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Indignité en Libye : le cri de Mohamed Salia TOURÉ «Brisons l’esclavage»

Le 30 avril 2015, dans une même tribune sur l’immigration, je m’alarmais de cette tragédie et en alertais les différentes autorités. Ces quelques extraits que ma conscience m’oblige à rediffuser, sont malheureusement d’une cruelle actualité : l’esclavage moderne enchaîne toujours nos sœurs et nos frères.

Mohamed Salia Toure

«La Méditerranée entraîne de plus en plus de vagues migratoires vers des destins tragiques dont trop de nos compatriotes, jeunes pour la plupart, sont frappés…L’espérance d’une vie meilleure ailleurs s’invente trop souvent par des illusions et des manipulations, se paie au prix fort… Les classes politiques, tous pays confondus d’Europe et d’Afrique, savent, à chaque drame, témoigner alors de leur émotion, de leur compassion et pour les plus populistes, de leur consternation et de leur détermination à briser la machine infernale du crime…

Dénoncer les coupables est plus soulageant pour eux que de s’interroger sur leur rôle particulier de décideurs responsables de l’avenir de leur peuple, et de sa jeunesse. Faire énormément semblant de décider tient de l’hypocrisie – un nouveau mode de gouvernance parmi d’autres – puisque rien ne sera finalement décidé. C’est ainsi que s’accumulent, catastrophes après tragédies, les gâchis humains, financiers et politiques, dus à la crainte, l’hésitation, l’indifférence ou la lâcheté…

Que la politique n’oublie cependant pas que le progrès, le changement et la modernité sont aujourd’hui portés par les citoyens. Ils n’accepteront pas plus longtemps d’être à côté de leur avenir et de voir sacrifier leurs libertés. C’est une des fonctions majeures de la politique que de rassembler et protéger ses concitoyens, à commencer par les plus démunis, les plus fragiles et les plus marginalisés…»

C’est de Libye que surgit la face noire, parmi bien d’autres activités coupables et intolérables, du crime organisé. Des africains – mais s’interroge-t-on, enquête-t-on sur le sort identique possible réservé à nos sœurs ? – sont vendus aux enchères sur des marchés…presque à ciel ouvert !

Le «produit» est parfait : la jeunesse, la force, la marginalisation et l’isolement.

Le «contexte» est favorable : la demande locale, le bon rapport qualité-prix, l’environnement chaotique, l’indifférence complice et perverse, l’individualisme croissant.

Une caméra a enfin dénoncé ce trafic…sans doute prospère depuis bien plus longtemps !

«Rumeur» ont proclamé les autorités. «Faut vérifier !».

«Vérité» ont crié des témoins et des milliers d’anonymes de la société civile. «Faut agir».

Les autorités ont alors et d’abord réfléchi à une réponse institutionnellement correcte et ont rédigé ensuite des communiqués politiquement compassionnels.

Les populations, elles, ont immédiatement et vigoureusement manifesté leur légitime colère et leur profonde, voire terrible indignation…dans la rue, sur les réseaux sociaux, etc. Les mobilisations s’amplifient, de partout dans le monde.

Cependant…Les condamnations officielles de cette odieuse révélation, en termes judicieusement diplomatiques, veulent faire croire au désormais «Plus jamais ça». Vertueuse déclaration d’intention !

Comme toujours ou bien trop souvent, une nouvelle actualité va envahir notre quotidien, qu’elle soit dramatique, étatique, anecdotique, sportive, festive, sociétale, etc. Distraire notre quotidien, presque heure par heure, de ce qui pourtant heurtait notre conscience la veille ou le matin !

Un nouveau Tweet belliqueux de Trump, un divorce entre stars, un scandale financier ou sexuel, une élimination footballistique qualifiée de séisme national, etc. font faire la Une et engendre mille commentaires. De simples exemples chaque jour parmi des centaines qui encombrent notre cerveau, polluent son tri et sa capacité de jugement, et invitent ou incitent à zapper. L’oubli autrefois était long à s’effacer, il est aujourd’hui presque immédiat…dès l’instant où l’événement qui a frappé puissamment notre esprit…finalement est peut-être, sans doute, de la responsabilité des autres à lui trouver une solution. Et c’est si loin…Faire l’autruche (ne pas voir ne pas entendre) – et même si cet animal est affublé à tort de cette pratique de la tête dans le sable – semble donc érigé en réflexe, voire même en habitude. «Le monde est devenu fou. Tout va si vite. Est-ce vraiment vrai ? Y a plus grave ! J’ai d’autres problèmes plus urgents…etc.». La litanie des bonnes excuses est une source intarissable.

Jeunesse du Mali, sœurs, frères, parents et amis de ces victimes, connues de nous ou pas, victimes actuelles ou peut-être futures, nous ne pouvons pas, nous ne devons plus accepter non seulement de telles tragédies, mais de croire naïvement que le problème va être réglé, puisque les autorités y ont été sensibilisées, voire sensibles.

Non, non, non ! Nous devons résister aux promesses d’aujourd’hui qui seront subtilement abandonnées demain.

Non, non, non ! Nous devons nous révolter par des actes forts, courageux, exigeants, durables s’il le faut.

Non, non, non ! Nous devons briser cet esclavage moderne et faire rendre justice, honneur et dignité à tous nos frères humiliés et asservis.

Maliennes et Maliens, oui nous déjà, nous devons être plus solidaires et volontaires que résignés ou fatalistes.

Nous devons être plus grands dans nos combats citoyens que contrariés par nos propres soucis.

Ce combat-là – parmi d’autres qui meurtrissent notre nation – mérite toute notre mobilisation et notre énergie pour le gagner. Parce que ce sont nos frères. Parce que c’est nous qui continuerons, sous d’autres formes, à porter et accepter alors et encore des chaînes !

Dans les prochains jours, avec la jeunesse malienne, nous appellerons à l’action.

Notre liberté est à ce prix. Celle de nos frères esclaves est une urgence.

Source: figaromali

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