du nord, dans un esprit de pleine citoyenneté participative, de gérer leurs propres affaires, sur la base du principe de libre administration et assurant une plus grande représentation de ces populations au sein des institutions nationales.
A cet effet, il est prévu les dispositions ci-‐après : Au niveau local
– La région est dotée d’une Assemblée Régionale élue au suffrage universel direct, bénéficie d’un très large transfert de compétences, de ressources et jouit des pouvoirs juridiques, administratifs et financiers appropriés ; – Les populations maliennes et en particulier celles des régions du Nord auront dans ce cadre à gérer leurs propres affaires sur la base du principe de la libre administration ; – Le Président de l’Assemblée est élu au suffrage universel direct. Il est également le chef de l’Exécutif et de l’Administration de la région ; – Les cercles et les communes sont dotés d’organes délibérants (Conseil de cercle et Conseil communal) élus au suffrage universel direct et dirigés par des bureaux ayant une fonction exécutive avec à leur tête un Président du Conseil de cercle et un Maire élus ; – II est reconnu à chaque région le droit d’adopter la dénomination officielle de son choix dans le cadre des dispositions relatives au statut juridique et fonctionnement des régions ».
Enfin, le renvoi du projet de loi autour de la question de la police territoriale au CNT est une manière de mettre la charrue avant les bœufs.
O.M
Source : Le SOFT