Les autorités de la Transition ont-elles suffisamment de munitions pour tenir face à la pression de la Communauté internationale ? Pour l’heure, chacun campe sur ses positions. La Communauté internationale, en grande partie, exhorte les tenants du pouvoir à définir un chronogramme acceptable dans un délai raisonnable. De son côté, le gouvernement semble avoir opté pour le jusqu’au boutisme en insistant sur une durée de 5 ans après avoir passé 18 mois à diriger le pays. Cependant, nous optons pour la retenue, la pondération, et surtout, pour une solution la plus régalienne possible.
Vendredi dernier, Bamako et certaines grandes villes ont été le théâtre de rassemblements et marches en faveur de la Transition. Ainsi, cette dernière voudrait montrer aux acteurs de la Communauté internationale avec qui elle est en délicatesse, que son peuple est derrière elle. Egalement, elle voudrait s’obtenir une certaine légitimité et s’armer quelque peu pour faire face aux jours très difficiles qui s’annoncent si l’embargo venait à perdurer.
Il est tout de même à déplorer que ceux qui occupaient la scène politique après la chute d’IBK aient opté pour tout sauf l’orthodoxie démocratique et institutionnelle. Certes, le régime en place méritait bien de sauter eut égard aux dérives qu’il a commis. Mais, soutenir une Transition qui souhaiterait s’offrir quasiment un mandat présidentiel est une aventure incertaine et dangereuse.
Même si la situation actuelle est des plus délicates, une proposition en trois volets pourrait rectifier le tir, et ouvrir enfin une voie dégagée à la normalisation politique et institutionnelle. Il s’agit de fixer la date des élections présidentielles et législatives dans un délai de deux ans, avec à la clé un chronogramme détaillé. Ainsi, le front ouvert du côté de la CEDEAO et de l’ONU sera éteint, ce qui offrira un grand bol d’air frais à la Transition, et surtout épargnera aux Maliens une crise économique. Ensuite, faire signer un Accord de principe, ou un document-cadre, qui engagera les différents candidats à la présidentielle à appliquer trois points essentiels une fois élu :
Convoquer un collège d’experts politiques et aussi différents représentants des couches sociales du pays afin de définir quel modèle politique correspond le mieux au Mali. C’est là l’unique voie pour sortir du cycle des putschs à répétition.
Mener à bien les dossiers judiciaires sur les différents cas de corruption et d’enrichissements illicites avec à la clé, une réforme qui stipulera la construction de nouvelles prisons qui serviront de bagnes aux voleurs au col blanc. Le tout en continuant, naturellement, les enquêtes sur d’autres cas du même genre.
Et enfin, une réforme approfondie et sans complaisance de l’état de notre appareil sécuritaire en ayant en ligne de mire la réalité du terrain.
Ce document-cadre engagera le futur président devant le Mali entier et la Communauté international. Le rôle de la veille à son bon déroulé reviendra à la Nouvelle Assemblée Nationale qui sera mis en place. Les députés, par un vote à la Majorité simple et par le jeu des interpellations, pourront alerter le gouvernement en place. Bien évidemment, comme tout exercice démocratique, sa réussite dépendra du consensus qui l’entoure, et aussi à l’engagement, et de l’Exécutif et du Législatif.
Quant aux recommandations des Assises Nationales de la Refondation, elles resteront de mises pour les années voire mandats qui suivront. L’on part du principe que pour bien faire les choses, il faut prendre son temps. Il s’agit là d’un travail préparatoire au Mali Kura qui sera accompli par un gouvernement le plus légal et le plus légitime possible.
N’oublions surtout pas la portée pédagogique d’une Transition qui ne s’éternise pas au pouvoir. Car certes, le pouvoir déchu ne devait plus exister, mais que des individus à l’issue d’un putsch, se croient avoir la légitimité pour apporter les changements profonds d’un Mali nouveau, va à l’encontre de tout esprit républicain et démocratique. Près de trois décennies de dérives, d’oubli de soi, et de déperdition démocratique ne peuvent se résoudre en l’espace de quelques années.
Ahmed M. Thiam
Source : L’ALTERNANCE