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Esclavage par ascendance : les complaintes des victimes

Le village de Bagamabougou, situé à un peu plus d’une trentaine de kilomètres de Diéma, s’est vidé d’une frange importante de sa population. Ces habitants estiment être oppressés, mais surtout traités d’esclaves par les notabilités et les autorités coutumières de ce village.

Selon des témoignages recueillis auprès de ces révoltés contre leur condition d’esclave, les violences à leur encontre perdurent depuis trois ans et ont fait quatre morts, des blessés mais aussi des déplacés. Ils sont environ une centaine de déplacés, précisément 81 personnes femmes, hommes et enfants confondus, à fuir la maltraitance sur leur terre de naissance, à abandonner leurs maisons et à trouver gîte et couvert dans la capitale.

Ces déplacés arrivés dans la capitale, il y a moins d’une dizaine de jours, étaient allés au Tribunal de la Commune VI où, notre équipe de équipe de reportage a pu les rencontrer, hier dans la matinée.
Kountou Diarra, 49 ans, est un habitant de Bagamabougou.

Avec sa communauté, il est venu soutenir la plainte de certains de ses camarades contre un célèbre artiste qui défend, selon eux, l’esclavage. Devant le magistrat, les déplacés exhibaient des images insoutenables de victimes de la violence. Il y a même l’image d’un cadavre. Kountou Diarra explique que sa communauté est traitée d’esclave dans son village.

Selon lui, depuis qu’ils ont intégré une association dénommée en soninké «Gambana» qui signifie «nous sommes égaux», les autorités coutumières ont commencé à développer à leur égard une incompréhensible inimitié. «Pour protester contre cette association, ils ont décidé de chasser du village toute personne qui y adhérera», explique-t-il. Notre interlocuteur se rappelle des souffrances vécues.

Pendant deux ans, confie-t-il, nous n’avons pas exploité nos champs. Il déplore aussi le manque d’implication des autorités administratives et politiques, notamment le préfet et le maire. Il pointe du doigt également le manque de réaction de la gendarmerie et des juges. «Nous avons déposé une plainte contre la chefferie.

Le jugement qui devait avoir lieu le 24 avril dernier a été reporté au 20 mai prochain. Depuis, nous sommes victimes de tortures. Pendant trois jours, nos tortionnaires nous ont empêchés de puiser l’eau dans le village. Nous avons utilisé parcimonieusement notre réserve d’eau jusqu’à épuisement.

Après nous avons eu l’assistance d’un village voisin où nous sommes allés nous ravitailler», raconte Kountou à qui veut l’écouter. Il estime que sa communauté a le droit de profiter du puits, de l’école, du centre de santé car elle a contribué à la réalisation de ces infrastructures dans le village.

Le matin du 3 mai dernier, ils ont été sommés de quitter le village avant midi au risque de se voir agresser. C’est pour éviter le courroux de leurs prétendus maîtres qu’ils sont partis du village sans vivres et emportant seulement quelques affaires faciles à transporter.

«À notre arrivée à Bamako, nous sommes allés devant l’ambassade de France qui nous a logés à la Cité des enfants, en collaboration avec les hautes autorités de notre pays», salue Kountou Diarra, avant d’inviter les autorités à mettre un holà à de telles pratiques. «Chacun doit être mis dans ses droits puisque tous les Maliens sont égaux».

Tountou Coulibaly, 23 ans, s’exprime mieux en bambara que les autres femmes venues protester contre l’esclavage par ascendance. Cette mère de 3 enfants explique qu’elle a dû parcourir à pied une trentaine de kilomètres pour rallier Diéma. «Les personnes âgées et les enfants ont été transportés dans des charrettes », dit-elle. «Depuis le début de cette oppression, nous ne vivions plus dans la quiétude.

Ils ont empêché nos enfants de donner à manger à nos animaux», révèle Tountou. Un jour, explique-t-elle, elle a été contrainte de sortir des toilettes alors qu’elle s’apprêtait à laver ses enfants. Les agressions se multipliaient.

Tountou Diarra a 28 ans. Il a aussi été victime d’une agression physique et explique que l’évocation de l’association «Gambana» est un crime de lèse-majesté dans leur localité. «J’ai été tabassé parce que je voulais me rendre dans un village voisin pour récupérer de l’argent qui m’avait été envoyé de l’extérieur. À la sortie du village, on m’a contraint à retourner chez moi, avant d’être molesté». Je ressens encore de la douleur, explique-t-il, en montrant ses doigts enflés.

Mohamed D. DIAWARA

Source : L’ESSOR

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