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Francophonie : «Le combat contre le terrorisme est aussi le nôtre»

La secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie, Michaëlle Jean, souligne que beaucoup d’Etats membres sont des victimes directes du terrorisme.

Élue en novembre secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), la Canadienne d’origine haïtienne Michaëlle Jean, 57 ans, a placé la Journée internationale de la francophonie, aujourd’hui, sous le signe du climat.

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A quoi sert aujourd’hui la francophonie ?
 

Michaëlle Jean, secrétaire générale de la francophonie : C’est une question à laquelle il est urgent de répondre car je vois un grand déficit de compréhension à ce sujet.

La francophonie c’est un espace très divers, réparti sur les cinq continents, avec une langue en partage. Nous rassemblons 80 pays, soit plus du tiers des pays représentés à l’ONU. Ce n’est pas banal. C’est un levier extraordinaire pour se rencontrer et pour agir ensemble. Lors du dernier sommet de la francophonie à Dakar, fin 2014, il a été décidé de développer les relations commerciales entre nous. Nous sommes aussi attentifs à la démocratie et aux Droits de l’Homme. C’est pourquoi nous serons présents dans la vingtaine de pays où auront lieu cette année des élections générales pour accompagner le processus électoral auprès de la société civile.

Quelle a été votre réaction en apprenant l’attaque terroriste contre la Tunisie, ce pays francophone du Maghreb ?
Horreur et consternation sont les deux mots qui me sont venus à l’annonce de l’attentat. Nous sommes tous concernés par ce qui s’est passé en Tunisie : hier au Canada, en France ou au Danemark ! L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) compte parmi ses membres beaucoup d’Etats victimes directes du terrorisme comme le Niger, le Cameroun, le Mali. Le combat contre le terrorisme est aussi celui de la communauté francophone. Rien n’est plus dangereux que la police des idées, la terreur des armes et la corruption des esprits. Or le terrorisme vise la totale emprise sur nos esprits, le règne de la terreur et le contrôle de nos pensées et de nos actes. A Tunis, les terroristes souhaitaient clairement porter atteinte à la démocratie tunisienne, alors qu’elle sort justement victorieuse d’élections libres et transparentes.

Quel rôle peut jouer la francophonie dans la lutte contre le terrorisme ?
Il y a au sein de la francophonie des actions militaires concertées : c’est le cas dans la lutte contre Boko Haram, mais aussi dans beaucoup d’autres endroits. Au sommet de Dakar, nous avons pris une résolution formelle disant que tous les pays de la francophonie se ralliaient contre le terrorisme. Il n’y a pas que l’option militaire : il s’agit d’utiliser au mieux ces armes de construction massive qui s’appellent sensibilisation, médiation, accompagnement des ONG qui luttent contre l’embrigadement des jeunes. L’Organisation de la francophonie joue également un rôle très actif dans l’action diplomatique. Enfin, nous voulons être un acteur essentiel dans le développement : c’est capital pour donner un projet à des jeunes et leur éviter d’être embrigadés par des organisations qui savent très bien les manipuler. L’ONU et l’OIF ont des accords de partenariat que nous voulons renforcer. Nous avons des réseaux de policiers francophones, de juristes francophones, de médiateurs francophones. Beaucoup de pays francophones frappés par le terrorisme nous demandent de les aider pour le recrutement sur les missions de maintien de la paix, de résolution de crise. Nous fournissons de experts en République centrafricaine et de la commission Vérité Réconciliation. Enfin, nous faisons en sorte qu’il y ait des contingents francophones dans les missions Minusma Mali), Minusca (Centrafrique), Minustah (Haïti).

Dans quel but avez-vous placé cette année la journée internationale de la francophonie, ce vendredi, sous le signe du climat ?
Le fait d’être présents sur les cinq continents avec des pays à tous les niveaux de développement nous donne la capacité de témoigner sur tous les enjeux du changement climatique. J’ai rencontré le président Hollande et Laurent Fabius. Nous voulons nous assurer que les pays francophones arrivent en force à ce sommet et qu’ils aient, en tant que tel, la capacité de participer aux débats et aux décisions. Nous pouvons nous appuyer sur l’Institut francophone du développement durable qui a été notamment pionnier sur les questions énergétiques. Nous venons de lancer une campagne sur le thème «J’ai à coeur ma planète». C’est une grande consultation auprès de la jeunesse de toute la francophonie qui est très impliquée dans la lutte contre le réchauffement et que nous voulons mobiliser.

François Hollande a récemment été brocardé pour son mauvais anglais…
Vous savez, je n’en ris pas. J’ai la chance de parler cinq langues : français, italien, anglais, créole, espagnol, et je comprends le portugais. J’ai eu cette possibilité, c’est formidable. Mais je ne voudrais pas que l’on considère quelqu’un comme incapable ou souffrant d’un handicap parce qu’il ne parle bien qu’une seule langue, en l’occurrence le français. Je suis désolée, cette langue est la langue des Lumières, des grandes idées, une langue pour pratiquer les sciences, pour produire des contenus, pour agir et penser le monde.
Bill Gates disait l’autre jour : «mon seul regret c’est de ne parler que l’anglais, j’aurais tellement aimé parler français». Lorsque j’étais chancelière de l’université d’Ottawa, vous n’avez pas idée du nombre d’étudiants chinois que nous recevons et qui veulent étudier en français. Le français n’est pas une langue morte. Les dernières études ont montré que le français progresse et qu’il aura même rattrappé l’anglais vers 2050. Cela s’explique par la forte croissance démographique des pays africains, notamment d’Afrique de l’Ouest. Mais il va falloir redoubler d’efforts pour l’accès à l’éducation en français.

Avez-vous eu l’occasion de parler de la diversité avec Barack Obama ?
Oui. Lorsqu’il a été élu, j’étais alors gouverneure générale et commandante en chef du Canada. La tradition veut que la première visite à l’étranger d’un nouveau président américain soit au voisin canadien. La veille je me demandais : et si c’était seulement un très habile communiquant et un super stratège ? Je vais l’accueillir à l’aéroport. Son avion se pose, il descend les marches et là on se regarde. Il y a un sourire immense. La première chose que nous nous sommes dite c’est : qui l’eût cru ? Que le commandant en chef de Etats-Unis et la commandante en chef du Canada soient tous les deux de descendance africaine et se rencontrent là en ce jour !…Il a dit en anglais : « Réjouissons-nous ! » Nous étions conscients de la dimension historique de ce moment. Puis notre discussion a porté sur cette capacité de rassembler, la responsabilité qui vient, les attentes.

Vous souvenez-vous de la date de cette rencontre ?
Houla !…C’était en février (NDLR : c’était le 19 fevrier 2009) , je m’en souviens car février est chez nous le mois de l’histoire des Noirs. C’est une tradition venue du mouvement des droits civiques. C’est le mois où on réfléchit à cette mémoire, à ces actions. C’était un mois de février extraordinaire. Nous avons aussi beaucoup parlé de la jeunesse, car c’est la jeunesse «arc-en-ciel» qui a porté Barack Obama au pouvoir.

Barack Obama vous a-t-il félicité pour votre élection à la tête de la francophonie ?
Barack Obama a ce goût du français en bouche. C’est très important pour lui de me montrer de temps en temps qu’il connait un mot de français. Mais il y a aux Etats-Unis une méconnaissance profonde de la francophonie. C’est pourquoi lorsque je suis intervenue la semaine dernière à l’ONU à New York, j’ai veillé à avoir un positionnement très fort de la francophonie et je me suis adressée bien sûr en français aux délégués.

leparisien.fr

 

Source: bou

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