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Hervé Ladsous: «Il faut travailler à une intervention de l’ONU en Centrafrique»

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Des Casques bleus francophones dans les pays francophones. C’est l’objectif de Abdou Diouf. Le secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie a annoncé le 14 janvier à Paris que l’OIF va mettre en place un “Réseau d’expertise et de formation francophone pour les opérations de paix”. A ses côtés, le Français Hervé Ladsous, secrétaire général-adjoint de l’ONU chargé des Opérations de maintien de la paix. Entretien avec le chef des Casques bleus parle aussi de la Centrafrique, du Congo-Kinshasa et de la Côte d’Ivoire.

Vos Casques bleus seraient-ils plus efficaces s’ils parlaient tous français?
Hervé Ladous : Il y a une nécessité de francophonie parmi les Casques bleus. Tout simplement parce que plus de la moitié de nos effectifs sont déployés dans des pays francophones, depuis la Côte d’Ivoire jusqu’au Mali, en passant peut-être demain par la Centrafrique.

Le Français peut-il être un multiplicateur de force ?
C’est d’abord une question d’efficacité. Quand on opère dans des pays où le Français est prédominant, qu’on soit militaire, policier ou a fortiori spécialiste de tel ou tel volet des affaires civiles, l’interaction avec la population locale est nécessaire. Nous avons à peu près un tiers de nos personnels qui sont francophones. Mais la très grande majorité de ces personnes francophones sont africaines. Ce qui signifie qu’il faut aussi que les pays francophones non africains fassent eux-mêmes un effort.

Vous pensez aux Suisses, aux Belges, aux Canadiens ?
Oui. Je pense aussi par exemple aux Cambodgiens, qui sont en train de déployer une unité de génie civil dans l’entretien des pistes d’aéroport. Ils vont se déployer au Mali dans les prochains jours… Et je crois que c’est une indication de ce qu’il faut faire.

Ne faut-il pas aussi apprendre le français, peut-être, à des officiers ou sous-officiers du Bangladesh et du Pakistan ?
Le chef d’état-major général des armées bangladaises, passant me voir il y a quelques mois à New York, m’a annoncé fièrement qu’il créait à Dakar un institut pour enseigner le français à ses officiers, qui sont destinés à être déployés dans ces pays-là.

Le Conseil de sécurité s’est décidé à envoyer très vite des Casques bleus au Sud-Soudan. En Centrafrique, le même Conseil de sécurité tergiverse. Est-ce qu’il n’y a pas deux poids, deux mesures ?
Non. Au Soudan du Sud, face à la crise qui s’est développée ces dernières semaines, il y a eu décision d’envoyer à peu près 50 % de troupes en plus. Nous sommes en train de déployer actuellement 5 500 soldats, pour l’essentiel prélevés sur des missions dans d’autres pays africains, ainsi qu’en Haïti. En Centrafrique, on est dans une situation très différente. Il y a d’abord l’opération Sangaris, montée par la France. Il y a peut-être la perspective d’une opération européenne, cela se discute en ce moment à Bruxelles. Enfin, et ce n’est pas la moindre, il y a l’opération Misca qui a été montée par la Communauté économique d’Afrique centrale, devenue une opération de l’Union africaine mi-décembre. Et donc, la question se pose, à terme, de savoir si elle pourrait devenir une opération des Nations unies. Le Conseil de sécurité aura à en décider dès qu’il sera possible.

Les Casques bleus à Bangui d’ici trois mois ?

Je ne me prononcerai pas sur une date, car c’est l’un des points dont nous discutons avec nos collègues et nos amis africains. Mais je pense que le sujet est clairement dans l’air du temps et il va falloir qu’on poursuive les discussions là-dessus.

En tout cas, vous y êtes favorable ?
Oui. Je pense que tout en reconnaissant la contribution tout à fait importante des pays africains, c’est quelque chose sur quoi nous devons clairement travailler la main dans la main, comme nous l’avons fait d’ailleurs l’an dernier au Mali.

La Misca est utile, mais pas suffisante ?
On peut dire ça comme ça. Les Nations unies, quand il s’agit de gérer des processus de démobilisation, de réintégration des combattants et de la réforme du secteur de la sécurité – ce sont des sujets lourds, complexes -, nous avons pas mal d’expérience dans ce domaine.

Dans l’est du Congo-Kinshasa, vous craignez une résurgence de la rébellion du M-23. D’après vos informations, une offensive est-elle en préparation ?
Non. Le M-23, d’abord, a reconnu sa défaite. Il a signé les accords de Kampala.

Oui, mais le chef de la Monusco dit qu’il craint une résurgence.
Il y a des éléments qui sont toujours dans la nature. J’ai été moi-même au Congo début décembre, j’ai été en particulier à Pinga dans le Nord-Kivu. Le Conseil de sécurité nous a demandé – c’était la résolution du mois de mars dernier – d’empêcher la progression des groupes armés, de les neutraliser et de les désarmer. C’est une tâche qui est en cours, avec notamment la brigade d’intervention que le Conseil de sécurité nous a autorisé à créer au printemps dernier.

Le mois dernier, des experts de l’ONU sur le Congo ont dénoncé le soutien constant du Rwanda aux rebelles du M-23. Ils ont même évoqué ces chars rwandais qui ont tiré en territoire congolais au mois d’août dernier. Est-ce que ce soutien continue ?
Il faut voir. Nous sommes dans un processus. Il y aura, fin janvier, à Addis-Abeba, en marge du Sommet de l’Union africaine, une réunion de suivi et je pense que tout ceci sera discuté.

Au Congo Kinshasa, plus de 90 % de vos quelque 20 000 Casques bleus sont déployés dans l’Est. Mais au vu du renforcement des sécessionnistes des Bakata Katanga, au sud, autour de Lubumbashi, ne faut-il pas redéployer une partie de vos troupes ?
Pour le moment, la priorité, c’est vrai, c’était les Kivu. Mais nous suivons évidemment l’ensemble de ces questions. Et s’il faut, à un stade quelconque, redéployer une partie vers le Katanga, nous le ferons, évidemment en rappelant que nous sommes en appui des forces armées congolaises.

En Côte d’Ivoire, voilà bientôt trois ans que la crise postélectorale est terminée. Les 10 000 Casques bleus de l’Onuci doivent-ils encore rester ?
Nous sommes en train de les réduire progressivement. Beaucoup a été fait en Côte d’Ivoire, y compris par le gouvernement ivoirien, pour ramener la loi et l’ordre. Il y a encore des progrès à faire, notamment pour désarmer et surtout recaser les ex-combattants. Mais avec les chiffres de croissance économique qui sont flatteurs, et avec un retour de l’ordre essentiellement, il y a à terme à imaginer qu’effectivement, le « job » aura été fait et que les Casques bleus pourront rentrer chez eux.

D’ici combien de temps ?
A l’ouverture du prochain cycle électoral, à l’automne 2015, ce pourrait être le moment pour envisager des décisions importantes. Si tout se passe bien, comme nous l’espérons tous.

rfi

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