Il est de commun constat que l’histoire se répète souvent. Après que le président Poutine fit ce que beaucoup pensaient révolu, l’on est en droit de craindre de vivre, qu’à Dieu ne plaise, une autre page de hautes tensions dans l’histoire contemporaine. Pas forcément l’hypothèse d’une troisième guerre mondiale, qui précipiterait le déclin de la civilisation dite moderne déjà amorcé par le réchauffement climatique, mais bien l’acte 2 de la guerre froide. Les ingrédients du Cocktail détonant sont réunis, reste l’étincelle qui couperait encore une fois, le monde en blocs.
Le président russe voulait une guerre éclaire. Les Ukrainiens ne l’entendent pas de cette oreille. Voilà comment peut-on, pour l’heure, résumer la situation de la guerre. Par le Blitzkrieg qu’il avait préparée longuement avec ses officiers, Poutine espérait rapidement prendre le contrôle de la capitale Kiev, en passant par les villes-clés comme Marioupol ou encore Kharkiev. Mais il comptait surtout sur le drapeau blanc qu’agiteraient les Ukrainiens en guise de reconnaissance de défaite. Certes, l’appareil sécuritaire de l’Ukraine a connu de très lourdes pertes, mais il semblerait que la guerre s’enlise, et que sa fin prendrait de longs mois encore. La mobilisation du président Zelensky, mais aussi de célébrités comme l’ex champion de Boxe et maire de Kiev, Vitali Klitscko, sans oublier l’élan de solidarité international envers le peuple meurtri, rendent la besogne de Poutine d’autant plus difficile.
La non abdication des Ukrainiens ainsi que la pluie de sanctions et de condamnations à travers le monde, ne faisaient visiblement pas partie des prévisions de Poutine. Cependant, l’égo de l’homme et son ambition débordante de Tsar des temps modernes, le pousseront certainement jusqu’au bout. Et dans cette histoire, l’idée est claire, soit vous êtes de son côté, soit vous êtes contre lui, à l’exception près de la Turquie et surtout de la Chine. De ce fait, dans les mois ou même années à venir, il n’est point exclut que les pays, surtout du tiers monde, choisissent plus ou moins leur camp. Comme c’est le cas, plus ou moins de la Chine, lorsqu’il s’agit de Hong-Kong ou de Taipei. Sur le terrain, même si le rapport de force penche largement en faveur des troupes russes, la résistance qui s’organise complique le plan de Poutine. D’autant plus que pour l’instant, ses troupes n’arrivent pas à rentrer de plain-pied à Kiev.
Si cet état de fait s’éternise, il est probable que l’extrême Est de l’Ukraine, plutôt russophone, reste quelque part dans le giron russe en plus de la Crimée, annexée de longue date. Pour précision, il s’agit surtout des régions sous la coupe de séparatistes pro Moscou, en plus des Etats qui auront très vite fait de tomber. L’influence russe pourrait alors très bien s’étendre jusqu’au centre, puisque les villes se vident assez considérablement de peur de représailles. En même temps, le restant du pays, dont surtout Kiev et la région ouest qui fait frontière avec des Etats où sont massés des troupes de l’Otan, resteraient ukrainienne. Une situation qui rappelle une autre, la séparation de l’Allemagne en deux entités distinctes. Dans ce cas, le mur de Berlin serait peut-être le mur d’une autre ville d’Ukraine ou même peut-être de Kiev, si toutefois, les russes parvenaient à pénétrer dans la capitale.
Ce serait alors, comme à l’époque de la guerre froide, bloc contre bloc, sauf que cette fois, la Chine, super puissance multidimensionnelle, est présente. Elle est beaucoup trop puissante pour faire partie de l’une ou de l’autre bloc. Même si, elle accorderait un brin de crédit à son allié russe tout en prenant soin de ne point afficher son approbation de la guerre de Poutine en Ukraine. Elle ne peut jouer également le rôle d’arbitre ou de médiateur puisqu’elle n’est pas tout à fait neutre.
Un autre angle d’analyse voudrait que l’Ukraine soit pour la Russie ce que Taiwan ou Hong-Kong sont pour la Chine. Chacune aurait son petit territoire qu’elle pourrait vouloir conquérir à tout moment. Si le plan de Poutine marchait et qu’il réussissait à engloutir l’Ukraine, cela donnerait-il des idées à la Chine ? Puissante comme elle est, osera-t-elle envahir Taiwan et la rendre chinoise par la force ? Il s’agit d’un scénario tout droit sorti d’un film hollywoodien, mais en même temps, très peu étaient ceux qui croyaient que la Russie allait déclarer la guerre à l’Ukraine. Si ce scénario venait à se réaliser, alors la guerre froide version 21ème siècle, prendrait une tournure inédite par rapport à la précédente. L’on aurait trois blocs, l’un occidental, et deux autres qui nagent dans les mêmes eaux mais sur deux navires différents.
Quid alors des pays du tiers monde comme le Mali ?
Cela dépendra des sensibilités des dirigeants présents dans chaque pays. Il semblerait que le Mali ait pris la direction de l’Est depuis un bon moment et qu’il ait tourné le dos à l’Occident, surtout à la France. D’ailleurs, il n’est pas rare de voir dans Bamako, les drapeaux russe et chinois se côtoyaient aux devantures de boutiques et autres échoppes.
A travers le monde, ce serait alors la mort du multilatéralisme, et le retour de l’exclusivisme dans les relations inter étatiques. Ce scénario qui, bien que loin de représenter un futur idéal, n’est pas si chaotique. Rappelons, que les choses en l’état, peuvent être pires car l’aspect catastrophe nucléaire est sur la table. Des centrales nucléaires ukrainiens sont menacés par des frappes russes, et donc le risque de proliférations de particules radioactives est réel. Sans oublier aussi, que les puissances impliquées dans le conflit sont pour la plupart doté de la puissance nucléaire militaire. USA et Russie, et aussi France et bien d’autres devraient éviter de flirter avec toute idée de confrontation qui n’arrangerait personne.
A choisir, un monde tripolaire est bien plus souhaitable qu’un monde au bord du bord d’une troisième guerre mondiale.
Ahmed M. Thiam