Dans les colonnes de ce journal, nous avons eu à déplorer certaines pratiques blâmables, notamment les circuits d’achat des épreuves des examens organisés et entretenus par des écoles privées pour afficher de bons résultats et attirer davantage d’élèves en vue de grossir leur chiffre d’affaires. Hélas, ces pratiques continuent et se complexifie et gangrènent le système éducatif.
En effet, un parent d’élève nous a fait un récit poignant de l’échec de ses deux enfants pourtant brillants à l’école, parce que, tout simplement, il a refusé de verser au directeur de l’établissement la somme de trente mille (30 000) Fcfa pour chacun d’eux, afin de faciliter leur réussite à l’examen du Diplôme de fin d’études fondamentales (Def). En d’autres termes, il s’agit de faire débourser au parent d’élève l’argent destiné à la corruption afin de faire passer les enfants aux examens.
Le parent d’élève, qui semblait tomber des nues lorsqu’on lui a fait la proposition, a refusé, arguant que cela ne fait pas partie de l’éducation à inculquer aux enfants. Résultat : même très brillants, les deux ont échoué au Def.
Depuis lors, les enfants sont marqués par cette affaire car à l’approche des examens on leur avait demandé de ne plus venir à l’école car ne faisant pas partie des groupes de révision organisée. Ils apprendront plus tard que c’est pendant cette période que les épreuves de certaines matières aveint été traitées en leur absence à l’école.
C’est dire combien le mercantilisme s‘est emparé de l’enseignement privé au point que les promoteurs de bonne foi et de bonne moralité qui abhorrent ces pratiques malsaines ne se retrouvent même plus. Evidemment, tout le monde n’est pas mauvais dans ce milieu, mais la proportion pourrie tend à devenir de plus en plus grande. Il y a de quoi agir pendant qu’il est encore temps.
Il nous revient que la plupart des écoles privées, surtout au niveau du second cycle du fondamental, ne recrutent pas assez d’enseignants, se contentant de vacataires payés à l’heure. Ce qui n’allait pas poser problème si ces vacataires n’étaient pas des enseignants du public qui viennent faire du «mercenariat».
Selon les confidences d’un directeur d’établissement, il y a pléthore d’enseignants à Bamako où ils se trouvent agglutinés. Finalement, au niveau de leur emploi du temps, ils se retrouvent avec peu d’heures de cours. En contrepartie beaucoup de temps libre à monnayer dans les établissements privés. « Même s’ils décrètent une grève, c’est respecté au niveau du public mais ils vont dispenser leurs cours dans le privé où ils savent qu’ils ne sont payés que s’ils bossent » nous confie un enseignant. Avant d’ajouter qu’ils n’acceptent pas de voir «une moto ou une voiture se garer derrière leur engin une fois dans les écoles publiques car ils font une course contre la montre, cherchant à se dégager très vite pour rallier une école privée où ils doivent aller prester».
Mais c’est plus grave au niveau du premier cycle fondamental où des écoles fonctionnent sans cour de récréation, laissant les enfants se balader dans les rues aux abords de l’école, avec ce que cela implique comme risque d’accident et d’enlèvement d’enfant. Pourtant, elles ont une autorisation, disons un agrément qui leur donne le droit de fonctionner comme cela. Des maisons ou appartements sont transformés en écoles sans répondre au minimum de normes requises. Faut-il attendre une catastrophe ou un drame pour réagir sur le tard ? Où sont les autorités des inspections d’académies et des centres d’animation pédagogiques ? Faudrait-il croire, comme on le dit souvent qu’ils sont derrière ces écoles qui sortent de terre comme des champignons dans l’illégalité ?
Imaginez aussi des écoles qui fonctionnent sans toilettes praticables. Ce qui est présenté comme toilette est un simple trou creusé au-dessus d’une fosse, dans une petite pièce envahie par les vers et autres parasites. Au cours de notre enquête, un propriétaire immobilier s’est même plaint de l’école voisine qui a transformé son mur de clôture en urinoir pour les élèves, faute d’en avoir de praticable au sein de l’établissement qui s’avère d’ailleurs trop étroit pour contenir ce nombre d’élèves. « On ne pense pas aux mesures de sécurité, notamment pour l’évacuation des élèves en cas de catastrophe avec l’entrée étroite, une allée d’à peine 1m, 50 de largeur », ajoute-t-il.
Dans ce genre d’écoles privées logées dans des maisons inadaptées, les salles de classe sont étroites et les enfants sont assis serrés comme des sardinelles dans une boîte de conserve. Sans aucune mesure d’hygiène. Pourtant, les parents se saignent à la fin du mois pour régler les frais de scolarité.
Nous sommes aussi tombés sur une école où, au niveau du jardin d’enfants, les élèves sont assis par terre su une natte, serrés les uns contre les autres. Au moment de notre passage l’enseignante en charge de cette classe était préoccupée à causer avec des collègues au dehors, pendant que les enfants se bagarraient et griffaient.
On nous signale pourtant que beaucoup de ces écoles reçoivent de l’aide en provenance de mécènes et surtout d’associations et ONG, mais cette aide prend une autre destination. C’est le cas pour les fournitures revendues sur les marchés, tout comme les jouets offerts aux élèves.
L’école privée, c’est devenu tout simplement du business. Tant pis pour l’éducation et la morale. C’est donc un milieu dans lequel règne l’anarchie et l’illégalité. C’est l’anti modèle de l’Education.
A.D.
Source: sphynx