‘’Du choc des idées, faire jaillir l’étincelle de vérité qui construira la nation malienne…’’ : c’est dans cette idéologie que votre rubrique ‘’Débats et Opinions’’ puise sa quintessence. Il s’agit d’ouvrir le débat sur des questions capitales pour le pays, tout en donnant l’opportunité à des hommes et femmes de se prononcer et d’apporter leur modeste contribution à la construction nationale à travers leurs opinions et différentes propositions. Nous sommes allés cette semaine à la rencontre du Dr Macki SAMAKE, Recteur de l’Université des Lettres et des Sciences Humaines de Bamako. Avec ce brillant universitaire et patriote convaincu de son état, nous avons abordé les problèmes de l’enseignement supérieur en général et ceux de l’ULSHB en particulier. Nous avons profité de l’occasion pour lui arracher, bien entendu, quelques impressions sur l’actualité nationale.
‘’Le Flambeau’’ : Qui est le Dr Macki SAMAKE ?
Dr. Macki SAMAKE est Maitre de conférences en linguistique et Recteur de l’Université des Lettres et des Sciences Humaines de Bamako (ULSHB). Avant d’être Recteur, j’ai été responsable de la formation continue à l’IUG, Chef de la Division Relations Extérieures, Chef du Service des Relations Extérieures et de la Coopération de l’Université de Bamako, puis vice-recteur de l’Université des Lettres et des Sciences Humaines de Bamako.
‘’Le Flambeau’’ : Pouvez-vous nous présenter votre université ?
L’ULSHB a été créée par Ordonnance N°2011-019/P-RM du 28 septembre 2011 et ratifiée par la loi N°2011/083-AN-RM du 29 décembre 2011 suite à la scission de l’Université de Bamako en quatre universités thématiques. Le Décret N°2011-736/P-RM du 3 novembre 2011 fixe son organisation et les modalités de son fonctionnement. Elle est constituée de trois (03) structures de formation et de recherche dont :
– La Faculté des Lettres, des Langues et des Sciences du Langage où on enseigne les filières Anglais unilingue et bilingue, Arabe unilingue et bilingue, russe unilingue et bilingue, Allemand unilingue et bilingue, Lettres et Sciences du Langage ;
– La Faculté des Sciences Humaines et des Sciences de l’Education : Philosophie, Sciences de l’Education, Socio-Anthropologie, Psychologie.
– L’institut Universitaire de Technologie : Arts, Métiers du Livre et Communication
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‘’Le Flambeau’’ : A quand date votre nomination à la tête de l’ULSHB et quelles sont les différentes actions menées depuis lors ?
J’ai été nommé recteur le 23 mai 2013 par Décret N° 459/P-RM du 23 mai 2013. De cette date à nos jours, nous avons réussi à créer un Cadre Permanent de Concertation. Lequel est un espace qui permet l’échange entre les enseignants et l’administration. Ceci pour anticiper les grèves et autres mouvements pouvant déranger le déroulement normal de l’année académique. C’est grâce à ce cadre de concertation que les enseignants, malgré leur mot d’ordre de grève, ont consenti à évaluer les étudiants pour boucler l’année. Nous saluons au passage cet effort supplémentaire des enseignants. Il convient aussi de souligner, entre autres, l’élaboration et la validation d’un Plan Stratégique de Développement pour 5 ans ; la redynamisation de la revue scientifique ‘‘Etudes Africaines’’ de l’université ; la redynamisation des activités culturelles et sportives et la création d’un journal « ULSHB-Infos ». Un site web de l’Université des Lettres et des Sciences de Bamako est également en conception et sera bientôt disponible.
Le Flambeau : Quels sont les défis à court, moyen et long termes pour l’ULSHB ?
Il nous faut à court terme avoir notre patrimoine immobilier propre (salles de classe, amphis, labos, bureaux abritant l’administration, terrains de sport, etc.). Nous payons un loyer de plus de 20.000.000 FCFA/mensuel pour les bâtiments baillés. C’est inacceptable ! A ce défi majeur, s’ajoute la mise en œuvre du système LMD dans toutes les structures de formation de l’ULSHB.
