Si le Président de la Cds-Mogotiguiya refuse d’entrer dans ce qu’il appelle «la cacophonie actuelle», il se prononce sans ambages sur le débat en cours sur la fin de la transition : «Si nous voulons parler du vide juridique, il faudra se placer dans un environnement politico-juridique avec en toile de fond une base juridique identifiée» Or, qu’est-ce que nous devons avoir comme base, s’interroge-t-il. «Est-ce la constitution de 1992 ? Est-ce la constitution de 2023 ? Est-ce la charte de la transition ? La question est pertinente. Si ce sont les deux constitutions, nous sommes dans un vide juridique. Si c’est la charte de la transition, nous sommes aussi dans un vide juridique. Parce que la charte dispose que la fin de la transition est marquée par le décret qui précise l’esprit de la charte. La charte étant esprit et le décret le texte d’application si nous nous fondons sur l’articulation juridique qui organise la transition en tant que le pouvoir transitoire. Mais si nous devons aussi entrer dans l’esprit de la nouvelle constitution, je pense qu’elle vise les missions ou prérogatives du président de la République, mais pas du président de la transition. Donc, on ne peut pas être sélectif en choisissant dans la constitution une partie qui vous arrange en disant que cette partie vise expressivement tel domaine. Parce que le domaine vise les missions ou prérogatives du président de la République. Or, le président n’est pas encore installé. Je considère alors qu’aujourd’hui l’inquiétude qui est mis au-devant de la scène est liée plutôt à l’interprétation de ce qui est sorti non seulement des Anr, mais aussi de la charte de la transition révisée et son décret d’application. Donc en ce moment pour la recherche d’un compromis, on peut renvoyer toutes les parties aux Anr qui ont ouvert une fourchette de 6 mois à 5ans. S’il y a une manœuvre à faire, c’est peut-être dans cette fourchette. Sinon en termes de charte et son décret d’application, la forclusion est constatée».
Mamadou Bakary Sangaré propose de façon pragmatique de se replonger dans les résolutions des Anr « Dans l’esprit de ces Anr, on a donné une fourchette de 6mois à 5 ans. Sur les 5 ans déjà, on a épuisé 4 ans. Alors que tout le monde se mette d’accord que le reste de ce délai soit consacré à l’élaboration d’un nouveau chronogramme et au déroulement d’activités allant vers la fin de la transition ».
Ainsi avec des arguments de droit, a-t-il déclaré, il faut demander aux autorités d’annoncer un chronogramme. «Aujourd’hui la mission de la transition doit être de prendre des mesures idoines et donner un agenda précis». De façon simplifiée ou arithmétique, le Président de la Cds se propose de fixer un nouveau cap autour d’un an afin de mieux préparer les élections.
S’agissant du remplacement de l’actuelle transition par une transition civile, l’orateur du jour parle d’un compromis inacceptable. «On est républicain, légaliste, démocrate ou non. On ne peut pas bâtir une république forte par petites touches. Nous devons une bonne fois pour toute instituer une république démocratique, laïque et fondée sur des institutions fortes. Donc, changement de transition en transition ne ferait en aucun cas le Mali. Le vrai combat, c’est comment faire pour bâtir le Mali… Parce qu’une nouvelle autre transition devra pouvoir prendre fin et d’autres argumentaires pourront venir même si c’est une transition civile. Donc, ne vous bernez pas. Ça ne sera pas une transition civile mais une transition mixte avec des militaires. Parce qu’on ne pourra écarter complètement les militaires. On va devoir trouver une combinaison juste pour apaiser une crise du moment. Une combinaison dans laquelle des acteurs civils vont avoir des responsabilités à jouer sans base légitime et légale. Ce serait un château de cartes. Je suis pour qu’on refonde réellement le Mali. Et plus jamais que le Mali ne connaisse un autre coup d’Etat. Sinon ça serait un éternel recommencement».
