« A mon âge, on meurt le plus souvent dans son sommeil ». C’était sa manière de me répondre quand je m’enquérais de sa santé. Il livrait ce pronostic d’un air si détaché qu’on l’aurait cru en train de parler de quelqu’un d’autre.
De là, à soupçonner que le balancier s’arrêterait aux ultimes jours de ses quatre-vingts dix ans ! Ou que cela se ferait un jour symbole : celui du second anniversaire, deux ans jour pour jour, du décès de Mme Kouyaté, épouse dévouée et loyale dont le mari n’a jamais cessé de pleurer la disparition. Le dernier Sioux s’en est allé, sans bruit, chez lui, comblé par la vie, il faut dire. Il eut la responsabilité d’être parmi les fers de lance de la jeunesse révolutionnaire d’antan. Il aura la responsabilité de fermer la marche d’une génération qui n’eut certes pas que des grains de beauté, mais qui eut le culte sincère et la passion structurante du pays. Regard vif, esprit alerte malgré l’âge, verbe précis, le médecin formé à Montpellier n’était indifférent à rien. Il s’engageait toujours et le faisait avec l’entièreté de ceux de son temps. Les Soudanais, pour tout dire, devenus Maliens en 1960, forts de leur orgueil, libres de leur parole et de leur action, capables de soutenir, et « résolus de mourir » comme en avertit le texte de l’hymne national. Cet hymne, Seydou Badian Kouyaté en fut le père ou l’un des pères. En tout cas, le chant national que nous entonnons tous, que l’on entend tous les jours, porte plus l’Adn de cet écrivain prolifique que tout autre personne.
Nous avions l’honneur de vivre jusque-là avec cet essayiste, dramaturge, romancier, activiste politique, compagnon de Modibo Keita dont il revendiqua farouchement l’héritage. Autant qu’il tenta de conserver la mémoire et de la transmettre aux jeunes qu’il recevait à tour de bras.
Adam Thiam/Maliweb