A moyen et à long terme, il nous faudra améliorer l’offre de formation par la création d’une cellule de formation continue et de filières professionnalisantes et la formation des enseignants à l’appropriation des nouveaux outils pédagogiques. Nous ambitionnons de promouvoir la recherche par la création d’une école doctorale et de laboratoires de recherche ; la formation des enseignants à la recherche de financement et la création d’une fondation ayant pour mission principale de financer la recherche. Un autre défi majeur que nous comptons relever est celui de l’amélioration de la gouvernance. Cette ambition passera par l’élaboration de textes juridiques adaptés à la réalité et d’un plan de communication ; la formation du personnel administratif et technique en gouvernance universitaire ; la création d’une cellule statistiques et prospectives et la mise en place d’un conseil d’assurance-qualité.
Le Flambeau : Quelles sont les difficultés auxquelles l’ULSHB est confrontée ?
On peut citer entre autres difficultés : l’Insuffisance quantitative et qualitative des infrastructures ; l’Insuffisance d’enseignants qualifiés ; l’Absence de formation post universitaire ; Le Manque de laboratoires de recherche ; Le Manque de bibliothèque universitaire ; La Dispersion des sites d’enseignements et les difficultés de mise en œuvre du LMD.
Le Flambeau : Quels bilans faites-vous de la situation de l’enseignement supérieur ?
Le bilan n’est pas à hauteur de souhait pour des raisons évidentes de surpopulation, de manque d’infrastructures et de faible taux d’encadrement. Le ratio est de 1 enseignant pour 150 étudiants environ alors que la norme exigée est de 1 enseignant pour 30 étudiants. Il y a lieu de revoir les programmes d’enseignement afin de les adapter au milieu de l’emploi et en mettant l’accent sur les formations professionnalisantes.
Le Flambeau : Quelles sont les difficultés, selon vous, qui défavorisent une meilleure visibilité de l’enseignement supérieur malien sur la scène sous-régionale ?
Ces difficultés sont dues à notre faible implication dans la recherche et les publications scientifiques et dans les difficultés de mise en œuvre du système LMD.
Le Flambeau : Quelles sont les actions envisagées par l’ULSHB pour la promotion de la recherche et l’incitation des enseignants chercheurs à la publication ?
Les actions prévues dans ce cadre sont contenues dans notre document de plan stratégique 2014-2017. Il s’agit notamment d’offrir des bourses de mobilités aux enseignants chercheurs, de redynamiser la revue de l’Université « études africaines » et d’organiser un symposium biennal des Lettres, des Langues, des arts et des Sciences Humaines (SYBLASH).
Le Flambeau : Quels regards portez-vous sur les dernières élections présidentielles ?
L‘élection du 28 juillet 2013 a été l’occasion pour les maliens de démontrer au monde entier que le mali reste une grande nation. Ce qui est surtout remarquable c’est le taux de participation jamais égalé depuis notre accession à la souveraineté nationale et internationale, une élection jugée crédible par tous les observateurs internationaux et le fairplay des candidats. Le Mali sort grandi de cette élection. Ce taux de participation record s’explique par un désir ardent du peuple au changement. Par ce vote massif le peuple envoie un message fort à l’endroit des politiques, il a désormais entre les mains l’arme redoutable pour sanctionner.
Le Flambeau : Quelles solutions proposez-vous pour la résolution définitive de la crise que traverse notre pays depuis les événements du 22 mars ?
A mon avis, la solution à la crise que traverse le mali depuis le 22 mars 2012 passe par plusieurs facteurs. Citons notamment le soutien des partenaires techniques et financiers, la mise en œuvre de projets de développement dans la partie nord du Mali, le renforcement de la présence militaire dans les régions du nord, la formation et l’équipement d’une armée républicaine et le dialogue avec les groupes qui abandonneraient leur revendication indépendantiste.
