Jugée moins dangereuse que la voie méditerranéenne, la route des Balkans est de plus en plus prisée par les passeurs pour faire entrer les migrants syriens dans l’UE. La Grèce, la Hongrie et l’Allemagne sont dépassées par le phénomène.
“Les passeurs ont découvert une route et les flux deviennent de plus en plus importants”, a déploré cette semaine Dimitris Avramopoulos, le commissaire aux Affaires intérieures de l’Union européenne. Cette “route” dont parle le diplomate, c’est celle des Balkans, une voie de passage européenne qui permet aux migrants, principalement syriens et irakiens, de rejoindre l’Union européenne et la Scandinavie.
Le trajet n’est pas nouveau mais il est de plus en plus prisé. Il comprend la traversée de la Turquie, de la Grèce, de la Macédoine, de la Serbie, de la Hongrie, pour rallier l’Allemagne ou la Suède principalement (voir carte ci-dessous). Mais pourquoi ne pas emprunter l’usuel passage par le sud de la Méditerranée (Libye, Italie…) pour rejoindre l’Union européenne ? Sans doute, parce que la route des Balkans est moins dangereuse, plus accessible. Pas besoin de traverser l’Égypte, aux prises avec des groupes jihadistes dans le nord du pays, ou la Libye, en plein chaos politique depuis la chute de Mouammar Kadhafi. Et surtout, pas besoin d’affronter la Méditerranée où plus de 2 000 personnes sont mortes noyées depuis le début de l’année en tentant de rejoindre l’île de Lampedusa.
Les migrants sont de plus en plus nombreux à préférer braver les contrôles de police européens sur terre que de monter dans des embarcations de fortune sur mer. Selon le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR), 124 000 migrants ont ainsi choisi de transiter par la Grèce depuis le mois de janvier, contre 98 000 par l’Italie.
Le mur anti-migrants de la Hongrie
Cette nouvelle porte d’entrée hellénique se nomme Kos. C’est une petite île située à 6 km seulement de Bodrum, le Saint-Tropez turc – loin des 330 km qui séparent Tripoli de l’île de Lampedusa. Elle est aujourd’hui submergée par les immigrés clandestins. Plus de 200 migrants accosteraient quotidiennement à son port, selon “Le Figaro”. Face à cette surpopulation, les autorités grecques manquent de tout, de structures d’accueil, de nourriture.
Une situation politique et sanitaire catastrophique que l’on retrouve tout au long du périple. En Macédoine, l’étape numéro 2, où près de 600 personnes traversent clandestinement la frontière chaque jour, les migrants doivent éviter les bandes criminelles, les mafias qui, souvent, kidnappent et rackettent les étrangers. En Hongrie, ils doivent réussir à passer la clôture de quatre mètres de haut et de 175 km de long, érigée cet été le long de la frontière avec la Serbie pour stopper les migrants.
Et, ultime épreuve, dans chacun de ces pays, il faut braver la xénophobie ambiante. En Hongrie, par exemple, le Premier ministre nationaliste Victor Orban applique sans ciller une politique d’extrême droite à l’égard des migrants. “Les réfugiés sont décrits [par Orban] comme des terroristes qui viennent prendre aux Hongrois leur travail, leur gagne-pain et leurs allocations”, a expliqué Thomas Huddleston, l’un des responsables du groupe de réflexion Migration Policy Group, contacté par France 24. Cependant, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 110 000 demandes d’asile ont été enregistrées en Hongrie, “soit cinquante fois plus qu’en 2012 et cinq fois plus que l’année dernière”, écrit l’organisation dans un communiqué du 14 août.
Camps nazis transformés en centres d’hébergement
Pour ceux qui arrivent – enfin – en Allemagne, le répit n’est pas non plus assuré. Face à l’explosion du flux migratoire, les installations d’urgence manquent et les agressions racistes se multiplient. Les demandeurs d’asile pourraient dépasser le nombre de 600 000 cette année, ont estimé certains responsables politiques allemands. Un record pour le pays qui flirte désormais avec la crise humanitaire. “Cela prend des proportions folles”, a indiqué à l’AFP Murat Sivri, le directeur d’un centre de prise en charge à Dortmund, dans l’ouest du pays, qui a déjà fermé deux fois pour cause de saturation. Pour pallier le plus urgent, les autorités pensent même à rouvrir des dépendances d’anciens camps nazis, comme Buchenwald, pour les reconvertir en centre d’hébergement…
Pour Angela Merkel, la situation est devenue une priorité politique. La problématique des migrants va “occuper [l’UE] plus que la Grèce ou la stabilité de l’euro”, a-t-elle déclaré dimanche 16 août. Les autorités allemandes craignent aussi que des ressortissants roumains ou les Roms, victimes de discriminations en Serbie et au Kosovo, profitent de cette surpopulation pour se mêler aux migrants syriens. “Il est honteux et inacceptable qu’une grande partie des demandes d’asile soit déposée par des immigrés en provenance des Balkans”, a déclaré Thomas de Maizière, le ministre allemand de l’Intérieur qui a réaffirmé que ce statut était réservé aux populations persécutées.
Une conférence “de haut niveau” est prévue en octobre à Budapest pour discuter de ce nouveau défi migratoire, a indiqué Dimitris Avramopoulos, le commissaire aux Affaires intérieures de l’Union européenne. Merkel, de son côté, appelle à une “politique européenne commune en matière d’asile”. En attendant, l’Union européenne se contente d’exhorter les pays balkans à mieux contrôler leurs frontières. Une réponse qui semble totalement inadaptée face à l’ampleur de la crise.
Source: France24