À l’orée du lancement du « grand débat national », prévu à partir du 15 janvier et censé calmer la crise des Gilets jaunes, le flou demeure sur les modalités de son organisation et les conséquences possibles sur la politique du gouvernement.
Le « grand débat national », dont le coup d’envoi sera donné le 15 janvier par le président Emmanuel Macron, est censé répondre à la crise des Gilets jaunes, mouvement social sans leader et émaillé de violences qui perturbe le pays depuis la mi-novembre.
Mais à quelques jours de son lancement, des interrogations demeurent sur son organisation, les thèmes débattus, le niveau de participation et ses chances de mettre fin au mouvement de protestation.
D’autant plus que ce débat semble accueilli avec scepticisme par les manifestants, qui redoutent une manœuvre du gouvernement, et que l’ancienne ministre Chantal Jouanno, son organisatrice, a annoncé son départ mardi soir après une vive polémique sur sa rémunération. Son départ oblige l’exécutif à imaginer d’urgence une nouvelle organisation.
Pourquoi un grand débat ?
Promise par Emmanuel Macron le 27 novembre, quelques jours après des violences sans précédent à Paris, la « grande concertation de terrain » doit permettre d’accompagner les Français dans la « transition écologique et sociale » et déboucher sur des « traductions concrètes ». L’Élysée mise sur cet exercice pour éteindre l’incendie allumé à l’automne notamment par la hausse de la taxe carbone – abandonnée depuis – et reprendre la main avant les élections européennes du 26 mai.
Mais pour l’heure, la forme que pourraient prendre ces « traductions concrètes » reste imprécise et la marge de manœuvre de l’exécutif, qui a déjà annoncé le 10 décembre une série de mesures en faveur du pouvoir d’achat – chiffrées à 10 milliards d’euros –, s’annonce étroite.
Prudent, le gouvernement s’est jusqu’à présent uniquement engagé à « rendre plus simples, plus efficaces et plus solidaires » les dispositifs d’accompagnement de la transition écologique à l’issue du débat et à « accentuer la différenciation des réponses en fonction des territoires ». L’exécutif a également promis de « transformer l’organisation de l’État pour le rendre plus agile et plus proche des citoyens » et à « adapter les modalités du débat démocratique aux attentes des citoyens qui souhaitent être plus directement associés ».
Seule certitude, les conclusions du débat devraient nourrir la réforme constitutionnelle, dont la reprise de l’examen prévue en janvier à l’Assemblée a été décalée afin de « tenir compte des éventuelles modifications qui seront souhaitées par les Français » à l’occasion du débat.
Comment sera-t-il organisé ?
L’organisation a été confiée la Commission nationale du débat public (CNDP) qui mettra en ligne le 15 janvier une plate-forme numérique dédiée qui fournira notamment un « kit de méthodologie ». Un « comité des garants », réunissant des personnalités d’horizon divers, va être quant à lui chargé de superviser le bon déroulement de la concertation.
Une enveloppe de quatre millions d’euros a été débloquée pour ce débat auquel les membres du gouvernement seront libres de prendre part ou non. Les secrétaires d’État Mounir Mahjoubi, Gabriel Attal, Brune Poirson et Marlène Schiappa ont d’ores et déjà dit leur intention d’en être.
Les députés de la majorité, dont une cinquantaine ont fait l’objet de menaces, d’insultes voire de dégradations de leur permanence ou de leur domicile depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, sont aussi mis à contribution.
Le flou entourant la remontée et le compte rendu des débats pourrait être levé dans la lettre qu’Emmanuel Macron compte adresser à la mi-janvier aux Français, et qui sera diffusée via la presse et les réseaux sociaux.
Quels thèmes ?
Quatre thématiques ont été retenues par le gouvernement : transition écologique, fiscalité, organisation de l’État et démocratie et citoyenneté.
Selon un sondage Ifop pour le Journal du dimanche, 77 % des Français sont favorables au rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) modifié en début de quinquennat. Ils sont 82 % à se dire favorables à la réduction d’un tiers du nombre de parlementaires, comme le souhaite l’exécutif, et 80 % à vouloir la prise en compte du vote blanc.
Attendue pour les prochains jours, la synthèse des « cahiers de doléances » mise en place dans quelque 5 000 communes par l’association des maires ruraux de France devrait donner un premier aperçu des thèmes jugés prioritaires par les Français.
Le débat va-t-il déboucher sur un référendum ?
L’idée d’un référendum à choix multiples fait son chemin dans les rangs de la majorité et du gouvernement, qui y voient une manière de répondre aux revendications des manifestants sans perdre la main.
Il est préféré à un référendum à question unique qui risquerait de se transformer en vote plébiscite ou sanction de l’exécutif, alors que nombre de Gilets jaunes réclament un référendum d’initiative citoyenne (RIC) plébiscité par 80 % des Français, selon un sondage Ifop pour le JDD.
Parmi les questions qui pourraient être posées figurent celles sur la réduction du nombre de parlementaires, l’introduction d’une dose de proportionnelle et le vote blanc.
Reuters