Le morceau a été rejeté le 22 février dernier par le journal français, ‘’L’est Républicain’’. Après un « incroyable périple », a annoncé le journal, « trois LRU (lance-roquettes unitaires) du 1er régiment d’artillerie de Bourogne (90) sont arrivés dans le nord du Mali pour optimiser la force de frappe de l’Opération Barkhane, déployée contre le terrorisme saharien. Les stars de l’artillerie française n’ont pas fait la route toutes seules, un convoi de 50 véhicules les a accompagnées, chaque LRU agglomérant trente militaires répartis en équipes de commandement, de transmission à longue distance, de reconnaissance et de soutien logistique. Ils peuvent tirer à 84 km de distance avec une précision de 4 m, de jour comme de nuit et par tous les temps. Une arme redoutable contre les caches d’armes, les postes de combat ou les convois clandestins, maniée par un trio de spécialistes : un pilote, un chef lanceur et un pupitreur-tireur. Le complément idéal et ultramoderne au mortier classique et à la chasse aérienne », écrit L’Est Républicain. A en croire notre confrère, « c’est la première utilisation de ce matériel hypersophistiqué en zone de guerre ».
La Force Barkhane a choisi la très stratégique base de Tessalit pour installer ses lance-roquettes unitaires à moins de 100 km de l’Algérie. Comment sera la perception de l’Algérie sur l’installation de ces missiles français à ses portes ? Bamako a-t-il pris toutes les précautions pour éviter d’embarrasser Alger ?
Le renforcement du dispositif militaire français est sans doute une pilule amère dans la gorge d’Alger qui n’a jamais caché son hostilité à toute présence de forces étrangères, notamment de l’ancienne puissance coloniale à ses portes. La France et l’Algérie ont déjà un lourd contentieux à régler. Et la France de Charles De Gaulle n’a jamais supporté le soutien apporté par le Mali de Modibo Kéïta aux combattants du Front National de Libération de l’Algérie (FNL) dont l’un des rares rescapés demeure le Président Abdel Aziz Boultéfika.
Pour des visions diamétralement opposées, l’Algérie et la France accorderont difficilement leurs violons. Au moment où la France de Nicolas Sarkozy poussait ses pions à travers le MNLA, l’Algérie actionnait ses relais au nord en mettant à la manœuvre le mouvement Ansardine.
Pour des questions de sécurité interne, l’Algérie n’acceptera certainement pas que la France mette sous son couperet le nord du Mali en installant des matériels militaires hypersophistiqués. Le renforcement du dispositif militaire français ne serait pas sans grande conséquence sur la mise en œuvre de l’accord pour la paix, notamment l’évolution de la situation sécuritaire sur le terrain.
En 2006, l’autorisation de l’ouverture d’un Consulat libyen à Kidal par le Président Amadou Toumani Touré avait produit des résultats préjudiciables à la stabilité nationale avec la naissance d’une nouvelle rébellion.
La France sait qu’elle ne peut pas imposer la paix au nord du Mali sans la participation de l’Algérie. C’est pourquoi tout long du processus de négociation qui a abouti à la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation, Laurent Fabius, alors Ministre Français des Affaires Etrangères a effectué plusieurs déplacements à Alger pour évoquer le dossier malien.
C’est à Bamako de faire en sorte que l’excellence de ses relations avec Paris ne froisse pas son ami et grand voisin algérien. Il s’agit là d’un jeu d’équilibrisme que la diplomatie du Président Ibrahim Boubacar Kéïta doit inéluctablement réussir pour éviter un éventuel accrochage entre Alger et Paris.
Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger