Comme le témoigne ce slogan de l’époque de la révolution de mars 1991 : «An bè saa inofè» (nous mourrons pour toi), le président ATT a cristallisé les espoirs de beaucoup de Maliens de 1991 à 2002. Quatre ans après son retour, on constate que le président ATT fait les frais d’une politique basée sur la fuite en avant de : se servir de l’Etat sans en être responsable. Toute chose qui révèle son manque d’emprise sur les réalités quotidiennes du malien, et son manque d’envergure et de compétence pour faire face à ce que l’on pouvait appeler en 2002 les douze (12) travaux d’ATT : l’éducation, la santé, le chômage, la corruption, l’insécurité, l’injustice, la pauvreté, la réforme administrative et institutionnelle, l’investissement et l’impunité, l’insécurité alimentaire et la diplomatie. Autant de chantiers ou de maux auxquels ATT devrait apporter des remèdes appropriés.
Si son arrivée au pouvoir était supposée restaurer l’image négative de l’homme politique malien par la rigueur dans le choix des hommes et la transparence dans la gestion, force est aujourd’hui de constater qu’elle a favorisé l’émergence de politiciens affairistes, corrompus et opportunistes et dévoilé certains traits de caractères chez ATT qui étaient jusque là inconnus, insoupçonnés : le complexe d’infériorité, l’irresponsabilité, l’infidélité dans ses relations et l’absence d’envergure d’homme d’Etat.
Certains officiers des forces armées et de sécurité et hommes politiques, peu soucieux du devenir du Mali, ont sacrifié l’espoir de tout un peuple sur l’autel des ambitions personnelles.
En choisissant mal «ses hommes de troupe» et ses lieutenants, le général ATT s’est trompé royalement de bataille, laissant du coup le pays sombrer dans la corruption, l’affairisme et l’impunité. Les discours d’ATT et ceux de ses laudateurs n’ont plus d’emprise sur l’option publique dont l’ampleur de la désillusion est telle que des évaluations trimestrielles folkloriques de l’action gouvernementale ne sauraient effacer : le peuple a besoin du concret.
Le choix des hommes d’ATT
A travers une étude du choix des hommes par ATT, il est loisible de constater qu’il avait moins d’ambitions pour le Mali, ou qu’il n’avait pas conscience de l’importance de la haute mission qui lui était dévolue. Pour preuve, le choix des membres du gouvernement et des hauts cadres civils et militaires.
Souffrant d’un complexe d’infériorité par rapport aux collaborateurs du général Moussa Traoré, ATT a nommé au poste de Premier ministre, à la grande surprise des observateurs de la scène politique malienne, Mohamed Ag Hamani, qui fut à l’époque de la dictature militaire un brillant et jeune ministre. Il était perçu par le jeune capitaine ATT comme un «super homme» qui, avec un coup de baguette magique, allait apporter les solutions aux différents problèmes du peuple malien.
Mais hélas ! ATT avait oublié que son super homme était dépassé, car resté longtemps coupé de la réalité sociopolitique malienne. Idem pour Diango Sissoko dont la conception du pouvoir (centralisateur) constituait un frein au processus de décentralisation en cours.
A ce complexe d’infériorité, il convient d’ajouter le régionalisme, qui explique le choix de certains responsables comme Ibrahim Bocar Bah et Abdoulaye Garba Tapo du parti RND, Oumar Hamadoun Dicko du parti PSP. Comment expliquer la nomination d’Ibrahim Bocar Bah, qui fut l’un des principaux responsables qui ont mis la BDM, comme Ambassadeur auprès de l’Union européenne dont le Mali est le deuxième bénéficiaire de l’aide en Afrique subsaharienne ?
Par ailleurs, le choix d’autres responsables s’explique moins par leur compétence que par calcul d’intérêt électoral. C’étaient les cas du colonel Samballa Illo Diallo, directeur général de la gendarmerie, issu de la grande famille Diallo qui détient la chefferie à Diamou dans la région de Kayes, et de Djibrill Tangara, dont le père est très versé dans les sciences occultes, a été d’un grand apport pour le retour du général ATT au pouvoir, sa présence dans le gouvernement avait pour but de faire allégeance à l’électorat de Sikasso.
Au-delà de ces nominations qui s’expliquent soit par le complexe d’infériorité, soit par le régionalisme et le calcul d’intérêt électoral, il y a aussi des choix qui sont un moyen pour le général de remercier certains de ses bienfaiteurs. Sinon comment expliquer la présence à la présidence du jeune Macalou sans expérience comme conseiller, si ce n’est pour remercier le père Macalou pour le service qu’il lui a rendu ?
Quant aux jeunes conseillers, qui sont à leur première expérience professionnelle à Koulouba, leur choix vient surtout récompenser leur militantisme au sein du mouvement citoyen. C’est le cas de Doura Maïga, de Seydou Sissouma, conseiller en communication et Souleymane Koné (diplomate), initiateurs de l’Appel de Dakar.
A ceux-ci il faut ajouter certains dont la personnalité de leur père exerce une influence sur ATT. Il s’agit du fils de feu Tiéoulé Mamadou Konaté et de la fille du général Amadou Baba Diarra. Ces choix sont légers par rapport à la fonction de conseiller à la présidence de la République prouvent que le ATT n’avait pas conscience de l’importance de sa fonction.
Dans le même ordre d’idée, des nominations non moins importantes sont l’œuvre de Mme Touré Lobbo Traoré, dont l’implication n’est pas étrangère à la nomination de son amie Mme Bah Awa Keïta, ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Cette dernière est aujourd’hui empêtrée dans des malversations financières portant sur plusieurs milliards de FCFA.
Le président Amadou Toumani Touré a, par son implication dans les plus petites nominations au niveau de la gendarmerie, de la police ou de la douane, et par sa présence dans les inaugurations de certains évènements mineurs contribué à ternir son image et à banaliser la fonction de président. D’où cette remarque de certains diplomates accrédités au Mali qui trouvent que pouvoir ATT manquait de cohérence et de sérieux.
Les gouvernements successifs ATT ont tous été remplis d’amis, d’alliés alimentaires, de compromis et de cadres opportunistes ayant des compétences douteuses et dépourvus d’envergure et de personnalité pour relever les défis auxquels le pays est confronté.
Comment devient-on responsables au Mali ?
On ne devient pas responsable au Mali parce que l’on a le mérite. Pas forcément ! La plupart du temps, il faut prouver une grande proximité avec les centres du pouvoir, ou une grande proximité avec les centres du pouvoir, ou une grande capacité de nuisance pour se voir confier des postes dits juteux dans un pays de pauvreté extrême.
Souvent, il suffit d’appartenir à certaines familles pour ne jamais se soucier de quoi que ce soit pour profiter des ressources et des services de la République. Il vous reviendra alors de choisir ce que vous voulez faire du Mali et non ce que le Mali fera de vous. Le système de promotion sociale, politique et professionnelle est tellement falsifié et truqué que finalement personne n’y croit réellement. Ceux qui en jouissent sont généralement portés à avoir le porte-monnaie large pour s’assurer une certaine longévité.
«Au lieu d’être une République d’égalité, le Mali est bel et bien une entreprise privée ou ceux qui ne sont rien et qui n’ont rien ne peuvent pas dépasser le banc des écoles et le portail des services et entreprises publics».
Y . C.