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Gestion de la crise malienne : La Minusma au cœur d’une cacophonie nationale

A quelques encablures du réexamen de son mandat par le Conseil de sécurité, la Minusma s’attire les projecteurs sur fond d’incertitudes et de dilemme cornélien. La mission multidimensionnelle aunisienne de stabilisation du Mali saura-t-elle en effet résister à la bourrasque des présomptions d’inutilité ainsi que des perceptions négatives entretenues sur son bilan ? Cette question sempiternelle revient en boucle d’années en années depuis dix ans et l’année 2023 n’est manifestement pas en train de faire exception, en dépit des assurances de réceptivité récemment données par les autorités maliennes de transition en contrepoint des reproches qu’elles ont constamment formulés contre les rapports des Nations-Unies.

Le relent de convivialité en demi-teinte que leur posture dégage est corroborée, selon toute évidence, par la résonance des mêmes griefs chez certaines composantes de la société civile apparemment porteuses d’une discrète hostilité des officiels à la mission onusienne. En tout cas, aucun alibi n’a été avancé pour déjouer les manifestations populaires de rejet de la Minusma dans une capitale malienne où le motif d’insécurité est souvent évoqué pour étouffer le moindre souffle contraire à la direction officielle. Comme lors des vagues suscitées par l’épisode d’une certaine Aminata Dicko, le grand boulevard anti-Minusma a été largement déblayé pour accueillir le mouvement Yerewolo Ton et lui permettre le dérouler sa salve de dénonciations et de slogans dégagistes. Ses appels au départ de la mission onusienne reposent ainsi sur une pléiade d’arguments plus ou moins solides : absence de résultat dans la lutte contre l’insécurité, collusions supposées avec la France et les mouvements armés autonomistes, présomptions de déstabilisation du Mali par des actions subversives, fragilisation des autorités de la transition par des accusations de violation des droits de l’homme, etc. Autant de récriminations qui ne sont pour certaines qu’une copie conforme de celles que chaque rapport d’experts onusiens ou du secrétaire général de l’ONU inspire aux autorités maliennes, depuis l’épisode de Mourra.

Seulement voilà : la fronde anti-Minusma, quoiqu’adoubée d’une caution à peine voilée des hautes autorités, ne soulève pas les foules avec les mêmes ardeurs et enthousiasme à travers le pays. La vague perd en intensité à mesure que le curseur sur la mission onusienne est déplacé de la capitale malienne vers les zones les moins dépendantes du pouvoir central, tant en influence politique qu’en couverture des besoins sociaux. C’est ainsi qu’à l’agressivité des mouvements associatifs acquis à Bamako, ceux de l’intérieur ont répliqué par une posture plus nuancée et mesurée, en démontrant qu’une approche utilitariste de la question n’est pas forcément dissociable d’un attachement à la patrie. De Menaka à Taoudenit, en passant par Gao et Menaka, les sociétés civiles et bénéficiaires des œuvres de la Minusma se sont levés comme un seul homme pour démentir et faire échec aux tendances réductrices de la présence onusienne auprès des populations. À la différence de ses détracteurs de la capitale, ils lui témoignent une reconnaissance pour les emplois créés, les adductions d’eau installées, les services administratifs ou d’établissements sanitaires et scolaires équipés, ainsi que pour d’autres missions sociales comme le transport de personnes et de marchandises, etc. Autant de services sociaux pour l’accomplissement desquels leurs bénéficiaires des zones laissées pour compte semblent peu disposés à échanger la Minusma contre une hypothétique alternative étatique. Le récent épisode des ONGs françaises est vraisemblablement passé par-là car le vide créé par leur départ n’a jamais été comblé que par des assurances mirifiques.

Quoi qu’il en soit, la fronde anti-Minusma, même si ses ficelles étaient discrètement tirées par les officiels maliens, ne peut surfer sur les vagues d’une symphonie à l’échelle nationale pour justifier d’un départ définitif de la mission, tant sur la question le pays est divisé jusqu’à la crainte d’une fracture (entre le Nord et le Sud) récupérable par les tendances autonomistes jusqu’ici muettes dans le débat. En attendant, l’épisode aura significativement nuancé l’étendue de la sympathie populaire sur laquelle repose la légitimité de la Transition.

 

A KEÏTA

Le Témoin

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