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Grève de l’Untm : Les 7 péchés capitaux du gouvernement

Le premier protocole d’accord entre le gouvernement et l’UNTM remonte à 2007. Et ce sont les mêmes doléances, avec quelques nouveaux points, qui ont été remises au goût sept (7) années plus tard. En somme, ce n’est pas seulement le sens de l’anticipation qui a fait défaut à l’Etat du Mali. Il y a pire.

 Bocar Moussa Diarra ministre fonction publique biographie cv

Le gouvernement a visiblement failli à la première règle d’or de la gouvernance: diriger c’est prévoir. C’est bien connu. Cette défaillance ne saurait cependant se justifier au regard de la mission que le gouvernement s’est fixé lui-même à l’occasion de la Déclaration de politique Générale du Premier Ministre et aussi, à la suite de certaines prises de positions que nous appellerons ici, péchés !

 

Acte I : Le choix

Six mois durant, la Centrale UNTM était engluée dans une querelle de leadership opposant l’actuel Secrétaire Général (Yacouba Katilé) et le sortant (Siaka Diakité). Selon toute évidence, le gouvernement n’est pas resté neutre dans ce conflit. En clair, nonobstant les décisions de justice favorables au premier (Yacouba Katilé) et déboutant le second de ses prétentions, le Gouvernement a longtemps considéré ce dernier (Siaka Diakité) comme son interlocuteur privilégié.

Pour rappel, le litige opposait le Syndicat National des Travailleurs de l’Administration d’Etat (SYNTADE), à Siaka Diakité et non moins secrétaire Général de l’UNTM. Par ordonnance de référé N°131 en date du 03 septembre 2013, le Tribunal de première Instance de la commune III a ordonné«immédiatement à Siaka Diakité, la cessation de troubles, la remise des clefs et du sceau et l’interdiction d’utiliser le nom de la SYNTADE (…) la passation de service entre Mr Siaka Diakité, secrétaire général sortant et le nouveau secrétaire général, Mr Yacouba Katilé… ». La décision était assortie du paiement d’astreinte comminatoire de 1.000.000 F CFA par jour de retard…

Nonobstant cette décision de justice, Siaka Diakité continua de faire office de Secrétaire Général et de la SYNTADE et de l’UNTM et à user des signes distinctifs des deux organes. Le premier péché du gouvernement intervint à ce niveau. L’Etat continuait à le considérer comme son interlocuteur officiel. C’est bien lui qui était, par le Gouvernement, et de la manière la plus officielle, appelé à parler et agir au nom de l’UNTM et du SYNTADE. La première frustration de l’équipe de Yacouba Katilé vient de là. Le gouvernement ne la prenait visiblement pas au sérieux et avait d’ailleurs choisi son camp. Désormais aux affaires, le vainqueur a très logiquement tendance à se faire respecter. Normal ! Mais le gouvernement continuera à faire de la résistance.

Après la passation de service entre les deux protagonistes en avril 2014, la nouvelle équipe de l’UNTM adressa plusieurs correspondances au Patronat, au premier Ministre ainsi qu’au Président de la République en personne en vue de leur présenter le nouveau bureau. Mais aucun d’eux ne se donna la peine de répondre. Pis, « les rappeurs et les autres associations de soutien ont été reçus avec grande pompe dans une atmosphère de pleine campagne électorale au niveau de la primature», a indiqué M. Katilé à la faveur de la Conférence de presse au mois de Juillet dernier.

Frustrant ! Ce, d’autant que le premier Ministre accordait une place de choix au dialogue sociale lors de sa déclaration de Politique Générale : « Nous nous emploierons à donner corps à ces orientations. Dans le cadre de la promotion du dialogue social, le Gouvernement a inscrit parmi ses priorités la mise en œuvre d’une politique active de développement social axée sur le dialogue avec tous les acteurs socioéconomiques en vue de l’instauration d’un climat social apaisé». Cette déclaration restera là.

Ou du moins, elle sera mise en œuvre ou presque, lorsque seulement l’UNTM lança son préavis de grève. C’est en effet en ce moment que le ministre du Travail, de la Fonction publique et des Relations avec les institutions, M. Bocar Moussa Diarra s’est rendu au siège des différents syndicats pour «une prise de contact».

Le gouvernement a bel et bien signé un protocole d’accord avec l’UNTM en 2011 (protocole d’accord UNTM/Gouvernement/CNPM du 02 Octobre 2011). Un protocole d’accord suppose des engagements. L’effectivité de la grève supposera donc que le Gouvernement n’a pas tenu ses promesses.

