- Le sauvetage de la Banque de développement du Mali
C’était à l’époque où la quasi-totalité des banques de développement d’AOF étaient condamnées à mort et appelées à être remplacées par des filiales, des succursales, pour être plus précis, de banques françaises.
Le général Moussa Traoré, prenant alors cela très mal, entreprit la France pour le maintien de la BDM
Mais la position du président François Mitterrand resta figée : “Quant à la BDM, dit-il lors du discours du dîner d’ouverture offert à l’occasion d’une visite officielle d’une délégation malienne à Paris, il n’y a pas d’autre solution que la liquidation”.
Aussitôt, GMT déposa, on peut dire spectaculairement, fourchettes, couteaux et cuillères, signifiant qu’il n’était plus du repas. Ainsi firent de même tous les membres de sa délégation ; ce que le ministre français des Affaires étrangères a soufflé au creux de l’oreille de son président. Ce dernier se reprit alors par un fameux : “Pour la BDM, nous tâcherons de trouver une solution politique”. Alors intervint une personnalité clé de cette action, Babacar Ndiaye, alors PDG de la Bad : “Et si vous demandiez à Sa Majesté Hassan II d’intervenir dans ce sauvetage de la Banque ? Proposa-t-il à Abdelilah Kadili, alors directeur des réformes administratives”.
Devenu par la suite un grand ami à moi, au point de se rendre à Youwarou participer à la campagne législative de mon épouse l’honorable Aïssata Touré, avec un succès confirmé plus tard par son élection, en sus, en tant que présidente de la Commission des affaires étrangères.
La proposition de feu Babacar Ndiaye semblait quelque peu osée, car le Mali faisait partie des peu nombreux pays ayant reconnu la RASD. Mais, aussi surprenant que cela ait pu être, ni le président Moussa Traoré ni Sa Majesté Hassan II, ne posèrent aucune opposition à cette idée. Et les choses allèrent à la marocaine, c’est-à-dire vite et bien. Une commission politique fut aussitôt mise sur pied.
Elle comprenait :
En partie malienne : Le président Moussa Traoré, le Ségal de la présidence : feu Django Cissoko ; le ministre des Finances : Tiéna Coulibaly ; le ministre des Affaires étrangères : Ngolo Traoré
En partie marocaine : Le président de la BMCE aujourd’hui Wali de la Banque du Maroc, l’honorable Abdelatif Jwari ; le PDG de la BMCE, feu Mohamed Jwari ; Naturellement Dr. Abdelilah Kadili.
– Et, sur demande de GMT et uniquement pour avis : feu Babacar Ndiaye, il s’en suivit une réunion technique au Maroc, dont les conclusions présentées au président Traoré furent acceptées sans réserves, et dont les principales furent :
L’Etat doit déposer tous ses avoirs auprès de la banque ; le remboursement de tous les prêts consentis sans aucune exception ; les hauts fonctionnaires débiteurs auprès de la banque doivent s’acquitter de leurs dettes ; le leadership de la banque doit être revu et la banque restructurée, avec des objectifs précis.
Présentées au président Traoré, ces conditions furent entérinées par ses soins et M. Bennani fut nommé directeur général pour un mandat de 4 ans, avant la fin de laquelle la pente fut largement remontée, au point que c’est le président en personne qui demanda le renouvellement de son mandat pour encore 4 ans. Voilà pourquoi la BDM reste aujourd’hui l’une des rares banques de développement d’Afrique subsaharienne à avoir évité la privatisation-liquidation.
Tous ces faits m’ont été rapportés par le président GMT lui-même quand mon ami Kadili et moi lui avions rendu visite à domicile et, bien entendu, par Kadili, en présence de GMT. Le doyen Moustapha Niasse, président de l’Assemblée nationale m’en a conté des anecdotes que je publierai le moment venu, avec sa permission bien entendu.
Le sauvetage de la BIM par Attijariwafa
A la cession des capitaux sociaux de la BIM, anciennement BIAO, tous les acheteurs potentiels avaient trouvé l’évaluation gonflée, surtout par la trop grande abondance de clients douteux ayant déposé des garanties en général foncières, apparemment consistantes mais en réalité inexistantes.
Mais l’opération d’achat fut, quand même exécutée à la valeur de l’offre malienne contrairement à l’avis défavorable des experts marocains, sur instructions express de Sa majesté Le Roi.
III. Pour la Sotelma plusieurs personnes sont mieux placées que moi pour en parler. Ce qui est certain, Sotelma, sans son alliance avec Maroc Télécom, aurait été plus que brinquebalante de nos jours.
La Polyclinique périnatale offerte par Sa Majesté Mohamed VI, déçu par un incident regrettable survenu le jour de son inauguration, en lieu et place du projet de départ qui était la coopération avec collaboration biomédicale, comporte, selon la déclaration du ministre malien de la Santé, Michel Sidibé faite à l’ambassadeur du Mali en France que j’étais devenu, l’un des plateaux techniques les plus performants de la sous-région. Je pourrais en parler plus (de la clinique comme du centre de formation mitoyen). Je me contenterai ici d’avoir une pensée pleinement reconnaissante pour mon frère Bastos dirigeant alors la Fondation l’ayant construite. Cela m’a vraiment fait mal au cœur d’apprendre son absence à l’anniversaire de l’ouverture si tardive de cette merveille, pour la réalisation de laquelle il a tant donné !
