Nous sommes le lundi 30 mai 2016 au siège de l’Association Professionnelle des Banques et Etablissement Financiers (Apbef), sis à Sébénicoro, en présence de plusieurs directeurs de banques et établissements de la place. M. Moussa Alassane Diallo, Président de ladite association et non moins PDG de la Bnda, animait la conférence de presse de lancement des journées 2016 des Banques et Etablissements Financiers.
C’est bien le titre par lequel il a été introduit par le doyen Sacko. Quelques journalistes présents comme nous dans la salle ont été étonnés de découvrir que la Bnda reste la seule banque où il y a encore un PDG alors que depuis février 2015, le Ministre de l’Economie et des Finances a instruit à toutes les banques de réunir ses instances en vue d’une mise en conformité avec la circulaire n°005-2011 CB/C relative à la gouvernance des établissements de crédit dans l’espace Uemoa. En substance, la circulaire indique que les fonctions de PDG devraient être supprimées et les prérogatives réparties entre un Président du Conseil d’administration et un Directeur Général.
Nous avons cherché à savoir le pourquoi du comment de cette exception de la Bnda. La première idée qui nous était venue en tête comme piste de réflexion était l’impact de l’influence et de l’entregent de son très dynamique PDG qui pourrait être dans une logique toute humaine de résistance au changement. Il n’en est rien en fait.
Le blocage du processus serait dû à un atermoiement des actionnaires étrangers de la Bnda, plus particulièrement des actionnaires français qui rechignent à valider le schéma de gouvernance proposé par le Ministère des Finances ; un schéma pourtant inspiré des modèles BDM-SA et BMS après fusion.
En effet, le Groupe bancaire privé français, Bpce, entré en 2011 dans le capital de la Bnda en remplacement de la Bceao et qui détient présentement 19,4% des actions, ne veut ni plus ni moins qu’une position de calife à la place du calife. Il veut prendre le contrôle de la banque agricole. Avant toute modification de textes sur la gouvernance, la Bpce entendrait disposer de plus de 50% des actions de la Bnda, seuil pouvant lui permettre de contrôler l’organisation (direction générale et postes névralgiques) et la stratégie de distribution des crédits. Ce groupe bancaire bénéficierait de la complicité, sinon la duplicité de l’Agence française de développement qui serait en train de pousser dans l’ombre pour obliger l’Etat malien à renoncer à ses droits légitimes; ce qui lui donnerait la voie libre pour paver la route de la Bpce en lui vendant librement ses actions. Démarche lésionnaire et singulièrement abusive pour un partenaire historique du Mali et de la Bnda qui a porté cette banque sur les fonts baptismaux, l’a jusque-là assistée dans son développement pour en faire la seule et véritable banque agricole de l’Afrique, et qui veut maintenant profiter de la position de faiblesse du Mali actuel vis-à-vis de la France pour s’en approprier. Selon nos sources, le harcèlement des Français pour parvenir à leur fin aurait commencé depuis 2011. ATT et ses différents ministres des Finances auraient longtemps résisté à la pression tout comme ils ont résisté face à Sarkozy qui avait usé de tous les moyens pour «obliger» le Mali à signer les fameux accords de partenariat économique (APE).
Mamadou Igor Diarra, ancien Ministre de l’Economie et des Finances d’IBK, ayant une parfaite connaissance des enjeux depuis qu’il était Ministre sous ATT, aurait, à plusieurs occasions, signifié un cinglant niet à l’AFD et la Bpce. Qu’en sera-t-il de son successeur ? Va-t-il contribuer à privatiser un instrument important de la politique de développement du Mali ? Si non, va-t-il accepter qu’une importante réforme telle que la nouvelle gouvernance des banques qui, du reste, a été appliquée à toutes les autres banques du Mali soit prise en otage par des actionnaires aux vocations plus mercantilistes que développeuses ? Nous pensons que le fait pour la toute puissante France d’avoir sauvé le Mali du péril djihadiste n’autorise pas un bradage, en sa faveur, des fleurons de notre économie.
Abdoulaye KONATE
Source : Le Prétoire