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Imam Dicko : “Ma préoccupation, c’est d’abord le peuple malien”

 L’Agence Anadolu a interviewé samedi Mahmoud Dicko, une figure religieuse malienne très influente dans son pays. L’Imam Dicko a brièvement évoqué les relations entretenues par le Mali avec ses partenaires européens.

 

Interrogé samedi par l’Agence Anadolu (AA), Mahmoud Dicko, leader religieux malien jouissant d’une grande influence au Mali, a démontré que « la Turquie peut et doit jouer un rôle au Mali ».

Dans ce second volet de l’entretien, l’Imam Dicko a brièvement évoqué les relations tendues entre le Mali et ses partenaires européens parmi ceux qui ont conçu la France. Abordant succinctement les sanctions imposées par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) au Mali, la figure politico-religieuse malienne a cependant indiqué que la destinée de son pays et de ses compatriotes constituaient l’essentiel de ses préoccupations.

AA : Quelle est votre perception des tensions actuelles entre Bamako et Paris ?

Mahmoud Dicko : « Quand quelqu’un connaît les relations historiques entre la France et le Mali, il n’est pas étonnant qu’il y ait des hauts et des bas dans notre cheminement. C’est tout à fait naturel. C’est un pays qui nous a colonisés pendant des décennies. Aujourd’hui, moi, je suis en train de vous parler en français. Notre administration fonctionne en français. La langue officielle au Mali, c’est le français. Nous avons énormément de relations qui sont là.

C’est une réalité, mais nous sommes aussi une vieille nation. Nous avons une civilisation. Nous avons quelque chose à défendre, notre dignité. Donc, le peuple malien est un peuple qui n’est jamais soumis. Non, nous acceptons vraiment de vivre avec les gens. Si on est dominés, nous sommes dominés, mais on n’est pas soumis. Ce sont les mêmes problèmes, qu’il y a entre nous, de la pénétration coloniale jusqu’à nos jours. Nous sommes un peuple qui a été dominé, mais qui n’a jamais été soumis. Et cette relation en dents de scie que nous sentons. Ça va, ça vient. Il y a des moments où ça s’améliore et des moments où ça s’attise. Bon, ça fait partie aussi de la vie des nations. Voilà, c’est l’histoire.

AA : L’Union européenne, notamment les 27 pays de l’Union européenne viennent sanctionner 5 personnalités maliennes dont le premier ministre. Cela s’ajoute aux sanctions de la Cédéao. Quelle est votre analyse face à ces différentes sanctions sur le pays ?

Mahmoud Dicko : « Les sanctions, ça ne nous surprend pas. Ce n’est pas cela mon inquiétude. Moi, ma préoccupation, c’est d’aborder le peuple malien : comment le peuple malien doit se mettre ensemble, créer les conditions de cohésion qui nous permettent de résister à tout cela ? Si j’ai des regrets aujourd’hui, c’est de voir qu’à l’interne nous avons des problèmes qui nous fragilisent, qui nous mettons dans une situation où, d’une manière ou d’une autre, ce n’ est pas bon pour nous. Voilà ce qui m’inquiète. Si j’ai de l’inquiétude, ce n’est pas les sanctions en tant que tel, c’est le problème qui est entre nous.

Les sanctions sont des instruments ou les outils que les autres ont pour faire valoir leur mécontentement. Ce sont les sanctions, ils le font. Nous sommes un peuple. On est là, on résiste, on recherche des solutions. Nous savons que les sanctions ne peuvent pas être éternelles. Nous aussi, on ne peut pas rester dans cet isolement éternellement. Il faut que, d’une manière ou d’une autre, on s’en sorte et qu’on trouve une solution. Mais la préoccupation majeure que j’ai aujourd’hui, c’est d’abord à l’intérieur. C’est la cohésion au sein du peuple malien.

C’est le tissu social malien qu’il faut vraiment recoudre parce qu’on ne peut pas résister si nous, on n’est pas ensemble. Donc, ce n’est pas les sanctions en tant que tel qui me préoccupent. Ce sont les Maliens entre eux qui me préoccupent.

AA : Avez-vous une solution ou une feuille de route ?

Mahmoud Dicko : « Je n’ai pas de feuille de route, je n’ai pas de solution en tant que telle. Je ne suis pas aujourd’hui celui qui gère le pays, ni le gouvernement, ni le CNT [Conseil national de la Transition]. Donc je suis un citoyen lambda. Donc, je ne peux avoir que des idées que je peux partager avec X ou Y. Mais dire que j’ai une feuille de route… J’ai des idées et des conseils.

J’ai essayé plusieurs fois des approches qui n’ont pas été couronnées de succès parce qu’elles n’ont pas eu la chance d’être appliquées comme je les pense dans ma tête. Malheureusement, il y a beaucoup d’obstacles ici et là. Tout cela prouve que nous avons besoin de nous mettre ensemble, de faire table rase de nos différends pour faire face à la situation. Cela a été vraiment mon souci. C’est pour cela, à un moment donné, j’ai écrit un manifeste dans lequel j’ai demandé au peuple malien de se mettre ensemble, de faire un pacte républicain autour du pays. J’ai donné mes idées, ma façon de voir les choses, au moins de donner.

