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In mémoriam : Gaoussou Diawara : Un gourou en 3D !

Le Mali a inhumé hier, jeudi 13 septembre 2018, un de ses fils parmi les plus méritants. A 78 ans Gaoussou Diawara quitte la scène au propre et au figuré. Sa vie à lui eut  des hauts et des bas comme toute vie. Elle connut ses années d’intense production et de contagieuse incubation. Mais, elle eut aussi ses phases-plateau, d’espoir de moissons surtout lorsque comme lui, on a si abondamment semé. Or,  le retour sur investissement sur la chose intellectuelle relève du miracle dans les pays où le livre est un caprice de bourgeois.

Le défunt n’a donc pas empoché les dividendes  financiers auxquels  sa riche œuvre lui donnait droit. Et c’est dommage. Mais pour lui l’argent ne pouvait pas être tout.  A l’instar de la génération-témoin, celle qui vécut les premières émotions de  l’indépendance nationale, Gaoussou Diawara était d’abord un pionnier. Ce n’est pas pour rien que dès sa prime jeunesse, il se met à l’école de Mamadou Gologo, à en  croire la journaliste Korotoumou Doumbia, auteur  en 2011 dans Bamako Hebdo, de l’article le plus complet jusque-là sur l’homme, en fait le parcours  d’une sorte  gourou en 3D : écrivain, dramaturge, enseignant.  Son répertoire rendu public par la journaliste donne le vertige : 38 pièces de théâtre éditées, 10 essais, 8 recueils de poésie, 7 recueils de nouvelles, 4 romans! Au moins trois de ses pièces de théâtre internationalement distinguées ont défrayé la chronique, tantôt fendant l’armure  du système d’aliénation qui avait cours au pays de Mandela, tantôt tirant à boulets rouges sur l’ordre social taillé par l’argent-roi ou les dérives politiques qui menaçaient de transformer la cinquantaine de pays africains en autant de tragiques Gondwana! De sa tombe qui restera sonore car nul ni rien ne peut clouer durablement Diawara au silence, remontent les tirades révoltées de « l’Aube des béliers » (RFI 1973), la voix des oracles dans « l’heure du choix » (Oswald 1979) ou le cri contre l’imposture  dans Abubacari II, (Lansman-Bruxelles, 1992). L’enseignant lui a formé des vagues entières de  futurs écrivains, comédiens et de critiques littéraires. Ses recherches et réflexions sur le Koteba, forme d’expression théâtrale du terroir, auront été séminales, qui ouvriront la voie à des cadets engagés du Koteba National. Lesquels sur les planches, dissèqueront la société malienne, prêtant à rire certes mais dans le seul souci de faire en sorte que les digues ne cèdent pas. Sur l’œuvre poétique du défunt, les critiques continueront à s’entredéchirer. Quoi de plus normal ? Les vers de Gaoussou Diawara ne sont ni ceux Lamartine ni ceux de Césaire. Ils avoisineraient Damas, mais l’intensité et la cadence en moins. Alors peut-être Dakeyo ? Le style est autant dépouillé, mais le mot de Diawara n’a pas la dureté-silex du poète camerounais. Pourtant, Gaoussou Diawara restera dans la lignée des poètes. Il chante la terre et surveille l’accès au pain pour ceux de sa terre. Sans vivre la douleur natale d’un Darwich, il entend les sanglots ambiants, les met en mots et pleure à son tour. Il l’a fait pour les siens. C’est notre tour de le pleurer, à la notable différence que lui a admirablement exécuté sa part de contrat.

La rédaction

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