Des joueuses de l’équipe nationale féminine de basketball des moins de 18 ans du Mali auraient été victimes d’abus sexuels de la part de leur entraîneur principal. Human right Watch (HRW) demande une ouverture d’enquête.
A l’âge de quinze (15) ans, Mariama joue déjà dans l’équipe féminine de basketball du Mali. Pour la première fois, elle sera sélectionnée dans un tournoi international de la FIBA qui se tenait à l’étranger. Mais le bonheur et le malheur ne sont jamais éloignés l’un de l’autre.
Des avances ou des menaces
Au cours de ce séjour, Mariama[i] reçoit une invitation de son entraîneur, Amadou Bamba, à lui rejoindre dans sa chambre d’hôtel. Une fois sur place, la jeune joueuse se verra forcer à avoir des relations sexuelles avec son entraineur en échange d’une place dans l’équipe.
« Quand Mariama est entrée dans sa chambre, Bamba a essayé de la forcer à avoir des relations sexuelles avec lui en lui promettant de l’argent et plus de temps de jeu sur le terrain », rapporte Human Right Watch. La jeune joueuse réussit à s’échapper en courant de la chambre.
Un début de calvaire pour Mariama qui finira par dénoncer le comportement de son entraineur au président de la Fédération malienne de basketball, Harouna Maïga. « Je suis allée voir le président de la Fédération pour lui parler de Bamba. Il a dit que je pourrais être dans l’équipe si je ne dénonçais pas Bamba. C’est comme cela que j’ai pu jouer [dans des tournois internationaux de la FIBA]. Le président a dit que tant que je ne désobéirais pas à l’entraîneur, explique Mariama, je pourrais rester dans l’équipe », rapporte HRW.
« Peur de perdre leur place dans l’équipe nationale »
Mariama ne serait pas la seule victime de ce comportement « abusif » de Bamba. « L’entraîneur Bamba entrait souvent dans les chambres des filles quand elles n’étaient pas là ou quand elles étaient seules, pour leur dire de mauvaises choses et essayer de leur faire des avances », souligne la jeune joueuse de Basketball à HRW. Oumou, une ex-joueuse de l’équipe des moins de 18 ans, entraînée par Bamba, explique avoir été punie après avoir refusé les avances sexuelles de son entraineur. « Quand j’ai refusé, il ne m’a pas laissée jouer. Il m’a mise à l’écart des matches », a-t-elle expliqué à HRW.
Ce quinquagénaire, entraineur de l’équipe nationale féminine de basketball des moins de 18 ans depuis 2016, « aurait agressé ou harcelé sexuellement au moins trois joueuses et contrarié leurs carrières quand elles ont refusé d’avoir des rapports sexuels avec lui ».
Si les victimes parlent peu de cette expérience sombre de leur carrière, c’est parce qu’elles seraient partagées entre craintes et menaces. « Bamba dit aux filles qu’il va les emprisonner et emprisonner leurs parents parce qu’il en a le pouvoir », raconte Mariama. Aïssata Tina Djibo, ex-membre de l’équipe nationale féminine de basketball et présidente d’une Association d’aide et d’accompagnement physique, ne dit pas le contraire : « Les victimes ne parlent pas parce qu’elles ont peur de perdre leur place dans l’équipe nationale ».
Un problème répandu au Mali
Selon Minky Worden, directrice des Initiatives mondiales à Human Rights Watch, « de nombreuses jeunes filles au Mali espèrent que leurs talents pour le basketball et leur assiduité à l’entraînement les aideront à réaliser leur rêve de jouer un jour pour l’équipe nationale ». Et de déplorer : « Mais pour beaucoup de joueuses au Mali, le harcèlement et les violences sexuelles ont été un aspect fréquent, destructeur et totalement inacceptable de leur expérience d’athlète ».
Une fois saisie de ses allégations d’abus sexuels commis au Mali, la Fédération internationale de basketball a directement réagi en suspendant, dans l’attente des résultats d’une enquête, les entraîneurs et les responsables qui seraient impliquées directement ou indirectement à ces abus. Quant au président de la FIBA, Hamane Niang, il a également quitté ses fonctions en attendant la fin des enquêtes. En plus de toutes ces mesures, la FIBA apporte d’autres services aux survivantes, notamment des soins médicaux, une assistance psychologique et juridique, souligne HRW.
Les autorités maliennes sont alors invitées à une enquête impartiale et crédible afin de faire toute la lumière sur ces allégations et pour mieux protéger les jeunes filles.
Au Mali, au-delà du monde sportif, la violence sexiste est un problème très répandu. Un sondage de 2018 de l’Institut national des statistiques souligne que près de la moitié des femmes et des filles maliennes âgées de 15 à 49 ans ont subi des violences sexistes.
Fousseni Togola
Source : Sahel Tribune