Esclavage par ascendance fait et continue de faire des victimes dans la région de Kayes, notamment dans le village Karta Tinkaré, d’où est né Founé Sissoko, victime et témoin oculaire de cette tragédie. Car il est le président de l’association Gambana. Il nous raconte ici ce qu’il a vécu dans sa chaire.
« J’ai été chassé de mon village natal parce que j’ai refusé des pratiques ancestrales qui existaient depuis nos parents dont l’esclavage. Cette pratique est contraire à la religion que j’ai dénoncée et j’en ai été victime parce que j’ai renoncé à ça », témoigne-t-il.
Le président de l’association Gambana ajoutera: « J’ai fait 40 ans en cotisant pour construire les châteaux et les mosquées au village. Quand j’ai renoncé aux pratiques de l’esclavage, les notables de Tinkaré ont pris l’initiative, sans m’appeler, de me chasser du village, avec ma famille ».
Il jure que dans son village, quand une fille se marie, deux esclaves (un homme et une femme), ainsi que le cousin de la mariée l’accompagnent dans la chambre nuptiale.
D’après notre témoin, « après le premier rapport sexuel du couple et après avoir pris sa virginité, le cousin qui s’assoit à côté de la chambre fait un coup de feu de canon pour dire que le couple vient de passer leur premier rapport sexuel et la femme esclave chante en disant que la femme est mariée et l’esclave va dire à la famille de la mariée que leur fille est mariée même si c’est tard dans la nuit. C’est cette pratique que j’ai dénoncée ».
« Je faisais la pratique et j’ai des témoins qui peuvent confirmer. C’est comme si tu écoutes un film de porno. Il y a de ces pratiques qui sont contraires à la religion et nos ancêtres ne le savaient pas car leur niveau d’instruction en l’islam était inferieur. Si j’ai menti la justice est là. J’ai été chassé de mon village et je veux porter plainte », raconte Founé Sissoko.
En effet, pour se défendre et porter plut haut leur voix, les victimes de l’esclavage de la région de Kayes se réunies au sein d’une association dénommée Gambana, qui veut dire littéralement : « Nous sommes les mêmes » et elle lutte contre certaines pratiques ancestrales qui est contraire à la religion et dont le président est notre interlocuteur, Founé Sissoko.
L’un des actes qu’il n’est pas prêt à oublier est la chasse de sa femme du village, avec les enfants. « Ma femme est partie au village le mois de février pour le décès de sa tante. Elle a été chassée en pleine journée par les villageois parce que son mari (moi) est membre de l’association Gambana. Je veux retourner dans mon village et que les autorités jugent cela. J’ai dénoncé les pratiques qui sont contraires à nos religions », raconte-t-il.
D’ailleurs, il lance ce cri du cœur et prend les autorités à témoin pour cet abus. Ils n’ont jamais demandé d’être chef de village ou d’être imam. Ce qu’ils ont toujours dit, c’est l’unité et la fraternité entre tous les Soninkés.
« Si on est musulman on doit être uni et vivre ensemble. Personne n’est esclave de personne. On a été chassé, frappé et tué. On lance l’appel aux autorités et chefs religieux de réagir à temps pour limiter les dégâts. On nous a empêchés de prendre de l’eau du château, d’aller à la mosquée ainsi que de cultiver nos champs alors qu’on a tous cotisé pour mettre en place le forage et contribuer au développement du village », pleure-t-il.
Tout ça parce qu’ils « nous ont montré que nous sommes minoritaires. J’ai été victime d’injures graves et je vais déposer ma plainte parce que personne ne nous a secourus. Ils disent aux autorités qu’il n’y a pas d’esclavage, mais des coutumes au village ».
Adama DAO
Source: Tjikan