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Faits divers : UNE DRÔLE DE MALCHANCE POUR LE DUO DE KALABAN COURA

Les deux malfrats avaient peaufiné une stratégie très efficace. Mais ils ont été piégés par une affaire dans laquelle ils étaient « innocents »

Faits divers

Nos lecteurs l’ont certainement constaté, cette rubrique constitue une sorte de thermomètre de la délinquance au Mali. Il n’y a donc rien d’étonnant que certains sujets reviennent plus fréquemment que d’autres. Comme par exemple le vol des motos. Nous l’avions déjà signalé, l’explosion du nombre d’engins à deux roues circulant dans les rues des villes maliennes ou sur les pistes du pays profond a inévitablement suscité une multiplication de vocations parmi les malfaiteurs. Ces derniers se sont tout naturellement intéressés à un secteur où les opérations peuvent être facilement montées, s’exécuter sans grand risque et amener un gain pécuniaire intéressant. Au fil du temps, les malfaiteurs ont inventé un éventail très étendu de modes d’opération allant des plus brutaux (la méthode des coupeurs de route) jusqu’aux plus subtils (le travail en douceur des escrocs).

C’est sur des adeptes très proches de cette seconde méthode que les éléments du compol Adama Coulibaly « Chine » du 11ème Arrondissement viennent de mettre la main. Les deux malfrats, actuellement à l’ombre, s’étaient pratiquement spécialisés dans le vol de motos. Le tandem, assez jeune, était composé de Mohamed Ballo et de Moussa Coulibaly, âgés respectivement de 20 et de 23 ans. Il a fini dans les mailles de la BR du commissariat, il y a environ une dizaine de jours. Comme cela est désormais le cas pour les voleurs de motos, le dossier a été rapidement diligenté et les délinquants ont été déférés devant les juges du tribunal de la Commune V.

Mohamed et Moussa avaient une méthode qui tranche quelque peu avec les pratiques répandues chez les spécialistes bamakois du vol de Djakarta. Ces derniers n’entrent pas dans de grandes subtilités, ils exploitent d’habitude la première opportunité qui leur tombe sous la main et procèdent sans aucune subtilité. Moussa et Mohamed, eux, « travaillaient » de manière beaucoup plus élaborée. Tout d’abord, ils avaient d’emblée écarté la possibilité de monter une bande beaucoup plus importante. Pour eux, aller vers un gang de grande taille équivalait à multiplier les possibilités de mésententes à l’intérieur du groupe, mésententes susceptibles elles-mêmes de générer d’autres problèmes qui provoquent le plus souvent l’implosion de la bande. En outre, à deux, le butin est plus facile à gérer et son partage ne donne pas lieu à de grandes discussions.

Mais la vraie force du tandem résidait surtout dans la manière dont il montait ses coups. Tout d’abord Mohamed et Moussa excluaient tout recours à la force. Ils n’attaquaient jamais une victime lorsque celle-ci était en train de rouler. Cela nous a été confirmé par le chef BR du 11ème l’inspol Mohamed Coulibaly. Ce dernier nous a également détaillé le modus operandi adopté par le duo.

 

VISIBLEMENT TRÈS AFFECTÉ. Quand ils voulaient passer à l’action, les deux malfrats se retrouvaient tôt le matin, à un endroit bien précis préalablement fixé dans un des secteurs du quartier où ils avaient choisi de faire un coup. Ils se rendaient ensuite chez leur victime. Mais celle-ci n’avait pas été choisie au hasard. Les malfaiteurs avaient auparavant pris le temps d’identifier les domiciles où ils pouvaient opérer sans courir trop de risques. Ils s’étaient aussi assuré que dans la concession se trouvait de manière permanente au moins un engin à deux roues. Lorsque ce détail avait été réglé, ils s ‘étaient donné le temps de bien observer le comportement du proche voisinage afin d’avoir la certitude que ce dernier ne viendrait pas lui compliquer la tâche. Mohamed et Moussa faisaient tout ce « travail préliminaire » toujours tôt le matin avant que les occupants de la maison ne soient réveillés. Nantis de toutes ces données, les deux malfrats choisissaient ensuite un jour non férié pour effectuer une descente matinale au domicile de leur victime.

Dans la plupart des cas, leur stratégie a été efficace, le plan a fonctionné sans accroc et le butin s’est avéré plus ou moins conséquent. Nous n’avons pas été en mesure de savoir pendant combien de temps les deux malfrats ont procédé ainsi dans certains quartiers de la rive droite de Bamako où ils avaient choisi de mener leurs activités. Nous savons cependant qu’ils avaient jeté leur dévolu sur les quartiers populaires  de Kalaban coura, Kalaban coro, et Baco-djicoroni. Ce qui est aussi incontestable, c’est qu’ils ont fait de nombreuses victimes, comme ils l’ont eux-mêmes avoué après leur arrestation. Une arrestation qui est survenue de manière pas tout à fait ordinaire.