2011 – 2014 : 3 ans qu’existent donc les doléances assorties d’accord. L’on ne pourra alors dire que le Syndicat n’a pas manqué de patience.

Le silence du gouvernement a été vite interprété par la centrale syndicale, non seulement comme du mépris (M. Katilé l’a dit lors de sa conférence de presse), mais aussi, comme une tentative de dénégation. Explication !

Le premier protocole d’accord en question, on le sait, a été signé avec le gouvernent Ousmane Issoufi Maïga sous Amadou Toumani Touré 2007. A son arrivée, Modibo Sidibé reconnaîtra le bien-fondé des doléances et sollicita l’indulgence du syndicat, parce que, argumenta-t-il, il venait d’arriver et l’heure était grave. L’Etat du Mali était en effet confronté à la rébellion touarègue menée par Bahanga et autres, l’Ecole était en ébullition et le Mali, à l’instar des autres pays du monde était frappé par une crise économique d’envergure. L’UNTM répondit donc favorablement à la demande du nouveau premier Ministre et mit en veilleuse ses velléités.

Cinq années plus tard (2012), surviennent le coup d’Etat militaire puis de nouvelles élections. Et l’une des premières déclarations du président élu fut de revoir, ou même de reconsidérer tous les accords et engagements de l’Etat du Mali sur les 20 dernières années. Faisait-il allusion, au delà des engagements internationaux, au protocole d’Accord signé d’avec l’UNTM en 2007 et 2011 ? Non, de prime à bord au regard du principe de continuité de l’Etat. Mais le silence, assimilé à un «mépris» observé par le gouvernement sera vite traduit par une tentative de remise en cause de l’acquis comme promis par le président de la République. Ce sentiment sera davantage renforcé par la réaction plutôt glaciale de l’Exécutif face aux avertissements lancés par M. Katilé à la faveur du 12ème congrès de l’UNTM. De quoi effaroucher en effet!

Venons-en aux doléances à proprement parler. Figurent par elles, la « baisse des tarifs d’eau et d’électricité conformément à l’accord signé en juillet 2007». En clair, Cette doléance est antérieure au protocole d’accord de 2011 lequel n’a pas manqué de la reprendre.

A défaut d’obtenir la réduction demandée, le régime ATT a décidé de geler d’éventuelles augmentations et du coup, mettre fin aux délestages, ce, nonobstant l’insistance du Fonds Monétaire International (FMI). L’Etat a donc subventionné l’électricité à coup de dizaines de milliards pendant les dix dernières années. La stabilité sociale était à ce prix.

Mais lors de sa Déclaration de Politique Générale, le nouveau premier Ministre, Mousa Mara annonça une augmentation des tarifs en question quand bien même, il promettait une subvention de 30 milliards F CFA à la société EDM. Aussi d’annoncer une pression fiscale destinée à renflouer les caisses du trésor public. Une pression qui se traduit aujourd’hui par l’augmentation des taxes au niveau du cordon douanier et son impact sur le coût de la vie. Les deux augmentations combinées (Hydrocarbures et électricité) ont contribué à accentuer le malaise social. Et pour cause.

Le coût de la vie au Mali est fortement tributaire à celui des hydrocarbures et de l’électricité. La première n’a cessé grimper, de manière lente et subtile, depuis maintenant trois mois et conformément à la pression fiscale exercée par l’Etat.

En somme, l’augmentation du prix de ces deux produits de grande consommation impacte sur tous les autres secteurs d’activités, de celui de la vendeuse de légumes au marché de Médina-Coura en passant par le transporteur jusqu’au dentiste dans son cabinet. Les travailleurs sont évidemment les premières victimes surtout « les petits salaires » d’où, soit dit en passant, le point de la revendication relatif au relèvement du SMIG d’environ 10%.

En définitive, à défaut de ne pouvoir procéder à une augmentation de la valeur indiciaire, le gouvernement pouvait geler les augmentations dans le secteur des hydrocarbures et de l’électrice. Cette option soutenue par l’argument de la crise multiforme que traverse le pays, pouvait être de nature à contenir les tensions et rétablir la confiance. La stratégie a montré son efficacité sous le premier Ministre Modibo Sidibé.

 

Le relèvement de la valeur indiciaire constitue l’une des principales revendications de l’UNTM. Elle (valeur indiciaire) s’avère effectivement très basse au Mali : 300 contre 600 voire 1000 dans les autres pays membres de la CEDEAO.

