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Gargotes : L’hygiène reléguée au second plan

Certaines tenancières ne se préoccupent guère des conditions d’hygiène dans lesquelles elles opèrent. Et leurs clients ne semblent pas s’en plaindre

 

Manger en dehors de la maison fait partie des habitudes bien ancrées chez les Maliens notamment à Bamako. Nombreux sont ceux qui aujourd’hui prennent leur petit déjeuner et déjeuner chez les vendeuses de nourriture appelées «gargotières», installées au bord des routes. Ils sont légion ceux qui mangent dans ces conditions à cause de leurs occupations professionnelles.

Les conditions d’hygiène dans lesquelles sont souvent servis ces repas laissent à désirer. Les grandes bassines qui contiennent les aliments sont parfois disposées sur un simple étal à l’air libre ou sous un petit hangar dans les rues poussiéreuses et parfois inondées d’eaux usées. Cet environnement contraste avec les règles d’hygiène requises.

Mais pour ces braves dames qui se lèvent dès l’aube pour cuisiner et parcourir des kilomètres pour rejoindre leur lieux de vente, c’est la précarité qui caractérise leurs activités qui ne leur permet pas d’investir dans un cadre formel et assaini. La plupart d’entre elles sont issues de milieux pauvres. Elles démarrent presque toutes avec un petit budget.

Cependant, même si par la suite, l’activité devient rentable grâce à l’afflux de la clientèle en majorité au pouvoir d’achat faible, elles rechignent à améliorer leur cadre de travail. Ceci s’explique, selon elles, par les charges familiales exorbitantes couvertes par les recettes journalières. Ce qui ne leur permet pas d’épargner pour investir.

Pourtant, la vente des aliments aux abords de la voie publique est bien règlementée dans notre pays. Elle fait référence à l’arrêté interministériel du 10 août 2018, fixant les modalités d’application du décret n°2017-0325/PRM du 11 avril 2017, régissant l’hygiène de la restauration collective en République du Mali. Une batterie de mesures est mise en place à cet effet.

Elles disposent que nul ne peut mettre en vente des repas et aliments sur la voie publique, sans être au préalable muni d’une autorisation du maire après avis technique des services d’hygiène. Toute personne qui désire obtenir cette autorisation, doit adresser à l’autorité compétente une demande manuscrite timbrée indiquant, notamment l’emplacement qu’elle désire occuper, la nature des aliments qu’elle se propose de vendre et le mode d’étalage qu’elle compte installer.

Les établissements de restauration collective et les points de vente des aliments opérant dans la rue doivent être conçus de manière à permettre une protection efficace des denrées alimentaires contre le soleil et les intempéries ainsi que les poussières, les rongeurs, les mouches et autres insectes.

Il est interdit de mener les activités de restauration collective dans les locaux insalubres, mal aérés, non éclairés et ne disposant pas de dispositifs appropriés de lavage des mains et de gestion des déchets. Les lieux de manipulation des denrées alimentaires doivent être obligatoirement maintenus en parfait état de propreté. Les personnes qui enfreignent à ces mesures s’exposent à des sanctions allant d’une peine d’amende de 300 à 18.000 Fcfa, facultativement d’un emprisonnement d’un à dix jours.

Au regard du profil de toutes ces femmes (sans éducation et ne cherchant que leur pitance journalière) qui vivent de cette activité informelle, ces mesures sont une prêche dans le désert. C’est le cas de Maïmouna Diallo.

La cinquantaine révolue, entourée de ses deux filles âgées de 12 et 15 ans qui lui servent de main-d’œuvre, elle occupe un espace entre le mur de clôture d’une école privée et le caniveau qui longe une voie publique depuis une dizaine d’années maintenant. Sur son étal, on retrouve des récipients à découvert contenant du riz, deux à trois variétés de sauces, une tasse contenant de la viande hachée cuite à moitié couverte et un sac en plastique contenant du pain pour faire des sandwiches.

Autour d’elle, on assiste à un attroupement de jeunes scolaires (filles et garçons) et quelques badauds venus chercher leur plat de riz à la sauce. Le service est assuré par ses deux assistantes pendant qu’elle se charge de récupérer l’argent de la vente.

Tout cela se passe en plein air, sous une tente qui les protège à peine du soleil dans une nuée de poussière soulevée par le passage des voitures sur la voie. Dame Diallo affirme que le promoteur de l’école l’a autorisé à occuper cet espace. Depuis qu’elle exerce ici, elle n’a jamais été inquiétée par qui que ce soit, nous dit-elle.

À la question de savoir si elle est au courant de l’existence de mesures administratives et d’hygiène à respecter pour exercer une telle activité, elle répond par la négative. «Je n’ai jamais connu le chemin de l’école», ironise-t-elle. Ne sachant ni écrire, ni lire, Maïmouna Diallo explique qu’elle ne se serait jamais encombrée par ces démarches qu’elle juge d’ailleurs farfelues.

Car, selon elle, personne ne lui a jamais fait un reproche sur la qualité de ses repas, ni des conditions d’hygiène. Pourquoi après 10 ans passés ici, tu ne cherches pas un autre lieu de vente propre et mieux protégé contre la poussière ? Notre gargotière répond que c’est au bord des voies publiques qu’il y a plus de clients.

Pour Adiara Coulibaly, vendeuse de riz, il est difficile d’avoir un bon emplacement propice à la vente de nourriture. Selon elle, les abords des routes sont fréquentés et c’est là qu’il y a beaucoup de clients. Mme Coulibaly reconnaît que vendre de la nourriture dans la rue peut exposer les consommateurs à des maladies. «Avant de m’installer, je me suis rassurée de la propreté de l’endroit et je fais tout pour tenir mes ustensiles de vente très propres pour attirer la clientèle», jure Aïssata Kouyaté, avant de se convaincre que la propreté du lieu, des ustensiles et de la personne qui vend est très importante dans la vente des aliments ou de repas.

Oumar Sidibé est un habitué des repas de rue. Il déplore le manque d’hygiène qu’il a constaté chez la plupart de ces vendeuses. Mais, les circonstances ne lui laissent pas le choix, car il n’a pas le temps d’aller manger chez lui à la pause. Il ne peut, non plus s’offrir le luxe d’aller dans un restaurant formel à cause de son faible pouvoir d’achat.

Cet avis est partagé par beaucoup d’autres clients de ces coins informels de vente de nourriture que nous avons interrogé. Malgré ces contraintes, les gargotes ont de beaux jours devant elles dans notre capitale, en défiant toute les règles d’hygiène et de santé publique. À en croire certains abonnés, bon nombre d’entre elles ne se lavent pas les mains au savon après les toilettes, manipulent de l’argent et exposent le repas à la poussière.

Conscientes des risques qu’elles encourent, certaines personnes préfèrent s’abstenir. «J’ai arrêté de manger chez les vendeuses d’aliments dans les rues depuis des années, car, je trouve que ces repas ne sont pas bien entretenus et peuvent être source de maladies. Je préfère passer la journée sans manger que d’acheter des maladies», dénonce Camara, enseignant.

Toutefois, certaines vendeuses sont conscientes des risques et tentent de protéger leurs marchandises. Elles ont généralement une caisse en verre où elles mettent la marchandise à l’abri des mouches et de la poussière. «Bien protéger la nourriture, attire la clientèle», confie Mme Diarra Alimatou Diarra, vendeuse de sandwiches.

Anne-Marie KEITA

Source : L’ESSOR

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