Autre aide peu connue du peuple malien : le Maroc n’a pas hésité à verser un mois de salaire des fonctionnaires maliens, après le coup d’Etat contre le président ATT, tous les salaires étant alors bloqués.
Et le Premier ministre Ben Kirane a tout d’un coup porté les bourses d’Etat accordées aux étudiants maliens d’une quarantaine à 100 !
VII. La formation des imams maliens au Maroc
Le Ségal de la présidence que j’étais reçut un jour un coup de fil du Protocole royal m’indiquant que Sa Majesté Le Roi souhaitait s’entretenir au téléphone, d’urgence, avec Son Excellence le président Ibrahim Boubacar Kéïta.
Puis-je lui passer l’appareil immédiatement ai-je demandé ? La réponse fut oui ; ce serait parfait ! Et c’est ce que je fis
Sa Majesté informa alors, très simplement le président Kéïta, de la disposition du Maroc à recevoir une centaine d’Imams maliens en formation, non seulement islamique, mais en sus professionnelle laissée au choix de l’impétrant.
Bien entendu IBK, tout heureux de cette initiative royale, donna immédiatement son accord, remercia chaleureusement et longuement Sa Majesté Le Roi. L’Imâmat ainsi constitué a atteint le nombre de 500 personnes en un temps record.
Par honnêteté, je voudrais faire cas tout de même de trois occasions loupées :
1- Les Maisons de vie implantées par la Fondation Lalla Salma :
Le cancer étant finalement une maladie ambulatoire, les malades résidant dans d’autres villes que celles détenant des salles de traitement, et surtout ceux des campagnes, ne viennent au centre que pour recevoir leur chimio. La Maison de vie leur tient lieu d’une espèce d’internat, à eux ainsi qu’à leurs accompagnants. La Fondation nous avait bloqué 2 ans durant 500 000 dollars pour édifier une maison de vie à Bamako, mais la lourdeur administrative malienne aura été la plus forte. Elle a été construite ailleurs, mais point au Mali.
2- L’architecte Baadi avait conçu toute une maquette d’un grand quartier commercial et résidentiel, sur tout l’espace rive gauche du fleuve Niger, cité ministérielle, base militaire. Ce projet n’eut pas la chance de voir le jour. J’apprends que c’est ce brillant architecte de réputation mondiale qui a conçu en fin de compte ces immeubles de la BCS en ACI 2000.
3- L’Office chérifien des phosphates aura certes procédé aux analyses géologiques de beaucoup de sols maliens, ce qui a été une excellente chose. Cependant, ayant envoyé une mission, suite à l’intervention de l’ambassadeur que j’étais, sur la mine d’hydrogène naturel qu’avait découverte un homme d’affaires malien très connu, celle-ci est revenue bredouille. Mais la direction de l’OCP reconnait aujourd’hui que cet homme était largement en avance sur elle.
Je voudrais, pour terminer mes propos, en tant qu’ancien ambassadeur du Mali au Maroc, officier de l’Ordre national du Mali, ayant de surcroit eu l’honneur d’avoir été décoré, ici même, à Bamako et en présence de mon épouse par Sa Majesté Le Roi, Grand Cordon du Wissam Al Alaoui, je voudrais donc saisir l’occasion de le Fête du Trône marquant l’anniversaire de l’accession de Sa Majesté Le Roi Mohammed VI au Trône de Ses Glorieux Ancêtres, pour présenter au Souverain mes vœux déférents de bonheur et de longue vie.
Mes vœux s’adressent également à SAR Le Prince Héritier Moulay El Hassan, à SAR le Prince Moulay Rachid aux membres de la Famille Royale et au peuple marocain.
Je saisis à nouveau l’occasion pour saluer les efforts du Maroc pour l’intégration africaine ainsi que les visions de Sa Majesté Le Roi sur le codéveloppement et le phénomène migratoire.
Puisse Allah SWT préserver Sa Majesté Le Roi et L’assister dans Son œuvre d’édification d’un Maroc moderne dans une Afrique émergente !
Je voudrais conclure par une pensée pieuse pour ;
Feu le Président Amadou Toumani Touré, qui m’a fait l’insigne honneur de me nommer ambassadeur dans ce beau pays conjuguant avec brio authenticité et modernité.
Feu le Président Modibo Keita qui réussit, là où l’Empereur Hailé Sélassié et Gamal Abdel Nasser avaient échoué : Négocier la fin de la Guerre des Sables. L’histoire retient, du reste, que ce sont deux officiers maliens qui ont procédé aux échanges des drapeaux marocain et algérien, faisant de la ligne de front une ligne de paix.
Feu le Président Moussa Traoré et Feu le Président Ibrahim Boubacar Keita pour la relance et l’approfondissement de la coopération entre le Mali et le Maroc.
Que leur âme repose en paix. Qu’Allah SWT les reçoive parmi les Siens !
Toumani Djimé Diallo,
Ancien Ambassadeur du Mali au Maroc