On ne saura peut-être jamais comment les officiers du camp I de la gendarmerie de Bamako ont procédé à l’interrogatoire du général Moussa Sinko Coulibaly. Mais il est clair qu’ils ont rendu un service inestimable à la démocratie en le laissant tranquillement rejoindre ses partisans le jeudi, 10 octobre.
La date du jeudi 10 octobre 2019, doit, de ce fait, désormais figurer parmi celles qui comptent dans la maturation démocratique au Mali. Le général Moussa Sinko Coulibaly symbolise alors la figure tutélaire de la sentinelle vigilante qui veille sur l’État de droit. Il a pu rejoindre sa famille et ses proches à l’issue d’un interrogatoire voulu par le pouvoir en mal d’inspiration, ce qui lui vaut une auréole à partager avec les gendarmes commis à l’indélicate mission qu’ils ont su esquiver avec hauteur et professionnalisme. Lorsque la convocation a été adressée à Moussa Sinko Coulibaly le mercredi O9 octobre, nul en République ne pouvait penser qu’il ne serait pas directement conduit à la Maison Centrale d’arrêt de Bamako, car nos agents de sécurité sont tout simplement habitués à obéir à l’œil et au doigt du prince régnant, fût-il injuste ou apprenti dictateur. En effet, la convocation du jeune général a été psychologiquement et méthodiquement préparée par IBK lui-même qui avait, à son habitude grandiloquente, jugé ignominieux et séditieux les propos tenus par le convoqué sur tweeter. Ibrahim Boubacar Keïta, il ne faut pas l’oublier, tient rôle de clé de voûte de nos institutions républicaines en tant que chef de l’État, chef suprême des armées, président du Conseil Supérieur de la magistrature, et encore. Et quand il choisit, avec une légèreté déconcertante, de faire accréditer publiquement l’idée, sinon la volonté d’un coup d’État, il y a lieu de se poser des questions sur sa conception de la démocratie, lui qui a émis naguère contre le régime d’Amadou Toumani Touré des propos hautement subversifs résonnant encore dans les oreilles des Maliens. Le ciel soit loué, les gendarmes ont bien perçu la supercherie politique logée dans un habillage démocratique. Ils ont, dans la forme, entendu le président de la Ligue Démocratique pour le Changement et ils ne l’ont pas retenu avec, on s’en doute, l’élégance de lui présenter des excuses sincères. Tant mieux pour la démocratie, tant mieux pour l’honneur de nos services de sécurité et des hommes en charge. Certes, IBK a été désavoué à la fois sur le plan politique et judiciaire. Mais s’arrêtera-t-il à ce bidonnage d’un âge révolu auquel la démocratie n’a plus rien à tirer? Il faut demeurer vigilant. La Ligue Démocratique pour le Changement avait déjà mis le doigt sur le désir présidentiel inavoué en dénonçant « la logique d’intimidation de toute opposition et de faire taire toute vérité » du régime d’IBK. Une tentative a été un couac, mais la démocratie demeure sous menace.
Bogodana Isidore Théra
LE COMBAT