Pour lui, le Chef du gouvernement est un acteur politique. Il trouve dissonant qu’un acteur politique jette l’opprobre sur un autre acteur politique. «Moi en tant qu’acteur politique, je ne peux pas comprendre au moins qu’on ne fasse du reniement. Qu’on se renie soi-même. On demeure acteur politique quelle que soit la fonction occupée. Même le président de la République, est-il convenu, se détache de son parti dès qu’il accède à la magistrature suprême. Mais dans les faits, il a ce sentiment de militant. C’est ce sentiment de militant qui fait de lui homme politique. Donc, si vous mettez un homme politique à la primature, il demeurera toujours un homme politique».
Sur la question d’un gouvernement d’union nationale, le Président de la Cds-Mogotiguiya se veut clair. Pour lui, «un gouvernement d’union nationale ne peut pas être le vœu des partis politiques. Le vœu des partis politiques serait de remplacer les pouvoirs transitoires actuels par les voies légitimes et légales. Et on ne peut le faire aussi qu’en se détachant et en allant requérir les suffrages de nos concitoyens par les moyens politiques convenus». Il plaide pour que la transition soit conduite par des autorités neutres et dépourvues de toute casquette politique que ces autorités soient civiles ou militaires. Trois fois candidat à l’élection présidentielle, il réaffirme son rejet d’un gouvernement d’union nationale. «Un gouvernement d’union national serait un compromis sur le dos de nos populations. Donc, je dirai non pour un gouvernement d’union nationale».
Mamadou Bakary Sangaré rappelle que les partis politiques qui ont été flagellés et voués aux gémonies doivent sortir du «purgatoire actuel». Il appelle les formations politiques à accepter de prendre du recul et aller vers leurs concitoyens en expliquant qu’il n’y a pas d’alternative à la démocratie. Selon lui, les partis politiques doivent éviter d’entrer dans une sorte de compromission avec les autorités actuelles. «Les hommes politiques doivent se regarder et dire que si nous demandons aux autorités de la transition d’organiser des élections, nous devons faire la preuve que nous sommes capables de briguer les suffrages de nos concitoyens. Mais nous ne pouvons pas le faire en restant les associés de la transition. On sera alors comptable de la gestion de cette même transition».
Une transition est animée, a-t-il précisé, par des autorités qu’elles soient militaires ou civiles. A l’en croire, «les représentants politiques doivent venir aux affaires par la légitimité. Or, la légitimation de leur arrivée ne peut se faire que par des élections». Pour leur retour aux affaires, a reconnu le Président de la Cds, les partis politiques doivent se donner une identité, des capacités, de la légitimité et de la confiance des populations. «Cela exige de ces partis politiques qu’ils aillent, de façon distinguée ou détachée ou désintéressée, voir leurs concitoyens à l’intérieur comme à l’extérieur du Mali pour requérir encore leur confiance et leur suffrage ». Il revient, a-t-il insisté, aux partis politiques de « redonner l’espoir » aux populations d’une société meilleure fondée sur des programmes politiques présentés par les acteurs politiques. «C’est ça la solution qui va présenter des horizons meilleurs. Nous ne pouvons rester en marge de la vie démocratique et politique des grandes nations. La seule façon de le faire, c’est ce que chacun prenne ses responsabilités».
Quant à une éventuelle candidature du Président de la Transition à la prochaine élection présidentielle, Blaise renvoie à la charte de la transition et à la loi électorale. «Cette question exige une analyse froide et lucide. Quelles sont les entraves faites à l’actuel président de la transition pour être candidat ? Premièrement, c’est son statut de militaire. Deuxièmement, il est le président de la transition empêché par la charte de la transition. Tous ces deux textes ont force exécutoire au Mali. Le problème aujourd’hui au Mali, qui est même posé à la Cour constitutionnelle actuellement, c’est ce que nous devons éviter de prendre nos humeurs du jour pour des objectifs principaux…. On ne peut substituer son humeur, ses sentiments et ses désidératas à la loi. Seul le respect de la loi ou de notre dispositif juridique pourra faire de notre pays un pays solide. Le respect de ces deux textes empêche le président d’être candidat ». Il insiste sur le respect de nos lois pour bâtir un Etat fort. «Si nous voulons d’un pays fort et éviter les coups d’Etat à l’avenir, commençons par respecter nos lois !». Pour l’administrateur civil à la retraite «ou nous respectons nos propres textes ou c’est la condamnation à la peine de Sisyphe».
Chiaka Doumbia