Le conseil des ministres du mercredi 14 février 2018 a accordé une double promotion à Ibrahim Dahirou Dembélé, ancien chef d’état-major général des armées. L’intéressé a été promu Général de Division et nommé Inspecteur général des armées et services. Une double promotion qui intervient quelques semaines après la levée de son contrôle judiciaire dans l’affaire dite des bérets rouges. Loin de nous l’idée de remettre en cause les qualités du général Dembélé.
Mais cette nomination est largement commentée dans l’opinion. Elle est interprétée par certains comme une immixtion de l’exécutif dans le traitement des dossiers judiciaires. Elle apporte du grain au moulin de ceux qui ont toujours cru que les motivations de décision de clémence de la Chambre d’accusation de la cour d’appel de Bamako à l’endroit des généraux Yamoussa Camara et Ibrahim Dahirou Dembélé, tous poursuivis pour complicité d’assassinat mais bénéficiant de la présomption d’innocence, un principe cardinal de la procédure pénale, sont politiques.
Le grand retour de cet officier reconnu pour ses compétences mais mis au garage depuis 2013 sent l’odeur d’une manœuvre politique visant plutôt à diviser davantage le groupe des accusés. Non seulement Ibrahim Dahirou Dembélé était un soutien fort des récentes manifestations exigeant le jugement de l’affaire ou la libération des détenus, mais aussi sa femme était au-devant de la scène médiatique avec une détermination sans pareille. Mme Dembélé trouvera désormais des excuses pour se soustraire aux prochaines manifestations contre les autorités. Vraisemblablement, les autorités politiques ont exploité certaines informations selon lesquelles le procès de Sikasso a étalé au grand jour les divergences entre les accusés. Les avocats des généraux Yamoussa Camara et Ibrahim Dahirou Dembélé, convaincus de l’innocence de leurs clients, étaient opposés à tout report. Par solidarité, ils se sont abstenus de plaider le non renvoi. D’ailleurs, ils ont rarement pris la parole, à l’exception de Me Alhassane Sangaré qui a plaidé pour le renvoi devant son client, ministre de la République au moment des faits devant la Haute Cour de justice. Le dernier jour des assises, un incident a opposé les généraux Amadou Haya Sanogo et Ibrahim Dahirou Dembélé. L’ancien chef d’état-major général des armées n’aurait pas apprécié certains propos tenus par le général Sanogo à l’endroit de l’un de ses avocats en l’occurrence Me Boubacar Karamoko Coulibaly. Les discussions ont été houleuses entre les deux frères d’armes.
En plus d’accentuer ce clivage entre les accusés, les manœuvres en cours ou à venir viseraient à fragiliser le général Moussa Sinko Coulibaly dont la démission de l’armée, suivie de sa décision de descendre dans l’arène politique, semble perturber le Président de la République et son équipe, lesquels ont été contraints de revoir leur schéma initial.
Aux yeux de nombreux observateurs, les récentes décisions mettent à nu le jeu du gouvernement de la République qui peut difficilement se cacher derrière le mur de l’indépendance de la justice. Toutes les décisions de justice qui seront désormais prises dans le cadre de cette affaire dite des bérets, rouges risqueront d’être entourées de suspicion quant à leur crédibilité, voire leur impartialité.
Veut-on trouver des arrangements politiques à cette affaire à la fois encombrante et embarrassante ? Difficile d’y répondre avec affirmation, même si le Président de la République s’appelle Ibrahim Boubacar Kéïta, « Un vrai maître de l’équivoque » pour reprendre le titre d’un article de l’hebdomadaire français ‘’L’express’’ et que le Premier ministre étant Soumeylou Boubèye Maïga, ministre de la défense au moment de l’arrestation des personnalités de l’ex-junte de Kati.
Par Chiaka Doumbia
Source: lechallenger