La stratégie d’exonération des importations de droits de douanes et de la TVA, adoptée par les États a permis d’assurer un bon approvisionnement des marchés nationaux et de maintenir les prix à la consommation à un niveau relativement bas. Mais sa pertinence est très discutable
Le riz occupe une place de plus en plus importante dans les habitudes alimentaires des pays d’Afrique de l’Ouest. Ceux-ci importent une bonne partie de leur consommation, ce qui n’est pas sans conséquence pour les producteurs locaux. Comment concilier l’importation et la valorisation du riz local ? La question est au centre d’un atelier régional de mise en place du processus national et régional de régulation des importations de riz en Afrique de l’Ouest qui s’est ouvert hier à l’hôtel Mandé de Bamako.
La cérémonie d’ouverture de la rencontre a été présidée par Issiaka Fofana, conseiller technique du ministère du Développement rural, en présence du président du Cadre de concertation régional des organisations de production de riz de l’Afrique de l’Ouest, Pascal GBenou, des représentants du CILSS, Moussa Cissé, et du Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA), Leopold Locossous.
Cette session de deux jours est destinée à partager les résultats des études sur l’impact des importations de riz sur la commercialisation du riz local au Mali et au Sénégal et à en tirer des éléments d’enseignement. Il s’agira ensuite de dégager des modalités d’action pour renforcer le dialogue et la concertation entre les différents acteurs et les décideurs politiques.
Spécifiquement, les participants vont partager les données sur l’évolution de la consommation nationale en riz et des importations. Ils discuteront également des expériences réussies de régulation des importations dans des filières autres que le riz. Enfin, l’atelier doit réfléchir à une stratégie de dialogue et de concertation pour mettre en place un processus national et régional de régulation en faveur du riz local.
Pour Pascal GBenou, il n’y a pas d’agriculture prospère sans soutien et protection suffisante. « Il faut protéger le riz national. Nous sommes une des régions à frontières très ouvertes. Le taux de protection du riz est d’environ 10% alors que le Japon applique une protection de 700%. Pourquoi l’Afrique de l’Ouest ne protège-t-elle pas son riz qui est une denrée très stratégique ? », s’est interrogé le président du Cadre de concertation régional des organisations de production de riz de l’Afrique de l’Ouest.
La régulation des marchés s’inscrit dans un cadre plus large de débats en économie du développement où se pose notamment la question du rôle respectif de l’État et des acteurs privés dans la régulation des activités économiques, a observé pour sa part le représentant du CILSS, Moussa Cissé. « Depuis la crise de 2008, les pays de l’Afrique de l’Ouest ont développé des stratégies de régulation du marché à très forte orientation pro-urbaine. La finalité de l’ensemble des stratégies mises en œuvre est de maintenir à un niveau relativement bas, le prix de cession du riz pour le rendre accessible aux consommateurs », a-t-il constaté.
Selon Issiaka Fofana, la consommation de riz a connu une hausse fulgurante sous les effets combinés de plusieurs facteurs notamment l’urbanisation, les changements d’habitudes alimentaires, la grande ouverture du marché régional, l’aide alimentaire ». Pour lui, l’exonération des importations de droits de douanes et de la taxe sur la valeur ajoutée par les États a permis d’assurer un bon approvisionnement des marchés nationaux et de garantir une disponibilité en riz. Mais la pertinence de la méthode est très discutable.
Dans le cadre des initiatives et stratégies nationales et régionales de soutien aux filières rizicoles, la CEDEAO et l’UEMOA ont déployé au niveau régional des stratégies pour améliorer la disponibilité du riz sur les marchés. En ce qui concerne l’UEMOA, elle a alloué des financements de 1,5 milliard de Fcfa à chacun des huit États membres pour investir dans les aménagements rizicoles et subventionner les engrais et les semences de variétés améliorées.
Selon AfricaRice, l’Afrique de l’Ouest a enregistré une performance non négligeable en termes de production avec un taux de croissance annuel de 5,76% au cours de la période 2000-2010. Cette production régionale est impulsée par quatre pays : le Nigeria, la Guinée, la Côte d’Ivoire et le Mali, qui ont réalisé à eux seul, en 2013, plus 85% de l’offre de paddy.
B. COULIBALY
source : Essor