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Grève illimitée des magistrats : La mission de SBM sera-t-elle encore dans la balance ?

La grève illimitée des magistrats connaît depuis deux semaines des rebondissements si spectaculaires qu’il n’est pas inapproprié de parler désormais de crise de la magistrature. Tout découle en tout cas d’une crise de confiance entre les syndicats autonomes de la magistrature et l’Etat, dont les manœuvres pour se soustraire à ses engagements a rencontré l’intransigeance inédite et irrésistible de ses interlocuteurs sur ce qui est considéré comme un acquis dans leurs rangs. Les tentatives d’y trouver une issue par la conciliation se sont en effet heurtés à un durcissement jamais égalé de positions avec leurs corolaires d’incidences désastreuses sur le fonctionnement de toute la chaîne judiciaire malienne : embouteillage dans les commissariats de police, gardes-à-vue et détentions prolongées, suspensions des décisions de justice, pénurie de pièces administratives, etc. Pis encore, la dimension institutionnelle de la crise est quasiment accomplie au regard des avortements infligés aux collèges électoraux des législatives avec un risque évident d’affecter la normalité institutionnelle si la solution n’est pas trouvée à la fonctionnalité des tribunaux à laquelle le processus électoral reste assujetti. Mais force est de constater qu’aucun bout du tunnel ne se dessine pour l’heure et les regards restent rivés sur la suite que les autorités vont réserver aux dossiers de candidature réceptionnées sans les pièces administratives requises.

La mesure gouvernementale de réquisition des magistrats n’a visiblement pas donné plus de résultat que la cristallisation du lever de bouclier déjà déclenché contre le ministre des Finances, suite à sa réticence à entériner les incidences financières de l’accord conclu avec l’Etat. Car, à l’instar de Boubou Cissé, le chef du Gouvernement Soumeylou Boubèye Maïga ne s’en est pas fait que du mauvais sang chez les deux syndicats. Il a également pris sa dose de tirs croisés avec à la clé des réclamations supplémentaires de sa démission ainsi que celles du président de la Cour de la Suprême et de la ministre de la Fonction Publique. Mais devant la terreur et la trouille que sème la magistrature dans la sphère politique, le Premier ministre SBM se singularise par beaucoup plus d’entregent. Il envisage même de sévir par la sanction ultime contre tous les magistrats ayant défié le décret de réquisition que les syndicats ont déclaré illégal et passible d’attaque par-devant les juridictions appropriées. La menace ne semble guère inquiéter outre mesure les deux syndicats ni ne paraît les faire plier tant ils paraissent solidairement déterminés à croiser le fer jusqu’au bout avec le gouvernement. En définitive, les symptômes et ingrédients d’une affaire d’Etat sont désormais réunis et tout porte à croire que le président du Conseil supérieur de la magistrature va devoir sortir de sa réserve pour trancher aussi bien les revendications salariales que les réclamations additives découlant de la crispation des rapports avec le gouvernement. A peine reconduit, Soumeylou Boubèye Maïga pourrait donc se retrouver dans une situation comparable à l’aventure militaire de Kidal, lorsque ministre de la Défense il a payé son ‘objection de conscience’ au prix d’un limogeage qui s’est révélé injuste selon les conclusions d’une enquête parlementaire sur la tragédie. Question : le président IBK va-t-il assumer sa poigne ou  sera-t-il tenté de ravaler son Premier ministre au rôle de fusible pour les besoins d’une normalisation de ses rapports avec la magistrature ?  En tout cas,  à quelques nuances près, un mur de glace s’était érigé entre les deux hommes dans des circonstances similaires entrainant une longue rupture avant la décision présidentielle de recourir  à Soumeylou Boubeye Maïga pour sauver le régime du périlleux vide institutionnel qui le menaçait. Hier SBM le ministre de la Défense se trouvait dans une posture indécise et tergiversante qu’IBK avait détesté, aujourd’hui SBM le Premier ministre a adopté l’attitude tranchante qu’il avait approuvé. Ce sera peut-être  l’embarras du choix pour le président du Conseil Supérieur de la Magistrature.

A Keita

Grève illimitée des magistrats

Le langage de vérité du PM 

En visite au centre du pays, Soumeylou Boubeye Maiga s’est exprimé publiquement pour la première fois sur la grève des magistrats depuis la prise par le Gouvernement du décret de réquisition. Il a choisi de trancher le nœud gordien pour la circonstance en situant les grévistes une bonne fois pour toutes sur les limites financières d’un État en crise.

S’adressant aux grévistes, en effet, il a affirmé que « les défis auxquels le pays est confronté exigent de chacun don de soi et sacrifice ». Dans la même veine, il a fait savoir que « le droit de grève n’excluant pas l’obligation de service minimum, le décret de réquisition vise à assurer le droit constitutionnel d’assurer la continuité du service public de la justice ». Au demeurant, selon SBM, l’Etat d’urgence autorise pleinement le recours à la réquisition des magistrats à partir du moment où leur objectif était de prendre l’ensemble nationale en otage. Le Chef du Gouvernement a par ailleurs assuré que « l’Etat respectera tous ses engagements, y compris l’augmentation de 10% des salaires des magistrats ».

Dans les tous prochains jours, « l’Etat procédera à une évaluation de la réquisition faite aux magistrats », a toutefois indiqué le Premier ministre, en n’excluant pas de saisir, le cas échéant, le Conseil Supérieur de la Magistrature pour toutes les conséquences de droit qui pourraient en découler, notamment en terme de mobilité du personnel. Il a par ailleurs expliqué que l’effort national déjà consenti au profit des magistrats ne permet pas au Gouvernement dans l’immédiat d’envisager des mesures financières supplémentaires, par souci de ne pas porter atteinte à l’équilibre global sur lequel repose les finances publiques. En outre, dans le souci d’une gestion globale des rémunérations, le Gouvernement se propose de convoquer une conférence sociale entre décembre 2018 et janvier 2019 sur la question des salaires pour des solutions durables, équitables et soutenables, a-t-il conclu comme pour manifester sa bonne foi dans la gestion de cette crise qui continue de faire de victimes collatéraux.

Sauf qu’il est à craindre que d’autres couches de travailleurs étatiques entament une grève illimitée pour forcer la main de l’Etat déjà engagé dans une guerre avec tant d’inconnues. Il faut dire que le corps social n’est pas à court d’arguments pour ce faire puisqu’il évoque souvent le train de vie dépensier au sommet de l’Etat qui jure avec ses déclarations de faillite.

Amidou Keita

 

Delta Tribune

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