Le dimanche 13 mai 2018 à Fana, des femmes et des jeunes, à la suite de l’assassinat crapuleux de la petite fille albinos du nom de Ramata Diarra, ont incendié la brigade de gendarmerie, barricadé les voies publiques avant de s’attaquer aux biens appartenant à des particuliers. Le corps de la fille a été retrouvé le lendemain sans tête ni certains organes. Quelques semaines auparavant, un autre crime du genre a eu lieu dans la même ville. Une malade mentale et sa fille ont été décapitées dans des circonstances similaires. Le cas de la petite Ramata a été un électrochoc à l’échelle nationale et internationale. Des associations de défense des droits de l’homme, la fondation Salif Kéïta, des partis politiques se sont emparés de l’affaire en se rendant sur place. N’eut été les violentes manifestations, d’ailleurs condamnables, cet énième crime odieux aurait été rangé dans les placards comme ce fut le cas pour la dame Fatoumata Sacko et sa fille. Le saccage des biens de particuliers par certains manifestants zélés est aussi condamnable que les dérives des éléments de force de sécurité envoyés en renfort pour rétablir l’ordre public.
A Sadiola dans la région de Kayes, des femmes ont marché le 15 mai dernier pour dénoncer la cherté de l’eau potable. Elles ont érigé des barricades avant de brûler des pneus en guise de mécontentement face à l’indifférence des autorités régionales et nationales. Un bidon d’eau de 20 litres peut coûter 200 F CFA dans une localité où le gouvernement de la République et les sociétés minières récoltent chaque année de l’exploitation du gisement d’or des milliards de nos francs. « Les autorités sont au courant de tout mais elles ne sont préoccupées que par les recettes liées aux mines. Les populations ici à Sadiola n’ont tiré aucun bénéfice de la mine. C’est pourquoi, nous avons décidé de prendre notre destin en main en descendant dans les rues », ont dénoncé les manifestantes qui envisagent de revenir à la charge avec le soutien des jeunes dans les jours à venir. Ce problème est plus que scandaleux. Il interpelle le gouvernement du Mali mais aussi les citoyens de Sadiola qui ne peuvent suivre la destination des fonds versés au compte des collectivités, notamment la Mairie, au titre de l’exploitation de la mine d’or.
Le même jour à Bougouni, s’est déroulée une marche sous l’égide du Collectif des régions non opérationnelles. Depuis plusieurs mois, les membres de ce Collectif sillonnent l’intérieur du pays pour accentuer la pression sur les autorités dans le but d’appliquer intégralement la loi qui a créé en 2012, onze régions dont deux, en l’occurrence Ménaka et Taoudenit, sont opérationnelles.
De Fana à Sadiola en passant par Bougouni, les populations envoient des signes inquiétants. Ces différentes manifestations traduisent une certaine remise en cause de l’autorité de l’Etat sur fond d’une véritable crise de confiance entre gouvernants et gouvernés. Les mensonges répétés des officiels ajoutés à leur démagogie et à leur hypocrisie, discréditent tous ceux qui portent la parole officielle dans ce pays.
Ces manifestations ciblant les autorités, interviennent dans un contexte sécuritaire tendu avec des affrontements intercommunautaires au centre du pays. Elles interviennent aussi dans un contexte pré-électoral. Les élections sont des moments de tension en Afrique. Et le Mali n’échappe pas à la règle.
Le peuple semble avoir perdu toute confiance en l’élite politique et gouvernante et manifeste violemment son exaspération. Cela est loin d’être rassurant.
Par Chiaka Doumbia
Le Challenger