Le point a toujours figuré dans les doléances et cahiers de charges de la Centrale Syndicale. Naturellement, faisant prévaloir l’austérité budgétaire consécutive à la crise, le gouvernement s’est, jusqu’à ce jour, abstenu de recevoir la doléance. Mais dans le contexte actuel, l’UNTM évoque les dépenses de prestiges de l’Etat pour réfuter l’argumentaire. Dans le contexte de la crise, l’Etat peut en effet réduire ses dépenses, voire supprimer celles superflues. Tel ne semble pas le cas. Et çà donne des idées aux syndicats.

Dans le communiqué rendu public par le gouvernement, l’on apprend que seulement cinq points sur les dix sept font en ce moment objet de désaccord entre les deux parties. Cinq (05) points ; mais le communiqué n’évoque que trois (03) dans les faits.

L’un de ces points est la réduction de l’impôt  sur les traitements et salaires (ITS). Toujours selon le communiqué, «une proposition d’étude du système fiscal en vue d’une réduction de l’ITS» a été faite. En clair, il n’y a ni promesse ni engagement. Seulement une proposition ! Au regard de la confiance existant entre les deux parties, l’on comprendra que le syndical n’accordera aucun crédit à cette «proposition».

En tout état de cause, en contrepartie de son refus de relever la valeur indiciaire, donc de procéder à une augmentation salariale, le gouvernement peut jouer sur le levier de la fiscalité, c’est-à-dire en baissant l’impôt sur le traitement et le salaire (ITS). La technique est très courante. Afin de parer à l’inflation et assurer un ravitaillement correct en produits de premières nécessités, l’Etat adapte sa fiscalité à la circonstance. Nous sommes de ceux-là qui estiment que les travailleurs maliens ont droit à un tel sacrifice.

 

L’un des nouveaux points inscrits à l’ordre du jour est la «restitution et la protection des parcelles d’expérimentation de l’IER». Restitution et protection ? Qu’est-il donc arrivé à ce patrimoine de l’Institut d’Economie Rurale sis à Sotuba ?

L’affaire remonte à 2006 et a connu une évolution lors de la période transitoire sous Dioncounda Traoré. Estimant avoir perdu son titre de 60 ha à N’Gouana vers Sénou et par la faute de l’Etat, les sociétés immobilières  Banga & Komé, ayant respectivement pour Pdg Hady Niangadou dit Joe Walaki et Cherif Alpha Haïdara, ont réclamé une compensation de 9 milliards F CFA à défaut des 59 ha sur le site de l’IER à Sotuba. Le gouvernement de Cheick Modio Diarra, à travers la correspondance N° 055/MLUAF-SG du 22 Octobre 2012 du ministre du Logement, de l’urbanisme et des affaires foncières et adressée au ministre de l’Agriculture, rejeta l’offre en ces termes : «la compensation des sociétés immobilières Banga et Kome sur le domaine de la recherche agronomique de Sotuba n’est plus envisagée».

L’affaire était dès lors censée classée. Mais suite au bouleversement politique survenu, Cheick Modibo Diarra céda la place à Django Cissoko et le dossier connu un rebondissement. Le nouveau P.M fit affecter les 59 ha du site de Sotuba aux sociétés Banga & Kome en compensation des 60 ha de N’Gouana. Il se trouve que le centre de recherche agronomique qu’abritent les lieux possède un écosystème presque unique en son genre et propice à cette activité (recherche). D’où l’opposition des travailleurs et l’inscription de ce point dans les doléances de l’UNTM. Et l’actuel régime ne s’est nullement empressé de remettre les choses en l’état.

Brader des terres dévolues à la recherche agronomique dans un pays à vocation agro-pastorale constitue la pire des aberrations. En clair, nul, besoin n’était pour l’UNTM d’inscrire ce point dans son cahier de charge. L’Etat pouvait anticiper et le devrait.

En conclusion, le gouvernement avait véritablement les moyens d’éviter ce mouvement de grève dont nul n’a besoin. Mais manquant cruellement de sens de l’anticipation et adoptant un profil à la limite désinvolte à l’égard de son partenaire social, il a contribué à effaroucher ce dernier. Il importe désormais de rétablir la confiance rompue. Pour tout dire, la question se résume en deux trois mots : déficit de confiance.

B.S. Diarra

SOURCE: La Sentinelle  du   22 août 2014.
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