Quelques jours seulement avant que les deux malfrats ne soient mis aux arrêts, un jeune homme, visiblement très affecté, se présenta au commissariat du 1ème Arrondissement à Kalaban coura en Commune V. L’intéressé venait porter plainte à la suite du vol de sa moto Djakarta qu’on lui avait dérobée dans son domicile. Dans l’entretien qu’il eut avec le chef BR Mohamed Coulibaly qui l’avait reçu, le jeune homme alla plus loin que la simple déposition. A l’officier de police, il expliquera que ses soupçons portaient sur un dénommé Moussa Coulibaly. Aux dires du plaignant, ce dernier était connu dans tout le quartier pour être un « voleur à succès », un malfaiteur qui ne cachait même pas le caractère illicite de ses activités.

Après avoir écouté le plaignant, s’être fait indiquer l’endroit où le nommé Moussa Coulibaly pouvait être trouvé et avoir reçu les instructions du Compol « Chine », le chef BR envoya des « éclaireurs » sur le terrain.

 

UNE CONCLUSION PARADOXALE. Ces derniers avaient pour mission de collecter le maximum d’informations sur Moussa. La mission des éclaireurs fut exécutée sans trop de difficultés. Moussa était connu de tout le voisinage comme un voleur d’engins à deux roues. Le malfrat lui-même entretenait cette réputation qu’il estimait flatteuse du moment que l’on ne l’avait jamais pris sur le fait. Les enquêtes de terrain des éléments de la BR permettront donc à ceux-ci de récolter des informations très intéressantes sur le présumé voleur « vedette » du quartier. Les policiers apprirent notamment que leur homme avait été vu quelques jours seulement auparavant par des voisins avec en sa possession deux motos Djakarta. Et pour ces témoins oculaires, il n’y avait pas le moindre doute que les engins avaient été volés quelque part. La question était de savoir où, quand et en complicité avec qui. C’est cette énigme que les limiers avaient la charge d’élucider. Ils décidèrent alors de mettre le grappin le plus vite possible sur leur cible.

Pour y parvenir, les limiers ont procédé à un maillage discret et nocturne des lieux où le voleur pouvait facilement être trouvé. La chance les servit. En effet, le jour de son interpellation, Moussa a été retrouvé en compagnie de son compagnon et complice Mohamed. Ce dernier aussi se trouvait être un familier des archives de la police. La présence de ce complice fit abandonner aux policiers la piste d’une éventuelle implication de Moussa dans un quelconque vol dans le quartier. Les deux malfrats furent amenés dans les locaux du commissariat et au cours des interrogatoires, chacun d’eux tentera de se soustraire des griffes de la police en donnant des explications qui ne convaincront pas du tout le chef BR et ses éléments.

Les limiers mirent alors la pression sur les suspects en se servant des éléments qu’ils avaient collectés sur le terrain. Après avoir longtemps tourné autour du pot, Moussa et son complice finirent par lâcher le morceau, avouant être effectivement des voleurs d’engins à deux roues. Des aveux qui venaient confirmer de solides présomptions établies par les policiers. En effet, les investigations menées par des éléments de la BR avaient permis de mettre la main sur cinq motos volées par le tandem et que ce dernier avait entreposées en attendant de trouver un receleur à qui les liquider.

Les policiers ont aussi mené une enquête minutieuse pour savoir si les malfrats étaient impliqués dans le vol de l’engin du plaignant dont les soupçons avaient déclenché le processus fatal à Moussa et à Mohamed. Mais malheureusement pour le jeune homme qui avait perdu son engin, après plusieurs jours d’enquêtes et d’intenses investigations, les limiers durent se rendre à l’évidence. Il n’y avait pas le moindre indice qui puisse mettre en cause le tandem dans ce vol.

L’affaire a donc connu une conclusion paradoxale. Les malfrats sont tombés pour une affaire dans laquelle ils n’étaient nullement impliqués. Pour le 11ème, la prise est de taille. Car, comme nous le précisions plus haut, le duo infernal a littéralement écumé son terrain d’opération. Aujourd’hui, hébergés à la maison d’arrêt centrale de Bamako, Moussa et Mohamed doivent certainement ruminer sur l’ironie du sort. En effet, la chance qui les avait accompagnés dans une multitude d’opérations les a abandonnés lors d’une affaire dans laquelle ils n’avaient rien à voir.

MH.TRAORÉ 

Source: Essor

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