Tout récemment, j’ai essayé d’approcher les chefs religieux des différentes confessions : le Cardinal, le Pasteur, puis les autres, pour essayer de voir comment est-ce qu’on peut mettre quelque chose de collégial qui nous permette vraiment de parler avec les gens et de chercher vraiment des solutions. Il y a des difficultés internes. Ces difficultés se comprennent. Mais, c’est le moment, l’époque actuelle… Nous avons intérêt à nous mettre ensemble.

AA : Vous avez maintes fois exprimé votre volonté de vouloir avec les « djihadistes » maliens. Est-ce qu’aujourd’hui, vous êtes toujours dans cette dynamique ? Êtes-vous toujours disposé à négocier avec les « djihadistes » ?

Mahmoud Dicko : « Mais bien sûr que oui ! Vous savez le problème est que vous ne pouvez pas rester, vous installer dans une guerre infinie, une guerre sans fin. Mais il faut être je ne sais quoi, pour accepter de mettre ce pays avec ses ressources maigres, avec ses difficultés, qu’on a et nous installer dans une guerre sans fin. Non. Bon, si vraiment on peut sortir de cette guerre, il faut faire tous les moyens pour s’en sortir.

Personne n’a les moyens de supporter une guerre sans fin, personne, aucune puissance. Personne ne peut faire ça. Ce n’est pas sensé pour un pays qui a besoin de l’école, qui a besoin de la santé, qui a besoin de l’économie, dans un pays où même la n’est pas suffisante.

Vous savez qu’on a tellement de priorités qu’il n’est pas intelligent, pour moi, il n’est pas sage, si je peux m’exprimer ainsi, de prendre tout ce qu’on a comme revenu et puis investir ça dans une guerre sans fin. Non, je ne pense pas que ça soit intelligent.

Donc, de mon point de vue, aujourd’hui il faut chercher à parler, surtout que chez nous dans notre cas, en tout cas, la majorité des gens qui sont là, sont des nationaux. Ils sont nos populations avec lesquels nous partageons tout. Mais si à un moment donné, ils ont montré qu’il faut la Charia, changer ceci et cela. Mais alors qu’ils revendiquent le ciel, qu’est-ce qui nous empêche de discuter avec eux ? Le ciel, on n’en a pas les moyens. Mais ce qu’on peut faire, c’est telle et telle choisie.

Nous sommes un pays, je le dis à 98 % de musulmans qui a connu des empires musulmans, qui a connu des royaumes musulmans, donc qui s’inscrit dans la culture islamique, cela, ça fait partie de nos valeurs. C’est extrêmement important. Quand quelqu’un vient me dire « l’Islam », mais on est en train de construire des mosquées à coups de milliards. Ce n’est pas le fusil qui nous a permis de construire. Ce n’est pas la force, c’est la conviction. Les opérateurs économiques maliens construisent leurs immeubles, puis ils construisent une mosquée puis ils construisent une gare, puis une mosquée. Partout où tu vas, il y a des mosquées. Ce n’est pas ailleurs qu’on les finance. Ce n’est pas la Turquie ou l’Arabie saoudite qui les finance, ce sont les Maliens qui les financent parce qu’ ils sont convaincus de leur religion. On les faisait autrefois en banco, aujourd’hui, on les fait en béton, mais ce n’est pas les autres qui nous ont obligés à le faire. C’est notre conviction. Tu vas dans toutes les casernes du Mali. Il y a des mosquées là dedans, chez les militaires, chez les policiers et gendarmes, partout où tu vas. Il y a des mosquées dans des casernes dirigées par des imams en tenue.

Alors donc quand quelqu’un vient nous parler de l’Islam. On leur dit « assieds-toi, on va parler, Maintenant, que veux-tu ? » [Ils nous répondent par exemple] « je veux la charia ». D’accord, mais un commentaire ? Qu’est-ce que c’est pour toi la charia ? C’est quoi ? Nous avons besoin d’un débat doctrinal. Ces gens qui se sont arrogés le droit de prendre les fusils pour dire que c’est eux, les représentants de l’islam, c’est eux qui doivent parler de l’islam. Qui les a investis ? Mais la Oumma doit aujourd’hui se mettre ensemble pour débattre de ce problème. Ce n’est pas les Occidentaux qui doivent venir nous dire tel groupe est musulman, tel n’est pas musulman, tel est radical, tel n’est pas radical. C’est la Oumma qui doit faire son travail. Ceux qui sont égarés, on doit leur dire « Non,

C’est comme ça que ça doit se faire ». Mais si la Oumma est en train de se taire, si elle ne dit rien, ne fait rien, ce sont les autres qui ne sont pas musulmans, qui sont en train de juger les musulmans pour dire que tel groupe est bon ou tel autre groupe n’est pas bon ».

Source : Agence Anadolu

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