Le Flambeau : Vos impressions sur le dernier gouvernement de transition et les différents actes qu’il a eu à poser depuis sa prise de fonction ?
Un gouvernement de transition par sa nature est limité dans la durée et dans ses missions. Dans le cas précis, ce gouvernement avait pour mission la résolution de la crise du nord et l’organisation des élections. Ces deux missions ont été accomplies.
Le Flambeau : Quelle analyse faites-vous sur la situation actuelle du Mali sur les plans politique, économique, social, culturel et démocratique ?
Sans être un exemple de démocratie, nous sommes aujourd’hui une source d’inspiration pour d’autres. Que soumaila CISSE, accompagné de sa famille aille féliciter le vainqueur Ibrahim Boubacar KEITA chez lui, même avant la proclamation des résultats provisoires est une spécificité malienne.
Le Flambeau : Quelles sont vos impressions sur le journal ‘’Le Flambeau’’ ?
Le Flambeau est le seul organe de presse qui traite des questions scolaires et universitaires. Pour cela, les animateurs de votre journal méritent mes remerciements. Je vous encourage à continuer sur la même lancée et vous assure de notre accompagnement.
Le Flambeau : Quel message souhaiteriez-vous adresser à l’ensemble du peuple malien en guise de derniers mots ?
Le message va à l’endroit aussi bien des gouvernants que des gouvernés. Les premiers doivent veiller à une bonne gouvernance. Les seconds ont l’obligation d’adopter un comportement républicain.
Biographie :
Né à Ségou le 14 janvier 1954, le Dr Macki SAMAKE est (depuis le 23 mai 2013) Recteur de l’Université des Lettres et des Sciences Humaines de Bamako. Il obtînt son Diplôme d’Etudes Fondamentales (DEF) en 1972 au Groupe Scolaire Central de Ségou, son Baccalauréat en Philo-langues en 1975 au lycée de Badalabougou et le diplôme de l’Ecole Normale Supérieure de Bamako en 1979. Le Dr Macki SAMAKE a enseigné dans différents lycées (Bouillagui, Lycée Franco arabe de Tombouctou, lycée de Badalabougou) avant de continuer les études pour l’obtention d’un Certificat de l’Enseignement de l’Anglais à Buts Spécifiques en 1985 à l’Université de Lancaster (Angleterre). 5 ans plus tard, notamment en 2000, il décroche son Diplôme d’Etudes Approfondies (DEA) en linguistique avec la mention Bien à l’Université Gaston Berger de Saint Louis au Sénégal. En 2004, il soutient sa Thèse de Doctorat de Troisième Cycle en linguistique de l’Université Gaston Berger de Saint Louis.
Docteur Macki SAMAKE a occupé plusieurs responsabilités. Il a été respectivement, avant d’être nommé Recteur, Maître de conférences (linguistique) et Professeur au DER d’Anglais ; Responsable de la Formation Continue de l’IUG (1997-1999) ; Chef de Division Relations Extérieures de l’Université de Bamako (2005-2009) ; Chef de Service des Relations Extérieures et de la Coopération (2009-2011) et Vice-recteur de l’Université des Lettres et des Sciences Humaines de Bamako (2011-2013).
Il est auteur de plusieurs publications Scientifiques dont : Problems of ScientificTerminology in Bamanankan paru dans le Groupe d’Etudes Linguistiques et Littéraires N° 13 (G.E.L.L), UGB, 1999. La rhétorique dans les discours politiques de Thomas Sankara, Revue Scientifique de l’Université Julius Nyéréré de Kankan, Rép. de Guinée, 2010. Problèmes Théoriques et Pratiques de l’Homonymie et de la Polysémie en Bamanankan, Cahiers du Centre d’Etudes et de Recherche en Lettres, Sciences Humaines et Sociales (CERLESH) N°28, Université de Ouagadougou (2007. L’homme, de par son travail, sa rigueur, sa sociabilité et son intégrité, s’est fait une bonne réputation dans le secteur de l’enseignement supérieur.
Source: Le Flambeau