Après l’émotion des premières heures, la commune de Louchats s’est drapée dans le silence. Dans ce village de 700 habitants, tout le monde connaît plus ou moins la famille au cœur de ce fait divers sordide. Au bar, où l’on parle beaucoup de l’affaire mais à mots feutrés, certains font part de leur stupéfaction. «C’est l’incompréhension, glisse une habitantequi a du mal à trouver ses mots. Tout le monde les aime bien ici.» Difficile d’imaginer pour les voisins que dans ce pavillon propret, à l’extérieur du village, cinq bébés ont été retrouvés morts.

Tout commence jeudi matin lorsque le père découvre au domicile familial un nourrisson décédé dans un sac plastique. Il donne l’alerte au maire du village. Sur place, les pompiers constatent la mort du dernier bébé, dont l’épouse de 35 ans a reconnu qu’il était bien le sien.

Selon le procureur de la République adjoint de Bordeaux, Anne Kayanakis, les premiers éléments de l’autopsie de ce corps indiquent que l’accouchement aurait eu lieu mardi soir. L’enfant était viable (donc en état de vivre) mais «les investigations devront démontrer s’il a réellement vécu après l’accouchement», une nuance qui aura des conséquences sur la qualification des faits reprochés.

Lors des perquisitions au domicile, jeudi, la gendarmerie découvre ensuite quatre autres cadavres de bébés, cette fois dans le congélateur de la maison. Aux enquêteurs, le père aurait manifesté sa surprise et confié ne pas être au courant de ces naissances. Il a néanmoins été placé en garde à vue, prolongée vendredi matin pour une durée de vingt-quatre heures, afin de déterminer s’il a pu être impliqué dans cette affaire. De son côté, la mère a d’abord été placée en garde à vue puis transférée dans un service de soins psychiatriques à l’hôpital Charles Perrens de Bordeaux, en raison de son état. Des autopsies vont être pratiquées ce samedi sur les corps des quatre autres nourrissons découverts afin de préciser la date et les circonstances de leur naissance, ainsi que leur filiation. «C’est une enquête particulièrement lourde et délicate, reconnaît Anne Kayanakis. Un juge d’instruction va être saisi et des confrontations et auditions de membres de l’entourage auront sans doute lieu.»

La famille «n’est pas connue des services judiciaires» et sociaux

Selon la représentante du parquet, la famille (les époux ont par ailleurs deux filles de 13 et 15 ans) «n’est pas connue des services judiciaires» et sociaux. Philippe Carreyre, le maire (PS) du village, parle de «gens travailleurs, sans histoires, qui connaissent du monde, payent la cantine… Ils ont toujours vécu dans le coin, nous sommes abasourdis». Selon les dires de certains habitants, personne ne semblait avoir remarqué les grossesses de la mère de famille de 35 ans, une jeune femme «menue», salariée dans une société de la région. Le père, ouvrier agricole de 40 ans, semble apprécié. À deux pas de la maison où de nombreux scellés ont été placés, on parle de «bons voisins». Un homme âgé se dit «choqué»: «Que tout cela passe inaperçu cinq fois, c’est quand même incroyable.»

Source: lefigaro.fr