INFLUENCE. Les pays africains ont été au centre de toutes les attentions lors du vote de la résolution condamnant l’annexion des quatre régions ukrainiennes par la Russie.
Mercredi 12 octobre, à New York, l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) réunie en urgence a adopté – avec 143 voix pour, face à 5 pays contre et 35 qui se sont abstenus – une résolution qui condamne l’annexion de quatre régions ukrainiennes par la Russie. Fait marquant : plusieurs pays africains ont fait évoluer leur position, notamment, vis-à-vis de Moscou.
Les votes africains « dans la bonne direction »
Avec 54 pays, le continent africain est plus que bien placé pour influencer le résultat des votes à l’ONU à propos de la crise ukrainienne. Cette fois-ci, 26 pays africains ont voté en faveur de cette résolution. Quant au Mali, à la République centrafricaine, à l’Éthiopie, à la République du Congo, à l’Afrique du Sud, au Soudan, à l’Ouganda et au Zimbabwe, ils comptent au nombre des pays africains qui se sont abstenus. L’Érythrée, l’un des pays les plus fermés au monde, qui avait rejeté la résolution en mars condamnant l’invasion de l’Ukraine, s’est cette fois abstenue. « C’est un pas dans la bonne direction », a commenté Dmytro Kuleba. Le chef de la diplomatie ukrainienne a également souligné l’abstention de la Centrafrique, « un pays qui dépend militairement de la Russie » où sont déployés depuis plusieurs années des mercenaires de la société paramilitaire russe Wagner. « Le plus gros investissement de la Russie en Afrique est l’envoi de mercenaires de Wagner », a-t-il affirmé. Interrogé sur les récents propos du président kényan William Ruto, qui avait affirmé être ouvert à l’achat de pétrole russe, le chef de la diplomatie ukrainienne a affirmé que « le Kenya a voté en faveur de la résolution », avant de poursuivre que le pays « avait le droit souverain de faire ce qu’il veut ».
Sénégal, Afrique du Sud : deux cas emblématiques
Il faut dire que depuis le début de la guerre, le 24 février dernier, les pays africains sont divisés. Le vote du Sénégal – qui a voté pour la résolution – était particulièrement scruté, car le pays assure actuellement la présidence tournante de l’Union africaine. Jusqu’à tout récemment, le président Sall invoquait la diplomatie de non-alignement de son pays. Il s’est défendu dans un entretien récent, avec les médias français France 24 et RFI, d’être « complice » d’une agression russe, mais dit condamner l’invasion et reconnaître qu’il y a un agresseur.
Du côté de Pretoria, malgré les efforts diplomatiques du président américain, Joe Biden, qui a reçu à Washington, son homologue Cyril Ramaphosa en septembre dernier, l’Afrique du Sud s’est abstenue lors du vote de l’ONU sur l’annexion des territoires ukrainiens par la Russie. L’ambassadrice du pays à l’ONU, Mathu Joyini, a expliqué que l’Afrique du Sud considérait l’intégrité territoriale de l’Ukraine comme « sacro-sainte » et rejetait toute action d’un État qui violerait la charte des Nations unies. Cependant, a-t-elle ajouté, l’Afrique du Sud s’est abstenue de voter pour le texte de la résolution, car certains éléments de celui-ci ne contribuaient pas à une résolution pacifique du conflit entre la Russie et l’Ukraine.
Tournée ukrainienne en Afrique pour convaincre
« La neutralité ne fera qu’encourager la Russie à poursuivre son agression et ses activités malveillantes à travers le monde, y compris en Afrique. Moscou doit entendre votre message selon lequel cette guerre est inacceptable et doit cesser », avait prévenu, deux jours avant le vote, le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba. Le chef de la diplomatie ukrainienne était en tournée la semaine dernière et en début de semaine sur le continent africain, où il s’est rendu notamment au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Ghana et au Kenya. Dmytro Kuleba avait écourté lundi son séjour en Afrique, à la suite des frappes russes massives sur l’Ukraine. « Nous sommes dans le même bateau », a-t-il martelé lors d’une conférence de presse virtuelle organisée avec des médias africains, évoquant notamment l’impact de la guerre sur « la sécurité alimentaire mondiale ». Il a ajouté que « 830 000 tonnes de céréales ont été livrées à des pays africains » depuis juillet. L’Ukraine et la Russie comptent parmi les plus gros exportateurs mondiaux de céréales, dont les cours ont flambé après le début de la guerre. L’ouverture d’un corridor d’exportation en mer Noire a permis d’enrayer cette hausse. « J’ai été particulièrement heureux de voir que les quatre pays que j’ai visités en Afrique […] ont soutenu cette résolution », a déclaré Dmytro Kuleba.
Macky Sall plus que bienvenu à Kiev où il est attendu
L’Ukraine travaille à une visite à Kiev du président de l’Union africaine Macky Sall pour aider à renforcer la pression sur la Russie, a dit au journal sénégalais Le Quotidien le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba. Le chef de l’État sénégalais a été reçu le 3 juin en Russie par son homologue Vladimir Poutine. Il ne s’est pas rendu en Ukraine, mais a dit son intention de le faire. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est exprimé lundi devant les membres de l’UA par visioconférence. « Je suis convaincu que le président Macky Sall peut jouer un rôle important en tant que président en exercice de l’Union africaine », ajoute-t-il. L’Ukraine compte lui délivrer les informations nécessaires « pour renforcer la voix de l’Union africaine, en particulier pour demander à la Russie de mettre fin à l’agression militaire contre l’Ukraine », dit-il. Les dirigeants africains sont alarmés du contrecoup sur leurs populations de la flambée des cours des céréales et du risque de famine causés par la guerre en Ukraine et le blocus des ports ukrainiens. Le président Sall insiste aussi sur l’impact de la guerre sur les livraisons d’engrais, essentiels pour des agricultures peu productives.
Source : Le Point Afrique